Histoire de l’art sophie ristelhueber

Histoire de l’art sophie ristelhueber

Sophie Ristelhueber et Paul Rebeyrolle {draw:frame} peinture sur toile, 260 x 323 cm. La Grande Truite 1962 {draw:frame} Sophie Ristelhueber, WB # 7, 2005, tirage argentique couleur monte sur aluminium, avec cadre, 120 x 150 cm Nous voici dans deux ‘ uvres de deux artistes nommes Sophie Ristelhueber et Paul Rebeyrolle. Paul Rebeyrolle (1926-2005) est ne a Eymoutiers. Il s’est impose comme l’un des peintres majeurs dans l’art francais du XXeme siecle. Auteur d’une ‘ uvre immense et l’un des plus grands artistes contemporains, il fut neanmoins meconnu du grand public ainsi que de certaines institutions.

Son ‘ uvre, toujours figurative, est marquee par la violence, la rage, la revolte face a l’oppression ou l’engagement politique. Elle est ponctuee de tableaux animaliers et paysagers, ainsi que de tableaux employant des matieres collees sur la toile (terre, crin, ferraille… ). Elle a ete appreciee par les philosophes Jean-Paul Sartre ou Michel Foucault ainsi que par le collectionneur Francois Pinault. Sophie Ristelhueber (nee en 1949) vit a Paris, ou, avant de se consacrer a la photographie, elle a fait des etudes litteraires et a travaille dans la presse et l’edition.

Depuis plus de vingt ans, elle poursuit une reflexion sur le territoire et son histoire,

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au travers d’une approche singuliere des ruines et des traces laissees par l’homme dans des lieux devastes par la guerre. Loin du photoreportage classique, elle s’attache a la mise a nu des faits et a l’empreinte de l’histoire, dans les corps et dans les paysages, en rendant visibles plaies et cicatrices, veritables memoires des traumatismes. D’apres les deux documents proposes, on va s’interroger sur les enjeux, propos artistiques ou sous jacents lisibles perceptibles dans ces deux document ? ous verrons dans une premiere partie l’’ uvre de Paul Rebeyrolle et dans une deuxieme partie celle de Sophie Ristelhueber. 1 / PAUL REBEYROLLE L’’ uvre puissante, violente mais genereuse de Paul Rebeyrolle est un appel a la liberte, une revolte contre l’injustice, l’intolerance, l’asservissement de l’homme et de la nature; un veritable temoignage de notre temps. {draw:frame} Les Grands paysages, 1978 (serie). peinture sur toile, 530 x 350 cm. « J’ai envie que le spectateur ait le sentiment d’etre dedans, qu’il ait, comme moi j’ai eu, l’emotion forte de rocher, d’eau qui coule, de mousse, d’epine, etc.

J’ai envie que le type qui regarde mon paysage se dise : la, je suis dedans, je suis avec le peintre, je participe » La peinture de Paul Rebeyrolle est destinee a creer des emotions identiques a celles que l’on peut ressentir devant la terre, les orages, les fleuves, tous les elements du spectacle de la nature. Afin de provoquer le choc, il tourne le dos a la peinture philosophique, a la sophistication inutile qui represente un obstacle a l’authenticite, pour rechercher le rapport direct qui facilite la communication.

Selon sa facon tres personnelle de s’exprimer, Rebeyrolle peint, colle, petrit ou bricole; il inclut des elements du theme pour rendre le tableau plus expressif: un chien aura du poil, la nature de la terre, un prisonnier de l’etoffe, du grillage, etc. C’est le sujet qui dicte la technique et les moyens plastiques. Cette maniere de prendre les elements a bras-le-corps pose naturellement de gros problemes techniques dont la resolution ajoute au plaisir de peindre tout en provoquant une remise en question perpetuelle.

Rebeyrolle ne realise pas un tableau decoratif, il exprime un sujet, une reaction personnelle, une revolte permanente contre ce qui se deroule sous nos yeux. « Ma peinture prend sa source dans l’histoire du monde, sa realite etant souvent dramatique; je reagis. Nous sommes des populations privilegiees par rapport aux autres, l’affirmer derange l’homme qui, par faiblesse, ne veut pas regarder la verite en face. » Peinture de choc qui denonce jusqu’au bout avec fureur toutes les formes d’oppression sociales, politiques ou religieuses, elle est intimement liee aux evenements.

Selon son propre aveu, Rebeyrolle a besoin du support politique pour atteindre son paroxysme. La serie des « Evasions manquees » est une reaction contre toutes les occasions manquees ou nous n’avons pu etre nous-memes pour cause de conformisrne ou d’alienation. La derniere « On dit qu’il a la rage » concerne les proces d’intention, tous ces gens accuses a tort, ceux que l’on empeche de s’exprimer car ils ne pensent pas dans la ligne du pouvoir. Resistant a toutes les formes alienantes des Autorites, Rebeyrolle se bat et vit sa peinture comme un acte. « Je veux travailler avec mon c’ ur ou mon esprit, pas avec les mains.

Car pour etre peintre il faut avoir un amour profond des gens, des choses, de la nature et c’est uniquement en ayant une conscience charnelle de son sujet que l’on peut arriver a s’exprimer et a faire partager l’emotion. Le sujet est le moteur de tout, y compris de la technique. Le renouvellement de la peinture se fait seulement dans cet envahissement de l’individu peintre par une partie de l’histoire des autres individus ». Ainsi naissent les differentes series: apres une periode douloureuse de gestation, il cree le premier tableau et le cheminement de la pensee guide la realisation des suivants.

Les moments les plus penibles sont ceux entre deux series. La, chez lui dans la campagne de l’Aube, il peche, chasse, parcourt la nature qu’il aime tant, a l’ecart ou a l’abri du milieu de l’art parisien. Ce peintre de notre histoire reste pourtant optimiste quant a notre salut : « J’ai confiance en l’homme mais pas dans les societes car tous les pouvoirs sont oppressifs et desirent uniformiser l’esprit humain pour mieux le soumettre, le controler. Je ne peins pas specialement le crime ou la torture, mais surtout l’impasse intellectuelle qui les secrete.

Ou va l’espece humaine? Personne ne propose de solutions et pourtant nous ne pouvons suivre cette voie, ce serait la fin de l’humanite. Je reste cependant confiant pour l’avenir devant l’immensite des ressources humaines, l’homme reagira, il n’est pas « con » a ce point-la.  » 11/ SOPHIE RISTELHUEBER La carriere photographique de Sophie Ristelhueber a commence par un voyage a Beyrouth au debut des annees 80. Elle s’interesse beaucoup a la notion de frontiere, de limite, de traces laissees par les Hommes.

Elle prend surtout des vues aeriennes de champs de bataille ou les marques laissees par les tanks sont considerees comme des cicatrices pour l’artiste. De ce fait, elle parcourt le monde entier a la recherche de ces stigmates qui montrent une coupure entre les Hommes. Puis, viennent se confronter a ca, des portraits de jeunes gens qui portent eux aussi les marques d’un combat. Sophie Ristelhueber, qui a une formation litteraire, a un parcours d’artiste utilisant des mediums en relation aux images. Neanmoins, les figures rhetoriques sont toujours presentes dans les objets qu’elle montre.

Il s’agit d’une ‘ uvre amplement metaphorique. Les cicatrices du paysage sont aussi celles du corps. Et ces cicatrices visibles sont aussi des metaphores de quelque chose de vraisemblablement plus profond. Dans cette premiere grande exposition de l’artiste en France, le Jeu de Paume presente, entre autres series, « Beyrouth », « Vulaines », « Fait », « Eleven Blowups »… , ainsi que deux films inedits dont l’un specialement concu pour la circonstance. La photographe s’est rendue dans le desert du Koweit juste apres la premiere guerre du Golfe.

Des photos realisees la-bas, elle a tire un livre en format de poche et, a l’inverse, des tirages grand format (Fait, 1992). Elle presente au Jeu de Paume un assemblage de ces tirages sur deux pans de mur, du sol au plafond. Vues aeriennes ou au ras du sol, en couleur ou en noir et blanc, elles forment un ensemble impressionnant de traces dans le desert, dont la monumentalite entend traduire la relation physique de l’artiste au sujet. Des tanks pris de haut ressemblent a des insectes. Tranchees, casemates, crateres, douilles forment des lignes abstraites, comme des hieroglyphes.

Une dizaine d’annees plus tard, Ristelhueber est allee dans le sud de l’Irak ou elle a ete frappee par une palmeraie detruite par la guerre. Au Jeu de Paume, elle livre un triptyque d’arbres martyrises, decapites, calcines, couches (Irak, 2001). Pour rendre compte a nouveau de l’usage violent qui est fait de la terre, Sophie Ristelhueber decide durant l’hiver 2003-2004 de relever les differentes formes et materiaux utilises pour couper et barrer les routes et les chemins de Cisjordanie, plus communement appelee West Bank, dont les initiales forment le titre de l’’ uvre.

Sont montrees ici une vingtaine d’images sur les cinquante-quatre qui composent la serie. La serie WB, 2005 qui offre 54 tirages argentiques couleur montes sur aluminium, avec cadres ; 120 x 150 cm chacun. Ils montre la violence d’une occupation avec une frappante economie de discours : dans un paysage bucolique, des routes barrees par des tas de cailloux, rien de plus, un passage impossible, un territoire coupe, morcele, occupe. WB c’est la Cisjordanie et les photos montrent les barrages eriges par les colons et par l’armee israelienne pour empecher la circulation des Palestiniens sur leur terre.

La encore Sophie Ristelhueber montre sobrement des blessures. Les hauts murs du Jeu de paume, pour l’occasion particulierement lumineux, servent parfaitement l’effet enveloppant des tirages de ‘Fait’ (1992), dont les differences d’echelles accentuent l’impression d’irrealite. Vus de haut, ces territoires ravages deviennent totalement etrangers, comme s’il suffisait de prendre une distance physique pour oublier le sens de ce qui a cause ces balafres. En 2001, pour rendre compte des desastres de la guerre d’Irak, elle ne montrera de son voyage que des photos d’une palmeraie calcinee.

Cet effet de dissociation est encore present ici dans la confrontation que le visiteur peut faire de ces deux photographies (a gauche EveryOne, 199 {draw:frame} {draw:frame} Sophie Ristelhueberva en effet emprunter a un univers radicalement different (les patients d’un hopital parisien) l’image de corps fraichement operes et recousus qu’elle va presenter en tres grand format (2. 70m), au milieu de ses photographies de paysages lointains. Aucun commentaire. Les traces d’agressions et de blessures, les stigmates, sont hyper-presents dans les deux situations.

L’apport exterieur, le corps etranger, va nous aider a mieux voir, mieux comprendre, et surtout mieux sentir, un peu comme l’ont fait plus recemment Joana Hadjithomas et Khalil Joreigedans leur film Je veux voir. Sophie Ristelhueberva a la fois jouer la dissociation et etablir des correspondances entre les paysages et les corps, les paysages et les visages. Les distorsions de formats, les changements d’echelles, les points de vue (trop) proches ou (trop) lointains vont renforcer cette hybridation entre les corps et les lieux unis dans la souffrance. {draw:frame} Fatigues montrera des confrontations d’echelles (ci-dessus).

Dans la video, on verra l’artiste qui marche sur d’immenses tirages poses au sol. Ici, la peau suturee sur laquelle on voit encore les empreintes du sparadrap, donne l’impression que l’artiste deambule dans un paysage. Les blessures du paysage reel (WB) seront confrontees, dans l’imaginaire du visiteur, a des prises de vues de l’univers familial des recadrages de photos anciennes qui jouxtent des photos prises a hauteur d’enfant. Beaucoup de suggestions dans ces confrontations d’images et dans ces accrochages. EN CONCLUSION : L’oeuvre de Sophie Ristelhueber se passe de mots.

On ne peut qu’etre temoin silencieux devant les themes abordes. Son regard se pose sur les stigmates de guerres : du Golfe, d’Irak, Beyrouth… Des lieux dont les medias ont limite l’identite au champ du massacre, comme s’ils n’existaient plus en dehors du conflit. L’artiste vient apres, pour un documentaire silencieux, quand tout cela est « fait ». Son temoignage constitue en soi un engagement, mais les combats restent le pretexte visible de ce qu’elle recherche : les traces, les marques, les cicatrices, de l’homme, a travers celles qu’il inflige a son territoire.

Les petits formats de la serie ‘Beyrouth’ esthetisent des carcasses d’immeubles pulverises, ineluctable travail du temps, qui parvient toujours a flouter l’horreur. ‘WB’ et ‘Eleven Blowups’ marquent un temps sur les obstacles : routes coupees, detruites et frontieres ou comment se premunir a tout prix de l’autre, cause eternelle du conflit. « Donc tout est vrai, tout est faux.  » C’est ainsi que Sophie Ristelhueber decrit ses crateres incrustes dans d’autres fragments d’images de ces precedents voyages.

La meme impression se degage de l’ensemble de son travail, selon le balancement des echelles : de pres, de loin, a hauteur d’enfant ou d’homme. Quand a Paul Rebeyrolle ses tableaux racontent la joie, le plaisir du corps, et rejettent tout ce qui, selon lui, peut entraver la liberte : la contrainte physique, la religion, le systeme financier. A travers la retrospective que lui consacre le tout nouvel espace Fernet-Branca de Saint-Louis (renove par l’architecte Jean-Michel Wilmote), on decouvre une technique saisissante : papiers, tissus, morceaux de grillages, de bois sont accumules sur les toiles, a la recherche de l’effet de reel.

On pense a Bacon, pour ses images de deviations humaines, des entrailles a l’air, la deliquescence des corps. On peut donc dire que ces deux artistes sont etroitement lie par la meme soif de revendiquer la liberte, le systeme economique, et le probleme de religion. Ils traitent de sujet semblable mais s’expriment differemment l’un par la peinture et l’autre par la photographie.