Faut-il s’abstenir de penser pour etre heureux

Faut-il s’abstenir de penser pour etre heureux

Yohan Philosophie Terminale L Richaud |Note : |Commentaire : | | | | | | | | | | | | Nous sommes en presence d’un paradoxe : l’activite de penser, qui inclut toute activite intellectuelle et qui est propre a l’homme en ceci qu’elle nous differencie de l’animal qui lui vit uniquement par instinct, serait oppose au concept de bonheur c’est-a-dire de plaisir durable. Il s’agit ici de savoir s’il est necessaire de s’empecher de penser pour parvenir a etre heureux.

Il peut paraitre evident que penser en toute circonstance peut nuire au bonheur en empechant son accomplissement par l’exercice continu de la pensee. Cependant il semble difficile et meme impossible de vivre sans penser ce qui conduirait a vivre comme des « imbeciles heureux » et a renoncer en quelque sorte a notre humanite. Faut-il dans ces conditions s’abstenir de penser pour etre heureux ? Cette contrainte souleve bien des interrogations : Pourquoi penser empecherait le bonheur ? Quelles seraient les consequences de l’absence de pensees ?

Ne peut-on pas malgre tout concilier le bonheur et l’exercice de la pensee ? S’il faut s’abstenir de penser pour etre heureux cela sous-entend qu’il n’y a pas de bonheur intelligent et que pour atteindre le bonheur il faut demeurer

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dans l’ignorance et l’inconscience. Mais pourquoi etre dans un tel etat conduirait au bonheur ? La premiere reponse qui me vient a l’esprit est que penser sans cesse peut empecher d’atteindre le bonheur car la pensee inclut la concentration et la reflexion et ainsi empeche la distraction et peu compromettre a plus long terme le bonheur.

Ainsi comment parvenir a etre heureux apres la mort d’un proche si en pensant sans arret a ce deces nous ne pouvons divertir la pensee et avons toujours en tete ce fait. Mais se distraire l’esprit pour esperer atteindre le bonheur est-ce la bonne solution ? Ne serait-ce pas se berner soi-meme, ce qui au final aura un effet nefaste sur la personne ? Si nous prenons le meme exemple du deces, une personne preferant ne pas penser et se distraire l’esprit pour ne pas souffrir de la mort du proche ne fera pas son deuil et au final era vraisemblablement tres malheureuse a cause de ce refus d’accepter la realite, il existe en effet de nombreux cas d’individus ayant refuse d’accepter la mort preferant penser a autre chose et qui des annees apres n’ont toujours pas admis la mort de la personne. Ensuite il m’apparait un autre aspect qui est que penser mene a la connaissance de la verite ce qui peut en effet nuire a la quete du bonheur. Ne dit-on pas que toute verite n’est pas bonne a entendre ?

Ainsi la connaissance de la verite ne gacherait t’elle pas le bonheur ? En effet il parait difficile de jouir de plaisirs materiels ou immateriels en pensant, ce qui au final a de forte chance d’empecher le bonheur par la connaissance de la verite qui entoure ce plaisir. Prenons l’exemple d’une personne visitant un zoo pourra t’elle acceder au bonheur en pensant aux mauvais traitements que les animaux, extraits de leur milieu naturel, peuvent subir et, en ne cessant de peser le pour et le contre durant toute la duree de la visite.

Le bonheur semble en effet difficile a atteindre dans de telles circonstances mais est-ce une solution de faire abstraction de la verite dans notre volonte de jouir de nos plaisirs pour atteindre coute que coute le bonheur ? En reutilisant a nouveau l’exemple du zoo peut-on se voiler la face en se cachant la verite pour esperer pouvoir parvenir au bonheur et ignorer tout ce qui entoure le systeme du zoo. Il me semble qu’il serait stupide de visiter ce zoo en s’abstenant de penser ce qui nous permet de nous situer dans la realite et non pas dans une illusion qui nous procurerait qu’un « faux bonheur ».

Le dernier element qui me semble monter que l’activite de penser peut s’opposer au concept du bonheur est que, comme le met en avant la conception epicurienne du bonheur, les consequences qui resultent de penser au passe ou au futur ont de fortes chances de conduire au malheur. Pour ce qui est de penser au passe, si nous prenons l’exemple d’une personne pensant a une occasion manquee, comme ne pas avoir choisis de faire telle ou telle etude par exemple, cela ne peut entrainer que des regrets.

Dans d’autres circonstances cela peut provoquer des remords pour une mauvaise action effectuee par exemple. Ou encore cela peut donner naissance a de la nostalgie en pensant a une epoque revolue ce qui au final se caracterisera par de l’amertume. Quand a penser au futur cela a de forte chance de nuire au bonheur par l’angoisse que ca representerait comme la perspective d’un entretien d’embauche qui serait source de peur et entrainerait le malheur a cause de l’anticipation qui avait ete faite. Penser au futur gacherait ainsi le present et le rendrait malheureux.

Mais cela me pousse a m’interroger : apres tout ne peut-on pas atteindre le bonheur en pensant a un fait particulierement heureux du passe ou en pensant a un avenir plus heureux comme par exemple avec l’arrive prochaine d’un « heureux evenement » ? Une projection en avant ou en arriere permettrait ainsi de s’evader d’un present monotone ou malheureux. Ne prenons-nous pas des photographies lors des evenements dis heureux de notre passe, comme un mariage, pour pouvoir mieux se le rememorer et atteindre un certain bonheur.

S’empecher de penser dans l’espoir d’atteindre le bonheur peut inclure la creation de certaines contraintes et ainsi de certains risques. En effet s’interdire de penser serait contraire a la maxime de Descartes « Cogito, ergo sum » (je pense donc je suis) soulignant la specificite des etres pensant. Renoncer a penser equivaudrait donc a renoncer d’exister et a accepter de n’etre « rien » meme si cela conduit au bonheur. Ainsi s’il faut s’arreter de penser pour etre heureux cela ne veut-il pas dire que le bonheur reside dans l’ignorance, et qu’il faut renoncer a notre humanite pour etre heureux ?

S’il faut s’abstenir de penser pour etre heureux cela a pour consequence directe de vivre dans l’ignorance en renoncant a prendre en compte la realite. En effet nous ne pouvons etre conscient sans penser et aller au-dela des apparences. En s’abstenant de penser nous refusons donc de comprendre et d’interpreter le monde qui nous entoure. Un individu se refusant a penser lors d’un evenement quelconque n’aura aucune chance d’en saisir la realite, d’interpreter cet evenement et d’anticiper ses consequences et ainsi d’adapter sa conduite de vie en fonction.

Ainsi une personne s’interdisant de penser qui tombera malade ne pourra pas prendre conscience de sa maladie et penser a aller se faire soigner. Peut on vraiment parler de bonheur dans un tel cas d’inconscience? Je suis tenter d’explorer une autre question que la recherche du bonheur qui est simplement peut-on vivre sans penser ? Il s’agit deja d’analyser quel sens donner au mot vivre, apres tout quelqu’un dans un etat de legume dont la vie est maintenue artificiellement vit ou plutot subsiste mais je doute qu’il pense ; mais quelqu’un en etat normal peut-il mener une vie normale sans penser ?

Rien n’est moins sur pour les raisons mises en avant precedemment. La question serait en realite : comment vivrait l’homme sans penser ? Cesser de penser reduirait finalement l’homme a l’etat animal agissant uniquement par l’instinct fonde sur la necessite, instinct qui subvient uniquement aux besoins vitaux tels que dormir, manger et boire. De plus ces gens non-pensant ne seront pas independants car prisonniers de l’apparence et de la sensation sans pouvoir aller plus loin par l’absence de pensees, ils ne pourront donc pas connaitre d’evolution mentale.

Cela semble contradictoire avec notre histoire durant laquelle l’espece humaine n’a jamais cesse d’evoluer, de perfectionner les techniques et de s’approprier le monde qui l’entoure ce qui serait impossible si l’homme n’avait pas pense. Meme l’homme prehistorique utilisait la pensee pour se confectionner des vetements, chasser … S’abstenir de penser serait donc une deshumanisation totale. Peut-on reellement acceder au bonheur, en perdant ainsi notre humanite en se bornant au necessaire sans jamais penser?

Je ne peux ici que constater un paradoxe, comment peut-on avoir conscience d’etre heureux si nous vivons sans penser ? Il semble donc impossible de vivre a la fois en s’abstenant de penser et en etant heureux. Dans les 2 premieres parties de ce developpement nous avons seulement pris en compte le bonheur en le considerant comme le but de l’existence et que donc penser etait soit une entrave a son accomplissement soit au contraire un moyen d’y parvenir mais le bonheur est-il reellement le but de l’existence ?

Apres tout selon la conception kantienne le bonheur est uniquement un moyen et non le but de l’existence dont la finitude serait d’etre un etre moral. Le role du bonheur serait donc de permettre de construire un etre moral. Etre moral serait donc le but de l’existence, mais cela implique t’il automatiquement le bonheur ? Apres tout je suppose qu’il est parfaitement envisageable de mener une existence morale et etre malheureux.

La moralite selon moi n’implique pas automatiquement le bonheur qui meme s’il n’est pas necessairement le but de l’existence est bien plus qu’un simple moyen. Quelqu’un pourra-il donner un sens a sa vie en vivant dans le malheur ? Ainsi le bonheur me semble necessaire pour pouvoir atteindre une tranquillite de l’ame et une paix interieure. Pour parvenir a cet objectif le bonheur serait ainsi etroitement lie a la pensee qui saurait l’utiliser et le diriger pour se creer cette paix interieure qui ira de paire avec le bonheur.

Cependant apres avoir montrer que penser pouvait nuire au bonheur et que s’abstenir de penser ne pouvait conduire a un « vrai bonheur » je ne peux que me demander si le bonheur est de ce monde et pas seulement « un ideal de l’imagination » comme l’a mentionne Kant. Si c’est un ideal de l’imagination cela signifie que ce n’est pas le cas pour la raison et que l’on peut uniquement se former l’idee de bonheur dans l’imagination alors que celle-ci disparaitrait avec la raison.

Mais ne pouvons-nous pas atteindre le bonheur grace a la raison ? Nous pouvons facilement acceder au plaisir et meme a l’extase mais ceux-ci se revelent etre souvent vains, loin de conduire au bonheur. La solution serait donc comme pour la conception epicurienne d’utilisee la raison en pensant pour effectuer un minutieux « calcul des plaisir » et ainsi pouvoir atteindre le bonheur. Le bonheur et la pensee seraient donc conciliables et se serait meme cette derniere qui permettrait d’atteindre le bonheur.

Nous avons pu constater pour commencer que l’activite de penser pouvait compromettre bonheur par l’impossibilite de se distraire l’esprit, de cacher la realite, et en se projetant dans le passe et le futur ; puis que s’empecher de penser aurait pour consequence l’inconscience et la deshumanisation qui nous feraient vivre dans un bonheur artificiel ; et pour finir nous avons vu que malgre tout penser et bonheur sont conciliable, la pensee pouvant conduire au bonheur meme si celui-ci n’est pas forcement le but de l’existence.

Le bonheur ne serait donc pas seulement une illusion et pourrait etre atteint grace a la pensee mais est-ce suffisant ; apres tout il s’agit ici uniquement d’un bonheur personnel, mais ne serait-ce pas egoiste de pourvoir uniquement a son propre bonheur ? Ne faut-il pas aussi subvenir au bonheur d’autrui ? Il s’agit ici d’une question uniquement d’ordre moral qui interroge sur le devoir d’aider son prochain a acceder au bonheur, mais il me vient une autre question qui est tout simplement : pouvons-nous etre heureux seul ?