Les Rayons et les Ombres Dieu le veut, dans les temps contraires, Chacun travaille et chacun sert. Malheur a qui dit a ses freres : Je retourne dans le desert! Malheur a qui prend ses sandales Quand les haines et les scandales Tourmentent le peuple agite! Honte au penseur qui se mutile Et s’en va, chanteur inutile, Par la porte de la cite! Le poete en des jours impies Vient preparer des jours meilleurs. Il est l’homme des utopies, Les pieds ici, les yeux ailleurs.
C’est lui qui sur toutes les tetes, En tout temps, pareil aux prophetes, Dans sa main, ou tout peut tenir, Doit, qu’on l’insulte ou qu’on le loue, Comme une torche qu’il secoue, Faire flamboyer l’avenir! Il voit, quand les peuples vegetent! Ses reves, toujours pleins d’amour, Sont faits des ombres que lui jettent Les choses qui seront un jour. On le raille. Qu’importe! il pense. Plus d’une ame inscrit en silence Ce que la foule n’entend pas.
Il plaint ses contemplateurs frivoles ; Et maint faux sage a ses paroles Rit tout haut et songe tout bas! [… ] Peuples! ecoutez le poete! Ecoutez le reveur sacre! Dans votre nuit, sans lui complete, Lui seul a le front