La grtuite c’est du vol

La grtuite c’est du vol

L’honnetete ne consiste pas a ne jamais voler, mais a savoir jusqu’a quel point on peut voler, et comment faire bon usage de ce qu’on vole », Antoine de Saint-Exupery La controverse persistante, et portant sur l’effectivite du droit de la propriete intellectuelle dans un contexte dematerialise revet une acuite certaine lorsqu’il est question de peer-to-peer, et specifiquement de telechargement illegal.

Les manifestations de cette radicalisation apparaissent en gros titre dans la presse « la propriete intellectuelle c’est le vol », ou au contraire « la gratuite, c’est le vol ». On en revient meme a opposer les communistes aux ulta-liberaux, les « thuriferaires de la libre circulation des ? uvres » aux « partisans du deploiement sans barrieres de la concurrence et du consumerisme » ….

Comme si « la fin de l’histoire » (Fukuyama) prefigurant la fin des grandes ideologies, ayant debute a la chute du mur de Berlin, se trouvait bousculee avec la survenance de nouvelles problematiques inherentes aux nouveaux procedes d’echange et de communication … Egalement, l’idee de gradation et de hierarchisation dans la culture resurgit pour legitimer soit la gratuite des biens de divertissement, soit au contraire la remuneration des auteurs d’? vres intellectuelles. Cette distinction, caracterisee par

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une inapplicabilite averee, veut battre en branche la marque actuelle du tout culturel , ce qui paradoxalement reflete la pensee portee par les populistes Russes du XIX siecle : « une paire de bottes vaut Shakespeare ». Le lecteur averti ne saurait manquer de s’interroger sur les motifs de resurgence, ou de deplacement de ces clivages ideologiques, qui semblaient fondamentalement resolus depuis longue date.

En realite, force est de remarquer que la generalisation de nouveaux standards de communication et d’acquisition de contenus audiovisuels legitime des interrogations sur cette question de la portee de la protection conferee par le droit de la propriete intellectuelle sur l’internet. Mais, quelle gratuite ? , et quel vol ? Le titre de l’ouvrage objet de la presente etude apparait bien generaliste, compte tenu de la etendue de la these de l’auteur, limitee au telechargement illegal. De plus, les evolutions actuelles du marche contredisent certaines prises de position de l’auteur.

En tout etat de cause, les reflexions sur l’economie numerique dans un contexte dematerialise abondent, alors que le droit s’empetre dans des concepts vite depasses, au detriment des exigences de securite juridique et d’intelligibilite de la loi. Cette insecurite juridique patente a suscite des reactions de mouvements divers, ayant pour seul trait commun d’etre consommateur. L’objectif est bien de repenser les mecanismes censes garantir l’equilibre entre la juste remuneration du travailleur intellectuel et les droits du consommateur.

Selon Denis Olivennes, ci-apres « l’auteur », la culture de la gratuite, inherente a l’Internet, menace gravement l’industrie culturelle, et au final, le travailleur intellectuel. Ce dernier serait, en definitive, litteralement spolie (I). A l’inverse, la gratuite des ? uvres participe de « la revolution de la connaissance », de la democratisation culturelle la plus aboutie, et ainsi de l’interet general (II). En synthese, cette etude ne saurait eluder les perspectives qu’offre le constat des evolutions de ce marche, dynamique, reactif, en constante adaptation. III). I. L’INCOMPATIBILITE DE LA CYBER-GRATUITE AVEC L’IDEE DE CREATION / PROMOTION CULTURELLE La these de l’auteur peut etre presentee ainsi : Internet demonetise et devalorise les ? uvres car il introduit un changement de perception sur celles-ci ; cela n’est pas le fait de l’hegemonie americaine, ni de la massification et la standardisation du marche des ? uvres culturelles ; le telechargement illegal, principalement, menace l’? uvre creatrice quant a son entreprise, son intention, et sa diversite. il faut repenser l’? vre d’art a l’epoque de la reproductibilite potentiellement infinie, sans cout. Or, la necessite de preserver un marche culturel sain conditionne la democratie. A cet egard, l’auteur insiste sur le fait que la democratie culturelle est nee de la marchandisation des oeuvres de l’esprit : Il faut donc « preserver le circuit economique et la chaine de creation et de repartition des valeurs », sans laquelle « nous n’aurions pas assiste au developpement universel de la culture qui est la marque de nos generations ».

La these selon laquelle la democratisation de la culture n’offrirait que sous-culture est erronee ; elle porte en elle une contradiction. Il serait « specieux de ne pas mesurer le potentiel d’ouverture des esprits et d’emancipation des consciences que cette tres large diffusion culturelle a produit ». Parallelement, avec l’abolition de l’elitisme esthetique qui est la consequence de la culture de masse, on assiste a un « double mouvement emancipateur : la liberte contre l’autorite, l’egalite contre l’inegalite ». Il faut ainsi refuter l’idee selon laquelle le marche serait l’ennemi de la culture.

Car l’auteur reconnait l’existence d’une « culture populaire et mondialisee du divertissement ». Le developpement du divertissement mondialise sert d’ « ecosysteme a la diversite culturelle » ; autrement dit l’economie de marche de biens culturels est necessaire a la protection de la diversite culturelle ; Necessairement, cet etat de fait est accentue par des reglementations specifiques et sectorielles protectrices, relevant de ce qu’on qualifie communement d’exception culturelle. Et, en realite, cette reglementation institue un equilibre fragile s’agissant du positionnement des ? vres culturelles dans une economie de marche. Cette reglementation prend acte de ce que « la culture n’est pas un secteur marchand comme les autres et merite des regulations qui lui soient propres », afin de preserver la diversite culturelle. A cet egard, l’auteur releve que les effets pervers du peer-to-peer sont essentiellement les suivants : ? « Le P2P accroit, d’une part, la competition entre musiciens en restreignant leurs ressources et il incite, d’autre part, les producteurs de tournees et les proprietaires de alles a jouer presque exclusivement les valeurs sures », et « favorise les ? uvres federatrices de plus large public au detriment des creations plus pointues » . ? « Le P2P induit une inversion des subventions : traditionnellement, et dans le cadre de l’exception culturelle, ce sont les diffuseurs qui subventionnent les producteurs alors que sur Internet, les fournisseurs d’acces et les operateurs de telecommunication sont finances par les contenus – via l’utilisation sans droit des ? uvres – et s’enrichissant aux depens des industries culturelles » ;

Or, l’ensemble de « l’ecosysteme » precite est menace par la « cyber-gratuite », decoulant du recours generalise aux telechargements illegaux, via une multitude de logiciels et de sites Internet, etant entendu que cette attitude est favorisee par les fournisseurs d’acces a Internet. Pour eviter toute confusion l’auteur insiste sur la « bonne gratuite » (logiciels libres) et la mauvaise (telechargement illegal). La base, essentielle, de tout ce raisonnement est que celui qui cree a des droits fondes sur le travail qu’il a incorpore a ses ? vres, et qui constituent une extension de sa personnalite. II. La gratuite inherente a l’Internet participe de la revolution de la connaissance, d’interet general Il faut voir la gratuite comme une externalite positive . La gratuite relative des ? uvres n’affecte en rien la propriete intellectuelle ; d’autres problemes bien plus importants l’affectent : les mesures techniques de protection lies a certains contenus achetes, alors que les catalogues illegaux sont plus fournis, plus fluide, car ils ne contiennent pas de MTP.

Egalement, la perception de la valeur d’une ? uvre, a l’aune du Web 3. 0, est delicate. Les MTP sont des dispositifs techniques de gestion numerique de droits imposant des restrictions a l’utilisation d’une ? uvre, et parfois un meme un « verrouillage numerique » abusif. Les MTP sont a geometrie variable : dispositif anti-copie, dispositif restreignant le nombres de copies, MTP imposant le recours a une plateforme exclusive d’un seul type de lecteur, dispositif d’acquisition-verification de licences d’utilisation .. es exemples sont nombreux. Avec l’ouverture des catalogues, d’ailleurs de plus en plus riches, des plateformes telles que virginmusic ou emusic store, sans DRM. Correlativement, il devient de plus en plus difficile de telecharger illegalement des contenus car la complexite du procede s’amplifie . Aux termes d’un simple bilan couts/avantage, le consommateur lambda a desormais de plus en plus tendance a porter son choix sur les plateformes legales de telechargement precitees.

L’auteur ecrit : « Une etrange et sainte alliance de jeunes internautes et de vieux contestataires soutenus par les industries des telecoms et de l’acces a internet) a entonne l’antique refrain de la noble culture gratuite contre l’infame brouet des marchands, de l’economie genereuse du don contre la rente immorale du profit, de la relation libre et fraternelle contre l’echange aliene » ; il se trompe, ces reactions vehementes et multiformes doivent etre regardees comme celles de consommateurs insatisfaits.

De la meme maniere, le grand debat que lance l’auteur sur des schemas d’opposition politiques et economiques, est base sur des exemples factuels, ponctuels aboutissant a des schemas generalises, et donc biaises : « (…) de beaux esprits francais, altermondialistes, audionautes, lecteurs des Inrocks, de Libe, ou de Que Choisir, conspuent davantage que jamais le regne de la marchandise dans la culture, plaidant pour un acces libre et gratuit aux creations qu’ils antinomiques de la loi du profit ».

On ne comprend pas pourquoi l’auteur oppose les hyper liberaux / anti modernes, quant, encore une fois, il est juste question de consommateurs. « Le vol est un travail comme un autre, et souvent plus difficile qu’un autre, sans meme parler des risques » [Tristan Bernard] : Proxys, firewall, routeurs, configuration des ports / debits / cryptage, brouillage de la connexion : l’utilisateur averti des risques doit s’armer de patience, et doit mettre en ? uvre des moyens importants pour parvenir a telecharger convenablement, de maniere relativement anonyme et securisee. Gratuite ?!

A cela s’ajoute le fait que les « delinquants » ont souvent conscience d’avoir pu saisir une aubaine ces deux dernieres annees. La proliferation des echanges durant cette periode a considerablement enrichit la culture musicale et cinematographique des beneficiaires. Souvenons-nous : a la question « qu’ecoutes tu comme musique ? », il y a 5 ans on nous repondait la le rock, ou la musique francaise, ou a la limite la soul, la funk et le hip-hop. Maintenant, on nous repond « de tout ! » : l’appetit des audionautes a augmente, sachant que ceux-ci se reportent desormais majoritairement sur les plateformes payantes.

Conserver ce semblant de gratuite, c’est conserver un semblant de liberte face a des majors delivrant les contenus du moins disant culturel, a un droit de la propriete intellectuelle de plus en plus formaliste, a des campagnes de publicites debridees…. Bref, aux doleances du Consommateur. Quand l’auteur ecrit : « Notre pays qui fut la patrie de l’exception culturelle avant de devenir le paradis du piratage », il doit y etre retorque que le cadre juridique s’y oppose expressement, et que l’evolution actuelle du marche le contredit. D’une part, le cadre legislatif instaure penalise le telechargement, piratage, en ce inclus le contournement des MTP : la loi dites DADVSI et ses decret d’applications dont la plupart restent a venir, la loi dites GODRAIN, la convention cybercriminalite… • D’autre part, on constate un report massif des audionautes vers les plateformes payantes. Le lobbying actuel de l’industrie culturelle en arrive a devenir detestable lorsqu’il se porte sur la diffusion musical en streaming : radio. blog, pandora…

Car l’important c’est de ne pas payer la decouverte, voir un titre, afin ensuite, le cas echeant, de telecharger l’album avec la pochette, les titres preenregistres, les balises id3 implementees… L’audionaute accorde beaucoup d’importance a l’organisation de sa bibliotheque musicale. Il va parfois etre amene a acheter 2 fois le meme titre, ou a telecharger plusieurs fois le meme album, a cause d’un crash du system, d’une perte de donnees, d’une mauvaise organisation et gestion de ses fichiers (c’est pourquoi on evite de compliquer encore plus les choses avec des fichiers contenant des MTP).

Il est regrettable que l’auteur opere la comparaison suivant, compte tenu de la nouveaute, de l’evolutivite et de la complexite du phenomene P2P : « C’est un peu comme si la grande distribution mettait a disposition gratuitement des stocks voles de CD et de DVD pour attirer le client dans ses magasins ». D’autant plus que le marche destabilise de fait l’industrie culturelle, selon trois axes majeurs : D’un point de vu moral, la superiorite economique des producteurs sur les distributeurs est injuste.

La valeur devrait resider dans la creation elle–meme ; la notion d’esthetique, contingente, est inherente a l’idee de culture. Les exigences du commerce de masse s’opposent, par essence a « la purete de l’intention artistique » ; la critique sociale porte sur la domination quasi-monopolistique et inacceptable de la culture marchande et du marche de la culture ; et en derniere analyse, sur la forte marginalisation d’autres formes et canaux d’expression culturelle.

D’ailleurs, dans son evocation de l’homme postmoderne « la defaite de la pensee », Alain Finkielkraut pose que la prevalence du tout culturel menace l’idee meme de Culture. Cependant, la dissolution de la culture dans le tout culturel ne met fin ni a la pensee ni a l’art. Selon Finkilelkraut, « il ne faut pas ceder au lamento nostalgique sur l’age d’or ou les chefs d’? uvres se ramassaient a la pelle. Vieux comme le ressentiment, ce poncif accompagne, depuis ses origines, la vie spirituelle de l’humanite.

Un des problemes auquels nous sommes confrontes est different, plus grave : les ? uvres existent, mais la frontiere entre la culture et le divertissement s’etant estompe, il n’y a plus de lieu pour les accueillir et leu donner sens. Elles « flottent donc absurdement dans un espace sans coordonnees ni reperes », et l’on serait tente de rajouter…ni valeur… A terme, la gratuite inevitable de la musique chere a Jacques Attalli devrait se concretiser, au benefice de la mutualisation du savoir et de la culture pour tous. III.

LA UNE THEMATIQUE DEPASSEE PAR LA PRISE EN COMPTE DES ASPIRATIONS LEGITIMES DES CONSOMMATEURS L’auteur en vient a reconnaitre que « l’accomplissement de l’individualisme democratique porte en lui-meme son propre antidote. Il impose a l’industrie une demassification et une differenciation croissante. L’individu fait irruption sur la scene : « broadcast yourself » : tel est le slogan de YouTube ». La gratuite du divertissement peut egalement etre relativisee par les mecanismes de publicite et de remuneration indirecte des auteurs. Les ? vres culturelles ont pu apparaitre un temps menace par la leitmotiv selon lequel tout est culturel et tout est gratuit, mais tant les constats que les evolutions du marche laissent supposer que cette periode est revolue, du fait de plusieurs facteurs : D’une part, la disponibilite des ? uvres offertes se tarit : il devient de plus en plus difficile d’obtenir ce que l’on souhaite par telechargement illegal. Au contraire, les plateformes en chargee de la gestion des droits d’auteurs et de l’exploitation numerique des ? uvres fleurissent, et proposent de plus en plus des catalogues fournis, sans mesures techniques de protection.

Egalement, la reduction des prix, la multiplcation de pieges au telechargement , et la peur de la sanction penale, relayee par les medias, sont autant de facteurs limitant l’interet pratique du telechargement. Haute culture et culture de masse doivent coexister, dans un rapport de confrontation fertile. « D’ailleurs, a long terme, la frontiere se dissipera. La capacite de recuperation de la societe marchande, et de la culture marchande en particulier, est infinie. Des que l’innocuite d’une ? uvre est averee, elle devient un objet de consommation de masse ».

L’auteur conclut sur une voie mediane, en relativisant le titre de l’ouvrage « Spontanement, nous avons tendance a penser que le quantitatif tue le qualitatif, le global lamine le local, les gros (majors, groupes de communication) effacent les petits (labels, editeurs independants). Finalement, ce n’est pas tout a fait sur dans cet univers du Net qui est infiniment plus complexe, plus ouvert et plus encourageant que nous voulons bien le croire »…effectivement… « J’ai assez d’idees pour qu’on puisse me voler sans me nuire », [Andre Malraux]