t etat nous ne sommes plus totalement ignorant. Nous avons deja dechire le voile de l’inconscience derriere lequel se tient le mental ordinaire, car nous avons reconnu notre ignorance. Et c’est ici que se trouve le second sens de la docte ignorance. Socrate a compris en profondeur, (en anglais on dirait que c’est son insight), que ce que nous appelons communement savoir est tres limite. Aucune de nos definitions ne parvient a capturer entierement ce qu’est la Beaute, ce qu’est l’Amour, ce qu’est la Justice, ce qu’est la Vertu.
Dans les termes de son disciple Platon, nous pouvons dire qu’une definition, dans la mesure ou elle est relativement pertinente, fait en quelque sorte signe vers la chose meme, l’Idee, mais n’apporte pas de justification complete. C’est pourquoi il n’y a rien de choquant a ce que dans les premiers dialogues de Platon, les dialogues dits socratiques, la discussion se termine sans apporter de reponse et reste aporetique. Ce qui importe dans l’investigation philosophique, ce n’est pas tant le fait de clouer le papillon dans a boite au terme de l’examen, que le mouvement de la recherche qui va, en discriminant entre le vrai et le faux, nous conduit sur le seuil de
Qu’il savait tout et pouvait enseigner mieux qu’un autre ? Non. Socrate ne pretendait pas en savoir plus qu’un autre, mais plutot moins. Pour lui, ce qui importe, c’est d’aller vers la verite de toute son ame et de le faire avec honnetete, ce qui veut dire que la ou je ne sais pas, je n’ai pas non plus la pretention de savoir. Prenons le texte : « Lorsque j’eus appris cette reponse de l’oracle, je me mis a reflechir en moi-meme: « que veut dire le dieu et quel sens recelent ses paroles? Car moi, j’ai conscience de n’etre sage ni peu ni rou. Que veut-il donc dire quand il affirme que je suis le plus sage ? Car il ne ment certainement pas; cela ne lui est pas permis ». » Pendant longtemps je me demandai quelle etait son idee ; enfin je me decidai, quoique a grand-peine, a m’en eclaircir de la facon suivante: je me rendis chez un de ceux qui passent pour etre des sages, pensant que je ne pouvais, mieux que la, controler l’oracle et lui declarer: » Cet homme-ci est plus sage que moi, et toi, tu m’as proclame le plus sage ». J’examinai donc cet homme a fond; je n’ai pas besoin de dire son nom, mais c’etait un de nos hommes d’Etat, qui, a l’epreuve, me fit l’impression dont je vais vous parler. Il me parut en effet, en causant avec lui, que cet homme semblait sage a beaucoup d’autres et surtout a lui-meme, mais qu’il ne l’etait point. J’essayai alors de lui montrer qu’il n’avait pas la sagesse qu’il croyait avoir. Par la, je me fis des ennemis de lui et de plusieurs des assistants. Tout en m’en allant, je me disais en moi-meme: « Je suis plus sage que cet omme-la; il se peut qu’aucun de nous deux ne sache rien de beau ni de bon; mais lui croit savoir que1que chose, a1ors qu’il ne sait rien, tandis que moi, si je ne sais pas, je ne crois pas non plus savoir. Il me semble donc que je suis un peu plus sage que lui par le fait meme que ce que je ne sais pas, je ne pense pas non plus le savoir ». L’homme d’Etat qu’interroge Socrate parait sage seulement aux yeux des hommes. Il en a peut etre la reputation seulement parce qu’il est un orateur habile, mais sans plus.
Surtout, il a visiblement une image de lui-meme, comme etant certainement plus sage que beaucoup d’autres. Un entretien serre montre que cette reputation est surfaite. La conclusion qu’en tire Socrate est donc qu’il y a certainement plus de sagesse a ne pas pretendre savoir ce qu’en realite on ne sait pas. Ce qui pourrait expliquer la declaration de l’Oracle gratifiant Socrate d’une sagesse dont il dit ne pas avoir conscience. Et s’il y a bien une conduite a laquelle Socrate prefere se tenir, c’est bien celle qui consiste a ne pas pretend