La democratie en europe a la veille de la grande guerre

La democratie en europe a la veille de la grande guerre

La democratie en Europe a la veille de la grande Guerre « Le souverain peut en premier lieu commettre le depot du Gouvernement a tout le peuple ou a la grande plus grande partie du peuple de sorte qu’il y ait plus de citoyens magistrats que de citoyens simples particuliers. On donne a cette forme de Gouvernement le nom de democratie. » Ainsi Rousseau definissait la democratie dans Du contrat social. La philosophie des Lumieres a constitue le socle de principes necessaires a une democratie.

Mais ce n’est qu’au cours de ce qu’on appelle le long XIXe siecle, que les peuples ont essaye de faire triompher ces principes. En effet l’Europe connait entre 1789 et 1914 un processus de democratisation qui progresse au travers d’insurrections ou parfois de veritables revolutions – revolution de 1789, de 1848 – qui entrainent des avancees democratiques se soldant parfois par un changement de regime.

En elargissant la definition de Rousseau a la maniere dont l’on envisage une democratie en 1914, c’est un systeme politique dans lequel le pouvoir des gouvernants est issu du peuple par le biais du suffrage universel et qui garantit les libertes fondamentales que sont les libertes de conscience, de religion, de reunion, d’expression, de

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la presse…De plus l’egalite des droits entre les personnes et le respect des droits des minorites doit etre assure. Enfin l’equilibre et l’independance entre les pouvoirs doit etre garanti. Alors que ces droits fondamentaux ne se iennent qu’au rang de principes dans la philosophie des Lumieres, ils connaissent des formes de realite en 1914. Mais jusqu’ou le processus de democratisation a-t-il amene les Etats europeens ? Autrement dit quel est le bilan de la periode 1789-1914 en termes de democratie ? A la veille de la grande Guerre, la democratie est-elle encore une exception en Europe ou concerne t-elle la majorite des Etats ? La democratie en Europe est certes encore inachevee car des regimes autoritaires perdurent et que certains regimes dits democratiques ne rassemblent pas dans la pratique tous les criteres d’une democratie (I).

Cependant les progres en termes de democratie constates en 1914 semblent considerables au vu de la periode qui precede A la veille de la grande Guerre, la democratie est loin d’etre une realite pour tous les peuples europeens. Certains regimes sont encore autoritaires et meme des Etats en apparence democratiques presentent les signes d’une democratie encore limitee. Les trois grands empires d’Europe que sont l’empire russe, austro-hongrois et allemand sont des regimes monarchiques de tradition autoritaire.

Des monarques ayant un fort pouvoir entretiennent un autoritarisme voire une autocratie dans ces empires, c’est le cas du tsar Nicolas II en Russie, de Guillaume II en Allemagne et de Francois-Joseph en Autriche-Hongrie. Par consequent ces regimes ne peuvent etre consideres comme democratiques. On parle ainsi de regime autoritaire pour la Russie et de regime autoritaire tempere pour l’Autriche-Hongrie et l’Allemagne car ils disposent d’une constitution et d’un Parlement. En effet les institutions de ces regimes semblent concorder avec certains principes democratiques.

Mais elles ne sont bien souvent que des facades qui cachent dans la pratique le maintien d’un pouvoir personnel exerce par le monarque. Ainsi l’empire allemand en 1914 est organise par la constitution de 1888 mais celle-ci ne garantit pas l’equilibre des pouvoirs : l’empereur designe le Chancelier qui n’a de comptes a rendre qu’aupres de lui. Le Reichstag qui est pourtant elu au suffrage universel n’est pas vraiment un centre de decision politique mais plutot une tribune politique. Le parlementarisme n’est pas assure car cette assemblee n’a pas de moyen d’action sur le chancelier ou l’empereur.

Ces deux derniers disposent donc du pouvoir reel de gouverner. De 1890 a 1914 apres la demission du chancelier Bismarck, Guillaume II derive encore plus vers des tendances autocratiques du fait de chanceliers inconsistants. Malgre l’aspect parlementaire du regime, la pratique politique empeche de placer l’empire allemand au rang des democraties. De meme, l’Autriche se dote en 1867 d’une constitution qui se veut democratique puisqu’elle garantit les libertes fondamentales et qu’elle declare le ministere responsable devant les Chambres. Celles-ci sont meme elues au suffrage universel direct depuis 1906.

Cependant le texte laisse au monarque de larges pouvoirs. Or entre 1893 et 1914 les partis sont en opposition constante, ce qui reduit les Chambres a l’impuissance tandis que l’empereur retrouve sa place de maitre grace notamment aux dispositions particulieres laissees a la Couronne dans la Constitution. Les appuis de l’empereur sont traditionnels : l’Eglise, l’aristocratie, l’armee et l’administration qui atteint un pouvoir tel que l’on parle de bureaucratie. Les minorites sont tres peu representees aux Chambres. Tout cela temoigne du caractere encore inacheve de la democratie en Autriche.

En Hongrie la situation est quelque peu differente car Autriche et Hongrie sont autonomes bien que sous la tutelle du meme empereur. Le suffrage reste censitaire jusqu’en 1914 et favorise les Magyars. La repression envers les minorites non-magyars est severe. Deux principes fondamentaux de la democratie ne sont donc pas atteints a savoir le droit des peuples a disposer d’eux-memes et la souverainete populaire. Cela montre que la democratie n’est pas encore une realite dans toute d’Europe en 1914. La Russie reste en 1914 le regime le plus lointain du modele democratique.

Alors que les empires allemands et austro-hongrois ont fait preuve d’evolutions en faveur du parlementarisme – meme si les assemblees ont tres peu de pouvoir -, le tsar Nicolas II campe sur ses positions et refuse toute evolution qui remet en cause l’autocratie. Par exemple, les reformes promises par le tsar apres la revolution de 1905 prevoient la creation d’une assemblee elue, la Douma, et le respect des libertes fondamentales. Mais tres vite, Nicolas II dissout la Chambre car elle le menace dans la pratique autoritaire du pouvoir qu’il entend mener.

Il ouvre un periode de contre-revolution pour raffermir son pouvoir : il mene une politique de repression et revient sur toutes les libertes fondamentales. Les institutions russes sont donc bloquees par l’archaisme en 1914 ce qui empeche la Russie de proceder a une democratisation du regime. En effet, les institutions sont trompeuses et cachent la vraie nature du regime. De plus les reformes liberales qui concedent des institutions de type parlementaire sont plutot imposees en urgence par les circonstances lorsque les regimes autoritaires sont en proie a des crises aigues.

Mais ces reformes sont souvent considerees comme l’adaptation necessaire pour conserver le controle de l’ensemble et pour affermir le pouvoir du monarque rendu populaire par ces evolutions. Le point commun de ces regimes est le maintien d’un pouvoir autoritaire exerce par un monarque. Lorsqu’il existe des dispositions de type parlementaire avec des assemblees elues comme en Autriche-Hongrie ou en Allemagne, l’empereur laisse tres peu de pouvoir aux Chambres. La democratie n’est donc pas encore installee dans ces empires en 1914.

Dans d’autres Etats que l’on considere comme des democraties en 1914, les principes democratiques sont mis en avant mais pas forcement mis en pratique, ce qui rend difficile l’attribution du titre de democratie. La Grece, l’Espagne, le Portugal et l’Italie sont des democraties en 1914 si l’on en reste a l’observation de leurs institutions. La Grece beneficie depuis 1864 d’une constitution qui garantit les libertes fondamentales la liberte de presse et qui confirme le suffrage universel.

Le Portugal est une Republique depuis 1910 et il a adopte une constitution qui en fait un regime parlementaire. L’Espagne connait en 1914 une monarchie constitutionnelle suivant le modele britannique. Mais la realite est infiniment plus complexe et la pratique democratique etant recente ne fonctionne pas encore tres bien. Ces Etats que l’on a tendance a designer comme des democraties a la veille de la Guerre sont pourtant bien loin des performances democratiques de la France et du Royaume-Uni.

Ainsi pour les distinguer de ces deux modeles on confere a ces regimes le nom de democratie liberale limitee. Ces Etats meridionaux presentent des caracteristiques communes : en apparence les institutions ressemblent a celle des Etats democratiques mais de n’est la qu’un decor. Ainsi, l’Italie malgre l’evolution vers un regime parlementaire, reste dirigee par une oligarchie. En effet, les electeurs sont fortement encadres par les prefets qui leur promettent des avantages locaux en echange du vote pour un candidat particulier, ce qui permet a une oligarchie de conserver le pouvoir.

De plus, meme apres la reforme electorale de 1912, seuls 8 millions sont electeurs sur une population de 36 millions. De meme, les deux Etats de la peninsule iberique arrivent a maintenir au pouvoir les autorites traditionnelles car les votes sont influences par le clerge et les notables et notamment les proprietaires fonciers. Souvent meme les scrutins sont entaches d’irregularites. Or l’education de l’opinion publique et la politisation des masses manquent a ces Etats pour que l’on puisse parler de veritables democraties.

Au Portugal, le suffrage est universel des 1911mais il reste limite puisque le droit de vote est reconnu uniquement pour les citoyens sachant lire et ecrire. Or 70 % de la population est analphabete. Ces Etats ont certes les formes exterieures de la democratie mais ils n’ont pas les conditions sociales d’epanouissement et les racines reelles d’une democratie consolidee. Il s’agit de democraties certes mais de democraties inachevees. Enfin, on peut egalement relever des failles dans les regimes que l’on classe, a la veille de la grande Guerre, sans hesitation dans les democraties.

Les Etats democratiques qui font office de modele en 1914 sont le Royaume-Uni et la France. Mais l’on peut egalement considerer que les Pays-Bas, la Belgique et les pays scandinaves ont des democraties. Toutefois memes ces regimes dits democratiques presentent encore des limites a la veille de la guerre. Ainsi le suffrage universel en France est limite puisqu’il ne comprend pas les femmes, ce qui temoigne d’une democratie pas tout a fait aboutie. Ensuite, les pouvoirs executifs et legislatifs ne sont pas totalement equilibres, ce qui conduit a une instabilite ministerielle.

Meme en France, pays qui represente l’ideal a atteindre pour d’autres peuples d’Europe, le regime de la IIIe Republique presente quelques limites en matiere de democratie. Au Royaume-Uni, les progres en matiere de democratisation sont incontestables comme le temoigne les reformes electorales de 1867 et 1884-1885 qui elargissent le droit de vote. Cependant, tout comme la France, des elements viennent relativiser l’image d’une democratie britannique parfaite : malgre les revendications des suffragettes les femmes n’ont pas le droit de vote aux elections legislatives et le suffrage universel n’a pas encore ete instaure.

Le passage en revue des regimes politiques europeens a la veille de la guerre nous laisse percevoir qu’il existe differents degres d’adhesion aux principes et aux pratiques democratiques. Ainsi, a quelques nuances pres, l’Europe du Nord a adopte le systeme de democratie liberale mais on ne peut en conclure la meme chose pour l’Europe meridionale. Excepte l’Italie qui s’en rapproche beaucoup, les autres Etats tentent d’imiter la monarchie constitutionnelle britannique ou la Republique francaise sans grand succes du fait du poids des hierarchies, des relations clientelistes et du haut taux d’analphabetisme.

Une typologie apparait des lors entre regime autoritaire, regime autoritaire tempere, democratie liberale limitee et democratie liberale. Par consequent, la democratie n’est pas une realite pour un grand nombre d’Etats en Europe a la veille de la premiere guerre mondiale et meme la ou elle est presente elle apparait incomplete sur quelques points. Certes la democratie ne constitue pas encore un type de regime majoritaire et nombre de pratiques nous devoilent qu’elle est encore incomplete et inachevee.

Cependant le bilan en termes de democratie doit egalement etre tire par rapport a la periode qui precede. De ce point de vue, le bilan parait beaucoup plus positif car les progres de la democratisation sont incontestables en Europe sur la periode 1789-1914. La veille de la premiere guerre mondiale constitue la fin d’une premiere etape vers la democratie. En effet, un lent processus de democratisation s’est effectue au cours du XIXe siecle. Le bilan a tirer de cette fin de periode semble plutot positif puisque des progres significatifs ont ete faits en matiere de democratie.

En effet, si l’on compare l’Europe du debut du XIXe siecle et celle de 1914, l’evolution vers des principes democratiques se fait facilement remarquer et ce dans presque tous les Etats. Le Royaume-Uni et la France sont les symboles de la democratie a la fin de la periode. Mais les Pays-Bas, la Belgique et les pays scandinaves sont egalement consideres comme des democraties. Tout d’abord, le droit de vote s’est considerablement elargi. Au Royaume-Uni le suffrage n’est pas encore universel en 1914 mais la proportion de personnes ayant le droit de vote a fortement progresse.

Alors que seulement 5% de la population disposait du droit de vote avant 1832, 30 % de la population peut desormais voter en 1914. En France, les avancees democratiques concernant le droit de vote sont considerables. Sous la Restauration, le suffrage est censitaire et seuls ceux qui payent 300 francs d’impot annuel et ont 30 ans peuvent voter, ce qui represente seulement 100 000 electeurs. Or en 1914, les deputes sont elus au suffrage universel. En Belgique et aux Pays-Bas la situation est similaire a celle du Royaume-Uni puisque le suffrage reste censitaire mais a ete fortement elargi.

Ces Etats, qui se rapprochent de regimes democratiques, sont le signe que le bilan a tirer en 1914 est positif en matiere de democratisation. Ensuite, la liberte de presse et d’opinion qui n’est pas toujours respectee au debut du siecle en France, est reconnue par la loi du 28 juillet 1881. En effet, la presse, moyen d’expression a souvent ete controlee : en 1835 les lois de sept interdisent la caricature politique, ce qui entraine la fermeture du journal La Caricature de Charles Philippon.

L’affaire Dreyfus en 1898 est un bon exemple du role des journaux, permis par la liberte de presse, dans la societe democratique. Clemenceau publie dans son journal L’Aurore un article d’Emile Zola qui remet en cause les juges militaires ayant condamne Dreyfus et le gouvernement qui cherche a etouffer l’affaire. La democratisation qui s’est effectuee est donc perceptible en France a la veille de la guerre au travers du respect de la liberte de presse, principe fondamental en democratie.

Une autre liberte fondamentale est garantie en France en 1914 alors qu’elle a ete tres incertaine tout au long du siecle : la liberte d’association. La loi de 1901 pose les principes de cette liberte. Or en 1810 l’article 291 du code penal napoleonien interdit toute association non autorisee de plus de vingt personnes. L’evolution vers le respect des principes democratiques est donc visible a la veille de la Guerre. La democratie est certes inachevee sur certains points dans ces pays d’Europe de l’Ouest. Toutefois les progres effectues au cours du long XIXe siecle sont considerables.

Le bilan que l’on peut dresser de la democratie a la veille de la guerre pour ces pays est de ce fait particulierement positif : les acquis democratiques sont nombreux (liberte d’association, de presse, droit de vote elargi ou suffrage universel…). 1914 semble marquer une phase importante dans le processus democratique. Les avancees sont aussi a relever dans les Etats (Italie, Grece, Portugal, Espagne) ou la democratie est certes limitee mais a le merite d’exister, d’etre visible au travers des institutions.

Dans ces Etats meridionaux on ne saurait nier l’importance des changements survenus au cours du XIXe siecle pour s’approcher d’un systeme democratique. L’elargissement du droit de vote est une des transformations la plus significative des progres de la democratie dans ces pays. Au debut du XXe siecle, 3 millions d’Italiens ont legalement le droit de vote excluant ainsi les femmes, les ouvriers du Nord et la majorite des paysans. En 1912, on peut parler d’un suffrage quasi-universel car le nombre d’electeurs passe a 8 millions.

Alors que la Restauration espagnole avait etabli un suffrage censitaire pour elire la Chambre des Cortes, le suffrage universel est adopte en 1890. La Grece a ses debuts est une monarchie absolue de droit divin, en opposition totale donc avec l’idee de democratie. Pourtant en 1864, elle obtient le suffrage universel apres la mise en place d’une monarchie constitutionnelle en 1843. Le suffrage universel est un critere essentiel de la democratie puisque celle-ci est censee etre le « pouvoir du peuple par le peuple pour le peuple » selon la formule d’Abraham Lincoln.

Or l’observation de ces pays meridionaux a la veille de la guerre nous rappelle les progres faits pour acceder a une democratie. Les institutions visibles en 1914 sont elles aussi le resultat d’evolutions significatives vers plus de democratie. Le systeme politique grec, herite de la constitution de 1864 et du texte constitutionnel de 1911, presente les caracteristiques d’un Etat de droit garantissant les libertes individuelles Le Portugal est une Republique depuis 1910 et ses institutions, qui semblent miter le modele francais, apparaissent comme democratiques. Les institutions espagnoles semblent tout a fait en accord avec les principes democratiques d’equilibre et de separation entre les pouvoirs : les ministres sont responsables devant le roi mais aussi devant les Chambres dont l’une est elue au suffrage universel. La comparaison entre ces institutions et celles de la monarchie sous Ferdinand VII -qui avait retabli l’absolutisme- indique l’ampleur des avancees, d’ou le bilan positif que l’on peut dresser de la democratie en 1914 si l’on se refere au passe.

De nombreuses limites sont visibles dans ces Etats ou la democratie fait ses premiers Etats. Pourtant le bilan a dresser en 1914 doit etre plutot positif : les efforts en direction de la democratie sont nombreux au cours de la deuxieme moitie du XIXe siecle et ont permis la situation dans laquelle se trouvent les Etats en 1914. Les institutions de ces Etats sont en effet democratiques mais il existe il est vrai dans la pratique des signes d’une democratie inachevee. Ces limites n’empechent pas de constater l’ampleur des progres de la democratie au vu des systemes politiques anterieurs.

La democratisation, qui est particulierement visible dans les Etats ayant su acceder a la democratie -les Etats du Nord de l’Europe-, ne doit pas cacher celle des empires pour lesquels les progres sont certains. Les empires allemands et austro-hongrois sont effectivement encore des regimes autoritaires, mais temperes, du fait d’institutions qui se veulent etre un contrepoids au pouvoir des monarques. En 1914 les differences persistent entre ces regimes et ceux des democraties occidentales mais celles-ci ont ete attenuees par des reformes liberales dans les annees 1860.

Ainsi l’empire allemand concede l’election au suffrage universel du Reichstag qui doit voter les lois. La deuxieme Chambre, le Bundesrat, est l’assemblee qui represente les gouvernements des differents Etats allemands. Ces deux organes meme s’ils sont soumis en quelque sorte a l’autorite du monarque ou du chancelier, sont le signe d’un pas vers la democratie de suffrage. On ne peut pas encore parler de regime parlementaire car le gouvernement n’est pas veritablement issu de la souverainete nationale et n’est pas responsable devant la chambre.

De plus la souverainete du monarque n’a pas ete remise en cause. Cependant l’Allemagne en 1914 ne peut plus faire figure de regime autoritaire antiliberal et anti-democratique, c’est pourquoi on utilise le terme de regime autoritaire tempere. En effet, elle dispose d’un pilier institutionnel : le Parlement qui est elu au suffrage universel direct. Celui-ci peut accomplir certaines taches legislatives et constitue un lieu de competition entre des partis politiques modernes.

L’Autriche a connu egalement des reformes liberales qui l’eloignent d’un regime strictement autoritaire et qui la mettent sur la voie de la democratisation. La reforme electorale de 1873 fait du Reichsrat un parlement elu directement. Le systeme electoral est censitaire mais le vote a le merite d’exister. Mais en 1914, le systeme de vote est profondement transforme : le Reichsrat est elu au suffrage universel pour la partie autrichienne. Cette evolution, qui rapproche un peu plus l’Autriche d’un regime democratique, est le resultat de la reforme de 1906.

Pourtant, la democratie electorale provoque un emiettement des sieges du aux multiples partis representant les minorites, ce qui rend ingouvernable le Reichsrat. Les ministres agissent donc le plus souvent par decrets contournant ainsi le parlementarisme. Etant donne que l’empereur Francois-Joseph refuse le passage a un Etat federal, l’experience parlementaire-democrate semble impossible en 1914. La democratie est donc loin d’etre acquise pour ces regimes autoritaires temperes mais ces avancees en matiere de democratie ont le merite d’exister.

Le XIXe siecle constitue une phase de democratisation pour tous les Etats europeens. Les differences en termes de democratie persistent mais elles ne sont que le reflet de rythmes de democratisation inegaux. Des progres sont a noter dans tous les Etats. Dans toute l’Europe, la democratie est plus avancee en 1914 qu’elle ne l’etait au debut du XIXe siecle. Le bilan a tirer est donc positif si l’on s’en refere a la periode qui se termine. La democratie est inachevee et incomplete dans l’Europe de 1914 si l’on se refere a la conception que l’on se fait ujourd’hui de la democratie. Des Empires encore autoritaires se maintiennent (Empire austro-hongrois, allemand, russe), certaines democraties ne le sont vraiment que dans les institutions mais pas dans la pratique (Etats meridionaux) et des Etats consideres comme democratiques presentent pourtant des limites au vu de ce que l’on considere aujourd’hui comme une democratie (France, Royaume-Uni, pays scandinaves.. ). Par exemple, le suffrage universel en 1914 en France ne comprend pas encore les femmes. Or cette limite constitue pour nous aujourd’hui un deni de democratie.

Donc le bilan en matiere de democratie en 1914 peut apparaitre decevant si l’on se contente d’observer l’application ou la non-application de ces criteres ambitieux (souverainete populaire, suffrage universel, separation des pouvoirs…). Pourtant la democratie a connu une progression remarquable en Europe au cours du XIXe siecle. Les reformes liberales qui ont ete prises, l’elargissement progressif du droit de vote sont des signes de cette progression. Ainsi le bilan apparait nettement plus positif si l’on compare les regimes existants au debut du XIXe siecle a ceux de 1914.

Du point de vu de l’historien donc, qui note les evolutions considerables vers la democratie, le bilan en 1914 est celui d’une democratie proche de son apogee. 1914 peut effectivement constituer une forme d’apogee de la democratie surtout au vu de ce qui succede a la premiere guerre mondiale. Meme si la democratie semble triomphante dans le monde d’apres guerre, elle subit ensuite de nombreux revers. Les mouvements et les partis qui contestent la democratie liberale (fascisme italien, dictatures iberiques) arrivent finalement a triompher.

La democratie passerait donc d’un point d’apogee a une periode ou elle est fortement contestee en Europe. Bibliographie : Berstein, Serge (dir), La Democratie liberale, Paris, PUF, 1998 Lebrun Francois et Carpentier Jean, Histoire de l’Europe, Paris, Seuil, 1992 Asselain, Jean-Charles (dir), Precis d’Histoire europeenne 19e-20e siecle, Paris, Colin, 1993 Antoine de Baeque (dir), Une histoire de la democratie en Europe, Paris, Le Monde editions, 1991 Isaac, Jules, La naissance du monde moderne 1848-1914, Paris, Hachette, 1961 Chronologie : 1835 : loi de sept interdisant notamment la caricature politique 864 : constitution grecque qui garantit les libertes fondamentales et institue le suffrage universel 1867 : l’Autriche se dote d’une constitution qui se veut democratique 1867 : reforme electorale au Royaume Uni qui elargit le droit de vote 1873 : En Autriche le Reichsrat est elu directement. 1881 : liberte de presse en France 1884-1885 : nouvelle reforme electorale au Royaume Uni 1890 : suffrage universel en Espagne 1898 : Affaire Dreyfus en France 1901 : loi garantissant la liberte d’association en France 1905 : reforme en Russie qui prevoit la creation d’une assemblee elue, La Douma. 1911 : suffrage universel mis en place au Portugal