Francais

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Affaire dreyfus : Des son arrivee il tient un journal : « Je commence aujourd’hui le journal de ma triste et epouvantable vie. C’est, en effet a partir d’aujourd’hui seulement que j’ai du papier a ma disposition, papier numerote et parafe d’ailleurs, afin que je ne puisse en distraire. Je suis responsable de son emploi. Qu’en ferai-je d’ailleurs ? A quoi pourrait-il me servir ? A qui le donnerais-je ? Qu’ai-je de secret a confier au papier ? Autant de questions, autant d’enigmes !

J’avais jusqu’a present le culte de la raison, je croyais a la logique des choses et des evenements, je croyais enfin a la justice humaine ! Tout ce qui etait bizarre, extravagant, avait de la peine a rentrer dans ma cervelle. Helas ! Quel effondrement de toutes mes croyances, de toute ma saine raison. Quels horribles mois je viens de passer, combien de tristes mois m’attendent encore ? » Les conditions de detention etaient dures et cruelles. Il est enferme dans une case, surveille en permanence par ses gardiens.

Toute conversation lui est interdite : « Je dus vivre jusqu’a mon depart en 1899 dans le silence le plus absolu. Je me demande encore aujourd’hui comment mon cerveau a

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pu y resister », ecrira-t-il dans Cinq annees de ma vie. Une partie de son courrier est supprimee : « Toujours pas de nouvelles de ma femme, de mes enfants. Je sais que, depuis le 29 mars, c’est-a-dire depuis pres de trois semaines, il y a des lettres pour moi a Cayenne, j’ai fait telegraphier en France pour avoir des nouvelles des miens – pas de reponse ! Le temps est interminable : « Les journees, les nuits s’ecoulent terribles, monotones, d’une longueur qui n’en finit pas. Le jour, j’attends avec impatience la nuit, esperant gouter quelque repos dans le sommeil ; la nuit j’attends avec non moins d’impatience le jour, esperant calmer mes nerfs avec un peu d’activite. » .Dans une lettre du 6 juillet 1896, arretee par ordre, il fait etat de ses souffrances et de son epuisement : « L’etat de faiblesse physique et cerebrale dans lequel je suis, l’abandon de mes nerfs, ne font que s’accentuer par les secousses repetees et sans relache.

Voila plus de vingt mois que je supporte la situation la plus epouvantable qu’on puisse imaginer pour un homme qui ne place l’honneur de personne au monde au-dessus du sien, attendant toujours des lendemains l’eclaircissement de cet horrible drame. [… ] » En septembre 1896 le regime de detention fut brutalement aggrave sur l’ordre du ministre des colonies, Andre Lebon. Il etait mis fin aux promenades. Puis il fut mis aux fers. La case ou il etait enferme fut fermee par une haute palissade.

Dans Cinq annees de ma vie Alfred Dreyfus ecrit : « Je fus enferme nuit et jour dans ma case, sans meme une minute de promenade. Cette reclusion absolue fut maintenue durant le temps que necessita l’arrivee des bois et la construction de la palissade, c’est-a-dire environ deux mois et demi. La chaleur fut grande, cette annee-la, particulierement torride ; elle etait si grande dans la case que les surveillants de garde firent plainte sur plainte, declarant qu’ils sentaient leur crane eclater ; on dut, sur leurs reclamations, arroser chaque jour l’interieur du ambour accole a ma case, dans lequel ils se tenaient. Quant a moi, je fondais litteralement. » A partir de l’automne 1896 la presse cherche a connaitre les conditions de detention de Dreyfus. Ainsi Jean Hess relate dans le Matin :« Voici comment les heures du deporte sont partagees entre la petite prison couverte et la cour palissadee, qui est une prison un peu plus vaste, mais sans toit. A 6 heures du matin, le gardien ouvre la grille de la porte-fenetre sur la cour. Dreyfus peut aller prendre l’air et regarder le ciel.

A 10 heures, il doit rentrer dans sa cellule. Il est enferme jusqu’a 11 heures : le temps du dejeuner. De 11 heures a 5 heures, la porte de la cour est ouverte de nouveau. A 5 heures, rentree dans la prison, toute portes cadenassees, jusqu’au lendemain matin a 6 heures. Et la meme journee recommence, toujours semblable… sauf quand doit arriver le paquebot postal qui passe pres de l’ile. Ces jours-la, Dreyfus ne peut aller dans sa cour. Pourquoi ? Seul M. Deniel [Oscar Deniel, commandant superieur des iles du Salut] le sait. »