La jurisprudence

La jurisprudence

Le fait de reconnaitre la jurisprudence comme une source du droit alimente les debats entre juristes depuis l’epoque romaine. La definition meme de jurisprudence suscite des controverses. Au sens etymologique, du terme, la jurisprudence designe « une prudence dans l’art de juger », c’est-a-dire une connaissance avisee, sage du droit. A l’origine en droit savant, c’est-a-dire le droit tel qu’il etait pratique a l’epoque medievale, elle designait la science du droit.

Aujourd’hui, elle a sens beaucoup plus restreint et signifie l’ensemble des solutions de justice donnees par une juridiction a une question juridique donnee dans l’application meme du droit. Selon Carbonnier, la jurisprudence « n’est pas reellement creatrice « de regles juridiques, elle n’est pas source du droit. La Constitution elle-meme ne designe pas la jurisprudence comme une source officielle de droit. Nous pouvons nous demander dans ce cas si la jurisprudence peut representer une source du droit ou est une simple autorite interpretarice de la regle de droit ?

Le premier obstacle a la reconnaissance de la jurisprudence comme source de droit est de nature institutionnel. A la suite de la revolution de 1789 et l’avenement de la philosophie des Lumieres, le systeme juridique s’est construit autour du primat de la loi

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comme instrument de la liberte de l’homme et de democratisation du peuple en reponse au droit sous l’Ancien Regime qui etait le « produit de l’activite arbitraire du juge ».

Le droit des juges devient alors inexistant, synonyme d’instabilite, de trouble de la securite juridique du fait qu’il fait naitre des interpretations tres diverses et variees en contradiction avec les objectifs de la loi qui se doit d’etre claire, uniforme et garante de la securite juridique. Ainsi Robespierre ira meme jusqu’a vouloir « abolir […] le concept de jurisprudence ». Ceci a profondement influence le droit francais. Tout a ete ainsi fait pour que la decision du juge ne puisse « devenir regle de droit ».

L’article 5 du Code civile a ete edicte dans le but de prohiber des arrets de reglement :il en decoule que le juge n’a pas le droit d’annoncer que desormais dans tel type de litige, il rendra toujours tel type de decsion,il ne peut elaborer une regle de droit. Il s’inscrit donc bien dans la garanti de separation des pouvoirs puisqu’il precise bien que le pouvoir legislatif n’est pas autorise a rendre des decisions de justice qui sont du ressort exclusif du pouvoir judiciaire et vice versa.

L’Article 1351 du Code Civil va dans le meme sens avec le « principe d’autorite relative des choses jugees » c’est-a-dire qu’il est interdit de recommencer un proces exactement identique au precedent, opposant les meme parties, le meme objet et la meme cause :la decision prise est immuable mais en aucun cas celle-ci ne pourra etre appliquee en tant que « regle generale ». Les juges ne sont pas lies par des decisions anterieures rendues par eux-memes ou par d’autres juridictions meme superieures.

Ainsi il n’existe que des decisions individuelles, une meme juridiction peut repondre differemment a la meme question, posee par differents plaideurs. La securite des decisions rendues par la jurisprudence est d’autant plus remis en cause qu’il est possible qu’il y ait des revirements de la jurisprudence, c’est-a-dire un changement de jurisprudence par rapport aux positions qui etaient adoptees posterieurement par les juges.

Ainsi dans l’arret de la cour de cassation du 9 octobre 2001 ,la Cour de Cassation a annule et casse la decision de la cour d’appel qui avait decide de rejeter le pourvoi d’un enfant devenu majeur qui avait engage une action en justice contre le docteur qui s’etait occupee du suivi de la grossesse de sa mere du fait de la non information de cette derniere des risques que pouvaient presenter une presentation par le siege lors d’un accouchement et il en avait resulte une paralysie de son membre superieur droit.

La cour d’appel avait alors rejete le pourvoi du fait qu’a l’epoque des faits « le medecin n’etait pas contractuellement tenu de donner des renseignements complets sur les complications afferentes aux investigations et soins proposes, et ce d’autant moins que le risque est exceptionnel ». En agissant ainsi la cour d’appel remettait en cause le caractere retroactif de la jurisprudence, en effet il est difficilement concevable qu’un meme texte ou un meme principe soient interpretes differemment a un moment donne selon que le meme fait reproche s’est produit avant ou apres telle date.

Pourtant se justifiant de la garantie d’un fondement d’un valeur majeure de nos societes democratiques, a savoir le « respect du principe constitutionnel de sauvegarde de la dignite de la personne humaine», la cours de Cassation va bel et bien casser la decision de la Cour d’appel mettant ainsi en exergue le caractere tres instable de la jurisprudence qui peut avoir une interpretation differente dans le temps et celle-ci s’aura alors de consequences directe sur les particuliers qui se basaient sur la jurisprudence ancienne.

La jurisprudence ne peut donc etre une source directe de droit car elle n’a pas cette legitimite d’etre continue dans ses decisions. La Cour de Cassation en declarant le medecin responsable a nie le pouvoir createur de la jurisprudence car la regle est toujours supposee avoir existe : le juge n’est pas cense avoir cree une nouvelle regle de droit, la norme est toujours identique.

De plus si la jurisprudence n’est pas une source formelle du droit c’est parce qu’elle n’edicte pas de regles et ne les fait pas appliquer non plus, la jurisprudence represente l’ensemble des solutions qui apporte un appui aux juges dans leurs decisions car elle est unifiee par la Cour de cassation « il lui manque cette force essentielle d’etre obligatoire pour elle-meme ». Les juges etant independants, ils ne sont pas obliges de suivre l’interpretation de la cours de Cassation.

Donc la jurisprudence ne peut etre consideree comme une source formelle du droit donc creatrice de regles de droit mais elle est pourtant plus qu’une simple autorite car elle permet aux juges d’appliquer les lois qui peuvent parfois etre trop generales et abstraites. C’est une matiere indispensable au bon fonctionnement et a la comprehension de l’ordre juridique. La jurisprudence observe donc une place importante dans le droit francais, mais si elle n’est pas une source formelle et donc directe du droit, elle peut etre consideree comme une source informelle et donc ndirecte du droit. Le juge doit appliquer la loi regle generale a un caractere particulier : cette application suppose une adaptation ou une interpretation de la loi qui ajoute a celle-ci. Ainsi la jurisprudence peut adapter la loi a l’evolution des faits quand ils ne repondent plus aux besoins sociaux, m? urs avec l’evolution de la societe : c’est la cas de l’arret de la cours de cassation du 21 decembre 2006 dont nous avons parle precedemment, instituant le devoir d’information du medecin vis-a-vis de son patient.

Dans le code civil suisse article 1 er, le juge peut emettre des regles de droit « comme s’il avait faire acte de legislateur »sur son interpretation et « des solutions consacrees par la jurisprudence ». Le pouvoir createur du juge y est donc tres fort . Dans les Common Law des juridictions Anglo-Saxonnes, la jurisprudence est elle aussi consideree comme source de droit :ils existent des cours supremes destinees a servir « de guides pour les juridictions inferieures »,il y a une veritable valorisation du juge et de son droit : le juge s’inspirera alors des decisions rendues precedemment pour trancher le litige.

En France malgre le fait que la jurisprudence, ne soit pas officiellement reconnue comme source de droit, la Cours de Cassation s’inspire souvent de la jurisprudence de la CEDH pour rendre des decisions fondant ainsi le caractere createur de sa jurisprudence. Ainsi dans l’arret, du 13 juin 2007 la Cours de Cassation va casser et annuler le pourvoi se fondant sur la vison de la CEDH qui a enonce que l’article 29 de la loi du 19 janvier 2000 n’avait pas d’effet retroactif n’etant pas justifie par un motif general et qu’elle pourrait priver le justiciable d’un proces equitable si tel etait le cas.

De plus, la jurisprudence implique une interpretation de la loi par le juge ceci est renforce par le fait que le juge a l’obligation de juger(art 4 du CC). Lorsque la loi est muette, obscure ou incomplete le juge de ne doit pas refuser de statuer pour eviter que l’individu dont le droit est lese ne veuille se faire justice lui-meme :il doit rendre une decision pour trancher le litige ou il sera poursuivi comme coupable de deni de justice.

Il est autorise a cree une regle particuliere pour resoudre le litige qui lui est soumis en precisant completant ou adaptant la loi. En outre, la cours de cassation en plus d’uniformiser la jurisprudence est l’organe qui permet la creation de nouvelles normes par l’interpretation de la loi qui« s’y incorporent et constituent a son developpement ». Elles ne s’embarrassent pas des faits mais etudie uniquement l’application rigoureuse du texte de loi en adequation avec le litige a trancher : elle remplit une « veritable fonction normative ».

On peut d’ailleurs illustrer ce propos par un revirement de jurisprudence avec l’arret du 21 decembre 2006 de l’Assemblee pleniere de la cours de Cassation permettant d’eviter qu’un justiciable soit prive d’acces au juge et donc d’un proces equitable, au sens de l’article 6§1 de la Convention europeenne des droits de l’homme modifiant ainsi l’application stricte de la regle de prescription de l’article 29 de la loi du 19 janvier 2000 . Ainsi la Cours de Cassation a module dans le temps l’effet retroactif de la jurisprudence enoncant ainsi clairement que la jurisprudence est une source du droit car elle modifie l’etat du droit positif.

Plus caracteristique encore du pouvoir createur de droit de la cours de Cassation, l’exemple de l’arret du conseil d’Etat du 16 juillet 2007 des Societe TROPIC travaux signalisation qui procede a la creation d’un nouveau recours en matiere contractuelle . Selon une juridiction constante et ancienne, les personnes qui ne sont pas parties a un contrat administratif ne pouvaient en demander l’annulation en justice. Par sa decision Societe Tropic Travaux Signalisation, l’Assemblee du contentieux du Conseil d’Etat a profondement odifie cet etat du droit en ouvrant aux concurrents evinces de la conclusion d’un contrat administratif un recours leur permettant de contester directement devant le juge administratif, apres sa signature, la validite de ce contrat. Ce recours peut en outre etre assorti d’une demande tendant a ce que le juge des referes ordonne, a titre conservatoire, la suspension de l’execution du contrat. Cette decision du Conseil d’Etat illustre aussi son role limitatif quant au caractere retroactif de la jurisprudence.

Ainsi afin de ne pas porter atteinte au droit fondamental qu’est le droit de recours et de garantir la securite juridique « tenant a ce qu’il ne soit pas porte une atteinte excessive aux relations contractuelles en cours », le recours nouvellement defini « ne pourra etre exerce qu’a l’encontre de contrats dont la procedure de passation a ete engage posterieurement a cette date » : ce qui signifie que les nouvelles regles seront applicables seulement aux actions en justice ayant le meme objet et deja engagees a cette date.

Ainsi si le conseil d’Etat se doit de moduler dans le temps des revirements de la jurisprudence, cela nous montre bien que la jurisprudence est source de droit, creatrice de nouvelles normes : elle pose « l’effet novatoire de la decision » (document 11).