La lucidite peut-elle nous rendre malheureux

La lucidite peut-elle nous rendre malheureux

| | | | | | | | | | | | Dissertation de philosophie « La lucidite peut-elle nous rendre malheureux ? » C’est une qualite, etat de ce qui est lucide, ou de celui qui voit les choses nettement, qui concoit clairement les questions. La lucidite a des bons et des mauvais cotes, elle n’est pas un etat permanent. Pourquoi etre lucide ne permet pas d’etre heureux?

Car penser par soi-meme fait que l’on se rend compte a quel point il est moins confortable de devoir se forger sa propre opinion, plutot que de pouvoir laisser les autres penser a sa place et se rallier a leur point de vue. Decouvrir que tout n’est pas rose comme les marchands de soupe de la tele aimeraient nous le faire croire est aussi une source d’insatisfaction, parce qu’on sait a quel point les des sont pipes dans une societe ou soit disant chacun a sa chance.

Il est comme la liberte, toujours incomplet, imparfait, sans cesse soumis a des remises en question et lorsque enfin nous y parvenons, on peut etre sur que cette lucidite nous echappera l’instant d’apres. Nous, nous demanderons si la lucidite est

Désolé, mais les essais complets ne sont disponibles que pour les utilisateurs enregistrés

Choisissez un plan d'adhésion
une contrainte au bonheur. En effet, etre vigilant de toujours s’inscrire dans la realite, n’est-ce pas etre condamne au malheur? Partant de ce constat, sommes-nous plus heureux dans l’illusion ? Mais, ne pas avoir la faculte de concevoir clairement notre bonheur n’est-il pas la preuve d’un bonheur illusoire ?

De plus, etre lucide c’est etre en etat perpetuel de recherche de verite que requiert la liberte, donc si nous sommes lucides, nous sommes libres : la lucidite n’est pas une contrainte mais une obligation. Nous allons tout d’abord chercher a comprendre pourquoi la lucidite apparait dans un premier temps comme une contrainte au bonheur puis nous verrons dans un second temps de notre reflexion que, c’est la lucidite qui nous permet de parvenir a un bonheur veritable.

Enfin nous allons voir enfin dans ce troisieme et dernier temps de la reflexion que la lucidite poussant a l’action, c’est elle qui nous permet de nous realiser pleinement et atteindre ainsi un reel bonheur. Etre lucide, c’est avoir le souci permanent de se sortir de l’illusion pour atteindre la verite. Pour cela, nous devons en premier lieu douter de tout, c’est le doute methodique de Descartes. Nous pouvons deja noter que cette premiere etape nous oblige a remettre en cause tout ce que l’on nous a inculque auparavant, y compris tout ce qui composait notre bonheur ainsi l’exercice de lucidite apparait comme une annulation de notre bonheur.

Descartes decrit d’ailleurs a l’issue de ce doute une sensation de noyade, representative d’une certaine souffrance or la souffrance est ce qui s’oppose au bonheur si l’on a une conception “negative” de celui-ci appelee ataraxie, c’est-a-dire l’absence de souffrance. Dans le Discours de la methode, Descartes fait une decouverte : celle de la subjectivite constituante avec sa celebre formule du Cogito “je pense donc je suis”. L’homme lucide est donc amene a prendre conscience de son existence. L’homme fait ici face a conscience reflexive c’est-a-dire qu’il a la capacite de representation e lui-meme. A partir de cette prise de conscience, l’homme lucide est contraint d’assumer tous ses actes et ceci nous prive du confort de notre insouciance et de notre irresponsabilite. En effet, cette lucidite qui nous impose la responsabilite nous place dans ce que Sartre appelle l’angoisse. L’angoisse etant une sorte de pathos primitif survenant de la conscience du neant actuel de notre existence, nous voyons ici aussi que la lucidite apparait comme une contrainte au bonheur, puisqu’elle nuit a la paix interieure de notre ame.

D’autre part, la lucidite se definit comme une faculte de clairvoyance, ce qui signifie qu’elle doit nous permettre d’anticiper et nous projeter dans l’avenir mais aussi en tant qu’elle place l’homme dans un reflexif sur lui-meme, elle lui rememore son passe. Mais n’est-ce pas la le signe que l’homme lucide, trop occupe par les remords du passe et les esperances de demain, ne prend-t-il jamais le temps d’apprecier son present ? Le present nous echappe. Ainsi nous ne vivons jamais, mais nous esperons de vivre, et, nous disposant toujours a etre heureux, il est inevitable que nous ne le soyons jamais.

La lucidite nous empeche donc d’atteindre le bonheur. Par consequent, nous pouvons supposer que nous sommes plus heureux dans l’absence de lucidite. D’Anatole France, dans Les Dieux ont soif, ecrit d’ailleurs : “L’ignorance est la condition necessaire du bonheur des hommes”. Tentons d’en comprendre les raisons. Si la lucidite nous empeche d’atteindre le bonheur, il faut accepter ici que le bonheur peut difficilement se conceptualiser rationnellement si bien qu’une vie heureuse n’est pas de se tourner vers la raison.

Nous pouvons ainsi decliner une definition du bonheur non raisonnable pour acceder a une approche materialiste du bonheur qui privilegie les plaisirs associes au monde du sensible plutot que ce qui se rattache au monde intelligible. Pour illustrer ce comportement, nous pouvons observer celui qu’on appelle “l’imbecile heureux” qui n’use pas de sa capacite reflexive, autrement dit ne s’eleve jamais dans le monde des idees et reste dans le monde de l’en-soi : ainsi, il prend toutes les sensations et les plaisirs qu’il percoit pour argent comptant.

Mais la realite materielle peut parfois etre difficile a affronter, dans ce cas-la, nous pouvons imaginer “l’imbecile heureux” prendre une autre voie du bonheur : celle construite a partir des illusions. Dans Malaise dans la civilisation, Freud nous explique d’ailleurs que l’illusion est l’un des moyens les plus efficaces pour nous rendre heureux puisqu’elle cree des satisfactions substitutives permettant de nous faire oublier la souffrance effective de l’existence.

Les illusions proviennent de croyances et nous permettent ainsi d’aspirer a une (autre) realite revee. Ceci correspond a la definition du bonheur que nous donne Kant dans Fondement pour la metaphysique des m’ urs : “un ideal, non de la raison, mais de l’imagination”. Nous avons vu dans cette premiere partie pourquoi la lucidite qui n’est autre qu’une confrontation a la realite pouvait etre deroutante et amenait le plus souvent au malheur, c’est pourquoi rester dans l’insouciance amenait plus facilement au bonheur.

Surtout qu’il est a noter qu’une fois que l’on a eu une prise de conscience de la durete de la vie, il est difficile de s’en affranchir : la lucidite apparait alors une contrainte au bonheur puisqu’elle empeche d’y acceder. Nous verrons dans ce second temps de notre reflexion que c’est la lucidite qui nous permet de parvenir a un bonheur veritable. Tout d’abord, lorsque l’homme qui cherche son bonheur dans le maximum de satisfactions externes, allant de plaisirs en plaisirs est en fait dans le “divertissement”, theme que Pascal a traite dans ses Pensees et montrant qu’en cherchant perpetuellement a se divertir,

L’homme veut en realite fuir sa condition humaine (il n’est ici que dans le simple plaisir animal) or considerant le bonheur veritable comme la qualite de jouir de son etre, nous voyons ici que l’homme decrit n’est que dans un bonheur trompeur. Ensuite, le bonheur construit a partir d’illusions est aussi comme son essence nous l’indique : illusoire. Les joies de l’illusion ne sont que superficielles, c’est qu’explique Descartes dans sa Lettre a Elisabeth : “je n’approuve point qu’on tache a se tromper, en se epaissant de fausses imaginations ; car tout le plaisir qui en revient, ne peut toucher que la superficie de l’ame, laquelle sent cependant une amertume interieure, en s’apercevant qu’ils sont faux. ” Consequemment, “il vaut mieux etre un peu moins gai et avoir plus de connaissance” : etre moins gai ne signifie pas etre moins heureux, au contraire la lucidite sera la condition necessaire a un bonheur intense et veritable. Il est vrai que la lucidite cree en tout premier lieu des souffrances de l’ame, soit mais au lieu de vouloir les rejeter a tout prix, il vaut mieux tenter de les comprendre.

Ainsi nos souffrances sont l’illustration de la grandeur de notre sensibilite. Developper sa sensibilite, c’est aussi, accroitre sa capacite a apprecier pleinement le bonheur. Ainsi, nous n’aurons pas une conception “negative” du bonheur en tant qu’ataraxie. Si le bonheur etait la simple absence de souffrance, il serait bien terne et monotone tandis que si nous passons auparavant par des epreuves de souffrances, la joie sera d’autant plus intense apres. Ainsi, la lucidite apparait comme une contrainte mais qui doit se surmonter pour acceder a un bonheur qui sera plus intense.

Etre lucide, c’est avoir la capacite de conscience reflexive, ainsi lorsque nous sommes heureux, nous prenons conscience de la valeur de notre bonheur bien plus que “l’imbecile heureux” qui ne sait mesurer la chance ou non de ce qui lui arrive et ne vit en fait que dans la banalite. De plus, la lucidite nous permet de clarifier certains points comme celui de notre finitude. Certains diront que l’idee de mort paralyse et ne peut que nous rendre plus malheureux que nous l’etions mais en realite, c’est la mort approchante qui nous pousse a vivre le plus intensement possible.

C’est ce que Kierkegaard explique dans son Traite du desespoir : “Le serieux comprend que si la mort est une nuit, la vie est le jour” ce qui signifie que c’est la connaissance de la mort qui nous pousse a agir aujourd’hui et arreter de toujours repousser ce que l’on doit faire au lendemain. La lucidite est donc un stimulant de la vie. Nous avons donc montre dans cette seconde partie que la lucidite cherchant a donner un sens a notre existence, parvient a un bonheur veritable et plus intense que celui de “l’imbecile heureux”.

Nous allons voir enfin dans ce troisieme et dernier temps de la reflexion que la lucidite poussant a l’action, c’est elle qui nous permet de nous realiser pleinement et atteindre ainsi un reel bonheur. Comme nous l’avons indique dans la premiere partie, la lucidite, qui nous apporte une prise de conscience de notre condition humaine ainsi que de notre pleine responsabilite. Il faut regarder positivement ce qu’implique la responsabilite : c’est la liberte de la condition humaine.

Etre libre, c’est etre maitre de sa puissance subjective d’autodetermination, c’est-a-dire ne pas etre heteronome mais bel et bien autonome. Le mot contrainte faisant reference a une situation d’heteronomie, il est donc absurde de considerer la lucidite comme une contrainte a quoi que ce soit puisqu’on ne peut contraindre quelqu’un a etre lucide, c’est par lui-meme que l’homme s’oblige a etre lucide. Mais avant de s’emparer de sa responsabilite, comme nous l’avons egalement notifie dans la premiere partie.

Consequence, qui selon les critiques de l’existentialisme, plongerait les gens dans un “quietisme du desespoir”. Nous nous opposerons a cette hative conclusion puisque si nous acceptons en effet le fait que l’angoisse tend a faire devenir l’homme desespere, c’est la la base de ce qui va le pousser a l’action. Il faut se distancer des jugements negatifs de l’opinion commune du mot desespere. En effet, c’est plutot l’esperance qui conduit a l’inaction puisqu’elle se caracterise par l’attente d’un bonheur qui ne depende pas de nous.

Comte-Sponville ecrit dans Le bonheur, desesperement : “le contraire d’esperer, ce n’est pas craindre, mais savoir, pouvoir et jouir” et cite Seneque qui ecrit dans sa Lettre a Lucilius : “Quand tu auras desappris a esperer, je t’apprendrai a vouloir”: la volonte, voila le maitre mot pour atteindre le bonheur. Le bonheur n’est pas un don, il est libere de la chance pour etre rendu a la liberte. La volonte se differencie justement de l’esperance dans la mesure ou sa satisfaction depend de nous et c’est grace a la lucidite que otre volonte s’inscrira dans le reel pour agir, mesurera auparavant l’importance des changements qui decouleront de nos actions, et ainsi nous permettra de ne pas etre decu des resultats puisque anticipes. Si l’on peut reprocher a l’homme lucide de (trop) reflechir, cette reflexion est le seul fondement possible avant toute action donc en finalite, l’homme lucide agit donc, vit et existe a travers ses projets tels qu’il les a concus, il est alors dans le veritable bonheur : celui qui donne un sens a notre existence et concilie le bonheur du monde intelligible par sa reflexion a celui du monde sensible par son action.

En conclusion, nous pouvons affirmer que c’est en verite l’absence de lucidite qui est une contrainte au bonheur car elle nous laisse dans la seule appreciation niaise du present et sommes alors sous soumis au bonheur ou non, en tant que fatalite. La lucidite, en revanche se doit d’etre une obligation car c’est la condition sine qua none pour atteindre un bonheur veritable, intense et sense puisqu’elle tend vers une quete de verite et nous retire de nos illusions.

Quand il est la, elle nous fait prendre conscience de notre bonheur et nous oblige a agir et s’engager pour donner un sens au bonheur et par-dela perseverer dans notre existence. On peut ainsi en deduire que la lucidite face aux rapports sociaux injustes, loin de conduire au non-sens, permet de lutter contre la souffrance du desespoir.