France en crise

France en crise

Alors que le systeme bancaire americain subit toujours les effets desastreux de la crise des subprimes, ce qui a oblige le gouvernement Bush a mettre sur pied un plan de plusieurs centaines de milliards de dollars, toujours en attente d’approbation du Congres, la crise financiere se propage en Europe. Les Europeens, qui appellent depuis des mois a renforcer leur coordination en matiere de supervision financiere avec des avancees seulement modestes jusqu’ici, sont confrontes pour la premiere fois a un cas concret avec une crise touchant un groupe transfrontalier : le bancassureur belgo-neerlandais Fortis.

Une course contre la montre a ete engagee au plus haut niveau politique pour le sauver, tandis qu’au Royaume-Uni, une nouvelle nationalisation bancaire se profile avec les difficultes de Bradford and Bingley. Qu’en est-il en France ? Les banques francaises n’ont pas montre jusqu’ici de signes annonciateurs de faillite, meme si elles ont toutes annonce plusieurs milliards d’euros de pertes dans l’affaire des subprimes. Le Credit agricole a ete la plus touchee avec jusqu’ici 6,5 milliards de pertes liees a cette affaire a ce jour. Et la ministre de l’Economie, Christine Lagarde, se veut optimiste. Nos banques font a 75% des activites de depot et elles ont pour 25% une clientele d’affaires (… ) Leur

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modele est beaucoup plus equilibre et je pense qu’avec le systeme de reglementation que nous avons, notre systeme est solide », a-t-elle assure dimanche. « Personne ne sait veritablement ce qui va se passer » « Tout le monde peut s’accorder pour dire que les banques francaises sont en situation de risque moins grand qu’aux Etats-Unis ou meme dans d’autres pays europeens », a rencheri sur France inter Claude Gueant, secretaire general de l’Elysee. Il a dit fonder cet optimisme sur deux raisons.

Les banques francaises se seraient moins engagees dans l’immobilier et seraient moins parties a l’aventure dans des valeurs « fragiles », les produits financiers composes a partir des risques et des dettes des credits immobiliers a risque americains. Le bras droit de Nicolas Sarkozy a convenu toutefois qu’il existait un point d’interrogation. « Personne ne sait veritablement ce qui va se passer », a-t-il admis. Il a souligne que les produits sophistiques mis au point par les banques et leur operations etaient devenus tellement complexes que les operateurs eux-memes ne savaient plus tres bien quel etait le niveau de risque.

Qu’arriverait-il si, malgre tout, une faillite se profilait pour une grande banque francaise ? L’Etat francais interviendrait, a assure Claude Gueant, pour garantir les depots qui ne le sont pas par le Fonds cree en 1999 et couvrent jusqu’a 70. 000 euros. L’Etat pourrait meme aller « plus loin » en preservant la capacite d’action des banques. A Toulon la semaine derniere, Nicolas Sarkozy avait parle de la possibilite d’apport en capitaux, ce qui a ete mis en doute par les specialistes car les capacites budgetaires francaises sont tres oberees par des deficits deja tres importants.

Le secretaire general de l’Elysee a prone donc de nouveau une intervention concertee au niveau de l’Union europeenne et repete que Nicolas Sarkozy ferait prochainement des propositions a ce sujet a ses partenaires. « Quelle serait la capacite de reaction de l’Europe en cas de faillite ? L’Europe n’est pas organisee pour cela », a-t-il souligne. Il n’exclut pas d’associer le FMI dirige par l’ancien ministre PS de l’Economie, Dominique Strauss-Kahn. L’acquis de croissance pour 2009 a fin juin sera de -2,9 %, selon l’Insee, alors que Bercy table sur un recul du PIB de «seulement» 1,5%.

Une recession d’une ampleur sans precedent qui fait s’eloigner encore plus la perspective de la reprise. L’Insee brosse un sombre tableau de l’economie francaise dans sa note de conjoncture de publiee le 20 mars, note d’ailleurs titree « La recession se prolonge ». Cette recession est la pire que la France ait connue depuis le premier choc petrolier il y a 35 ans. En depit de previsions alarmantes, notamment sur l’effondrement de la production industrielle et sur l’envolee du chomage, le scenario de l’Institut national de la statistique suggere implicitement un retour a la croissance en fin d’annee.

Le pire de la crise est-il passe ou est-il encore a craindre ? Vers un recul du PIB de 3% en 2009 Insee, note de conjoncture, mars 2009 L’Insee, qui limite sa prevision au premier semestre, table sur un recul du produit interieur brut francais de 1,5 % au premier trimestre puis de 0,6 % au deuxieme. Au quatrieme trimestre, le PIB s’etait contracte de 1,2%. Avec la poursuite du recul de l’activite, l’acquis de croissance pour 2009 serait de -2,9% a la fin juin.

Si les previsions de l’Insee s’averent justes, il faudrait une croissance de +1,9% au troisieme et au quatrieme trimestres pour atteindre l’objectif gouvernemental de -1,5% de recul du PIB en 2009. Des hypotheses peu realistes. Effondrement de la production industrielle et du commerce exterieur L’Insee prevoit que la demande mondiale adressee a la France s’affaisse de 4,3 % au premier trimestre 2009, puis de 2,9% au deuxieme trimestre. Les exportations francaises s’en ressentiraient fortement : elles se replieraient de 5,8 % puis de 2,5 % sur les deux premiers trimestres de 2009.

Les entreprises francaises devraient donc continuer de rogner sur l’investissement qui devrait chuter de 5,1% au premier trimestre et de 3,4% au deuxieme. Le taux d’utilisation des capacites est actuellement a 76%, trois points et demi en dessous du niveau atteint a l’occasion de la recession de 1993. Le fort mouvement de destockage qui a ampute la croissance de 0,9 point au quatrieme trimestre devrait en outre se prolonger avec une contribution negative de 0,6 point au PIB du premier trimestre puis de -0,2 point au deuxieme. Or les perspectives du commerce mondial s’annoncent de plus en plus sombres.

Le Fonds monetaire international a une nouvelle fois abaisse, jeudi 19 mars, ses previsions pour l’economie mondiale et prevoit desormais que le PIB de la planete se enregistre en 2009une contraction comprise entre 0,5% et 1%. Les economies avancees devraient connaitre un recul de 3% a 3,5% de leur PIB, selon le FMI. Aux Etats-Unis, cette contraction serait de 2,6%, au Japon de 5,8% et dans la zone euro de 3,2%. La France un peu moins touchee que les autres par la crise Dans la note conjoncturelle, l’Insee estime que la crise pourrait couter de 3 a 7 points de croissance selon les pays avances en 2009.

La France perdrait pour sa part 4,3 points de croissance. C’est plus qu’en Italie (-3,1 points de croissance) mais moins que dans les pays anglo-saxons (-5,8 points pour le Royaume-Uni et -5,5 points pour les Etats-Unis), au Japon (-7 points) et en Allemagne (-5,5 points). Cette relative « resistance » de la France s’expliquerait par sa moindre dependance au commerce exterieur, la croissance etant majoritairement soutenue par la demande interieure, c’est-a-dire la consommation des menages. Or celle-ci devrait resister en 2009, sous l’effet de la baisse des prix.

La consommation devrait resister, tres faiblement… Selon l’Insee, la consommation ne devrait guere croitre au premier semestre 2009, mais elle devrait croitre quand meme, de 0,2 % au premier trimestre et de 0,1 % au deuxieme. Ceci grace a la legere augmentation du pouvoir d’achat des menages (+0,7 % au premier semestre 2009 apres +0,3 % au premier semestre 2008), due essentiellement au repli de l’inflation, voire a la deflation : l’Insee table sur un glissement annuel des prix a la consommation negatif en juin, a -0,6%.

L’institut ecarte toutefois tout risque de deflation durable en France. Ce mouvement negatif ne serait que « temporaire », du principalement a la forte baisse des produits energetiques ainsi que, dans une moindre mesure, de celle des produits alimentaires. En revanche, si elle se replie, l’inflation « sous-jacente – l’indice des prix hors produits les plus fluctuants, c’est-a-dire les produits energetiques et alimentaires – devrait rester positive : elle passerait ainsi progressivement de 2,1 % en octobre 2008 a 1,4 % en juin 2009.  Il n’y a pas de risque de deflation en France en 2009 », assure Frederique Cerisier, economiste chez BNP Paribas. … sous la menace de la hausse du chomage Cette resistance de la consommation en France reste toutefois soumise a une forte incertitude : la forte hausse attendue du chomage qui pousserait les menages a accroitre leur epargne en raison de l’incertitude sur leurs revenus futurs. Les pensees d’un avocat journaliste au Figaro Le determinisme en politique n’a evidemment rien d’absolu, mais il est quand meme troublant que l’histoire de la

France ait ete ponctuee depuis plus de 400 ans, tous les trois quarts de siecle, de crises de plus en plus importantes touchant au coeur de l’identite du pays. Des signes inclinent a penser que cette dynamique est encore au moins partiellement valable. Tenant compte de la gravite de la derniere crise – l’effondrement devant l’Allemagne nazie -, cela ne laisse pas d’inquieter pour la prochaine, qui pourrait se produire bientot si l’on prend 1940 comme dernier marqueur chronologique. On pourrait decrire ainsi la dynamique francaise.

Une periode de routine conservatrice s’etend sur plusieurs decennies ou s’epanouit, pour un certain nombre de citoyens, un confortable art de vivre axe sur une conception specifiquement francaise de l’ordre, l’harmonie et l’equilibre entre epanouissement collectif et individuel. Puis survient la crise – intense, violente. Elle est generatrice d’une rupture avec la situation anterieure, dont il decoule une perte de l’energie collective enracinee dans le passe. La repetition du processus est l’une des choses qui expliquent la tendance au declin de la France sur le plan historique.

Apres que l’on a frole l’abime, le tout s’est toujours termine, jusqu’a present, par un rebond aussi spectaculaire qu’inattendu, prelude au retablissement de l’equilibre et a une nouvelle routine etendant l’art de vivre a la francaise a davantage de citoyens. Cette dynamique est marquee par un grand besoin de rationalite sur le plan formel, de meme que par la difficulte a assumer l’ambiguite et l’incertitude propres aux transitions graduelles. Dans une societe ou les normes et le pouvoir – tres centralises – sont difficiles a modifier, cette dynamique est a la fois cassante et cassable dans le changement.

Sa force reside dans le pouvoir exceptionnel de mobilisation sur le plan collectif et individuel d’un ideal eleve qui a traverse les ages, cet elan francais dont les elements politiques, esthetiques et moraux sont a la base des grands retablissements dont on a parle. A la fin du Moyen Age, cela s’incarne dans la lutte d’une petite paysanne francaise, Jeanne d’Arc, qui reussit a « bouter les Anglais hors de France ». A l’ere moderne, c’est l’incroyable combat solitaire et inspire du general de Gaulle, qui sauve l’honneur et restaure le statut mondial du pays.

On peut deceler des traces de cette dynamique des le XVI e siecle avec les guerres de Religion (1560-1598), puis au XVII e siecle avec la Fronde (1648-1652) : ces deux periodes de troubles seront suivies des spectaculaires retablissements que l’on sait, avec Henri IV et le cardinal de Richelieu pour la premiere, le jeune Roi-Soleil pour la seconde. Soixante ans plus tard, la fin du regne de Louis XIV (1709-1715) sera marquee par une grande crise – famine, invasion du territoire – qui ebranlera le pays dans ses assises les plus profondes, tout en n’empechant pas l’epanouissement ulterieur du siecle des Lumieres.

Soixante-dix ans plus tard, alors que la brutale rupture de la Revolution francaise est suivie de l’epopee napoleonienne et de la fecondation politique de l’Europe (1789-1815), la dynamique devient claire. Quatre-vingts ans plus tard – la duree des intervalles entre les crises devient importante -, la debacle en 1870 du Second Empire napoleonien face a la Prusse et la guerre civile subsequente, ouvrent la voie a la III e Republique qui se consolide, alors que le deuxieme empire colonial prend son envol et que se poursuit la domination culturelle de l’Europe.

Enfin, soixante-dix ans plus tard, l’affaissement de juin 1940 devant l’Allemagne nazie marque un nouveau reflux politique, culturel et linguistique, cette situation se retablissant sur le plan politique en 1958 avec la V e Republique gaullienne. En 2006, la tension est-elle devenue trop forte entre un art de vivre menace par la mondialisation et les ideaux eleves qui restent a la base de l’identite francaise ? L’opposition a la guerre en Irak aurait-t-elle ete un chant du cygne politique camouflant mal, sous un justificatif de nature universaliste, le conservatisme d’une identite nationale entree dans une phase de repli defensif ?

La prochaine crise pourrait decouler de la rigidite d’une societe empetree dans son modele, trop dependante de l’application litterale de la norme et incapable de s’adapter au nouveau contexte mondial. Un consensus specifiquement francais contre la mondialisation a fait son apparition depuis vingt ans, se manifestant dans des dossiers objectivement aberrants pour qui n’est pas francais, comme les 35 heures ou la guerre au CPE. La profondeur du blocage s’est revelee, lors du referendum de mai 2005, dans l’inquietant fosse entre l’ensemble des elites recommandant de voter oui et le peuple criant haut et fort non.

De meme, le decalage entre l’egalite formelle decoulant des valeurs republicaines et la discrimination cassante encourue dans les faits par des Francais de confession musulmane en predispose certains a sombrer dans l’integrisme religieux ou a s’adonner a la violence urbaine, dans un contexte mondial favorable au terrorisme. Il faut esperer que le prochain leader du pays ne se limitera pas a parler de reformes mais les fera et, surtout, les reussira, ne se revelant pas le Turgot de ce temps, ce ministre exceptionnellement competent du debut du regne de Louis XVI dont la tentative de reforme echoua pour le malheur du pays.

Le defi francais aujourd’hui est de reussir ces reformes dont le pays ne saurait se passer pour eviter, sinon la crise elle-meme – sans doute inevitable, voire necessaire -, du moins une rupture si brutale avec le passe que certains elements valables de celui-ci seront inutilement abandonnes. Le prochain premier dirigeant du pays devra etre un exceptionnel gestionnaire de crise, capable de faire beneficier la France de la grande capacite de rebond dont elle a fait preuve a plusieurs reprises dans le passe.