Faut-il penser a la mort ?

Faut-il penser a la mort ?

Faut-il penser a la mort ? La mort, deprime, fais peur et sa pensee nous paralyse d’angoisse car elle apparait comme inexplicable, inevitable. Etre insouciant, c’est se liberer de la pensee de la mort, ne pas se projeter dans un apres, qui pourra autant etre demain que dans cinquante ans, afin de profiter du moment present. Dans ce cas, l’homme ne s’attache qu’a des plaisirs ephemeres et momentanes. Il vit de divertissements, comme Jacques le fatalistes de Diderot: « Boire de bons vins, se gorger de mets delicats, se rouler sur des jolies femmes, tout le reste n’est que vanite ».

Pourtant, l’homme de par sa raison, est conscient de sa propre finitude, c’est d’ailleurs ce qui le separe de l’animal. Ne doit-il pas alors en tirer profit et chercher a realiser des plans durables ? Si l’homme sait qu’il n’a sur terre qu’un temps limite, il sait aussi la duree moyenne de ce temps, et se doit de chercher a organiser sa vie pour profiter au maximum de ce savoir. Il est donc necessaire qu’il pense a la mort pour se pencher sur l’avenir et depasser l’instant present.

Cependant, par son caractere inexplicable, la mort peut arriver n’importe quand et on peut se demander

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l’interet d’une telle reflexion sur le futur puisque celui ci peut pour nous se finir demain. Penser a la mort, c’est-a-dire ne pas oublier que l’on n’est que mortel, est-ce donc finalement utile a l’homme pour donner un sens a sa vie? Faut-il se liberer de cette pensee qui derange et fait peur ou l’accepter et meme mediter sur ces consequences par rapport a notre vie ?

Faut il enfin vivre en sachant qu’on va mourir ? Une chose n’existe que parce qu’on peut admettre son contraire; la vie n’a de sens et surtout de prix, que parce qu’elle a une fin: elle mene a la mort, son oppose. Mais d’un autre cote, la mort ne represente que la neant et penser au neant est absurde. Enfin, de toute facon, penser a la mort ne peut etre qu’objectif et chaque pensee sur cet etat est hypocrite puisque dirigee par l’angoisse. Et s’il etait finalement impossible de penser a la mort ?

Toutefois, attention, pensee et reflexion ne sont pas synonymes puisque penser signifie ne pas oublier, se le rappeler alors que reflechir sur la mort sous entend un raisonnement plus approfondi. On passe tous par la mort mais certains se disent pres a l’affronter tandis que d’autre preferent ne pas y penser en affirmant que de toute facon, cela ne changera rien au moment venu. La mort est ineluctable, c’est vrai et qu’on s’y soit prepare ou pas, la fin est la meme. Cependant penser a la mort demande une sorte de courage qui ne peut etre que recompense.

Platon dit que nos ames seront jugees apres notre mort, et que pour cette raison, nous avons interet a y penser et a agir en connaissance de cause. Ce mythe transmet la fonction symbolique de la mort; elle est notre juge et donne un prix a toute nos actions. Elle nous donne un appui pour juger ce qui est important ou pas. On a un temps limite sur terre, il faut donc l’employer pour realiser nos envies. Celui qui ne vivrait que pour les plaisirs, sans songer a la mort ne pourrait rien fonder de durable tel une famille par exemple ou encore monter sa propre affaire… t il le regretterait surement apres. L’idee de la mort nous fait prendre conscience de beaucoup de choses comme de l’importance de nos choix mais y penser peut aussi nous aider dans d’autres situations. Chaque individu est confronte a la mort au cours de sa vie, et plus particulierement a la mort de ses proches car, dans la « logique » un enfant va enterrer ses parents. Or, celui qui n’aura jamais accepte la mort, qui n’y aura jamais pense afin de se preserver des questionnements sans reponses qu’elle entraine, aura beaucoup de mal a surmonter la premiere perte d’un etre aime.

Penser a la mort, c’est se preparer psychologiquement a la subir, dans sa vie. Car finalement, la mort n’est veritablement conceptualisee que lorsqu’il s’agit de la mort d’autrui. C’est celle-la qui nous fait souffrir puisque nous restons, avec notre douleur, alors que la personne morte ne ressent plus rien. Penser a la mort, se dire que personne n’est immortel et que ca n’arrive pas qu’aux autres, c’est se preserver afin de pouvoir relativiser la perte et continuer sans elle.

On ne peut sans doute pas se preparer a sa propre mort mais c’est possible par rapport a la mort d’autrui, et cela ne peut qu’aider pour ne pas se laisser submerger par l’incomprehension, douloureuse et inattendue. Mais la vie aurait elle un sens, si l’on ne mourait pas ? La reponse est non car c’est la mort qui donne un prix a la vie, qui lui donne sa valeur. La vie est fragile, il faut y faire attention et ainsi ne pas prendre de risques inutiles mais d’un autre cote, c’est quand on frole la mort que la vie a le plus de gout, que les sensations sont les plus extraordinaires.

Le miracle de la vie n’existe que parce que son oppose est possible. Sans mort, pas de vie. Les hommes ont toujours reves de la vie eternelle mais au fond, elle n’aurait aucun sens, car rien n’aurait d’importance, rien ne nous pousserait a vouloir faire des experiences, connaitre le monde qui nous entoure… Penser a la mort, c’est redonner du poids a sa vie et transformer celle ci en destin puisqu’il y a un debut, qu’il y aura une fin et que chaque element est decisif car faisant partie de notre histoire.

De plus, l’idee de la mort nous fait prendre conscience de notre liberte: tant qu’elle n’est pas la, tout est encore possible et si la fin est la meme pour tous, le cheminement de chacun vers celle-ci lui est propre car choisi. Penser a la mort, c’est atteindre la sagesse puisque c’est par cela que l’homme se distingue de l’animal, c’est aussi pouvoir atteindre des objectifs qu’on s’est fixes par une prise de conscience du temps qui passe, et qui nous est compte. La mort est une invitation urgente a realiser nos fins, y penser c’est s’elever.

Mais la pensee de la mort peut aussi se reveler inutile car seulement porteuse de tristesse, de deprime et de questions auxquelles personne ne peut repondre: a quoi ca sert de vivre puisque on sait qu’on va mourir, que la fin sera la meme quoi que l’on fasse ? La mort n’est rien, or peut on penser au rien, au neant ? Enfin, la vie est tellement complexe, tellement de domaines peuvent etre exploites, tellement de choses peuvent etre ameliorees, n’est ce pas une perte de temps que de penser a la mort, sur laquelle l’homme n’a aucun pouvoir et qui est autant inevitable qu’inexplicable ?

Comment caracteriser la mort en quelques mots ? On pourrait dire qu’elle est inchangeable, qu’il est impossible d’y echapper ou de l’expliquer et qu’on doit l’affronter seul. Est ce vraiment utile alors d’y penser ? Puisqu’au fond, les seules pensees qu’on peut avoir sur la mort, sont dirigees par l’angoisse de ne rien pouvoir faire pour y echapper, et la peur de passer dans un etat qu’on ne connait pas. A trop y penser, la mort nous paralyse, nous fait devenir paranoiaque, on la voit partout et rester cloitrer chez soi semble etre la seule solution pour ne pas y etre confronte.

La pensee de la mort nous empeche de vivre, et sa necessite prive la pensee de ses cheminements, de sa liberte. Penser a la mort n’apporte rien que l’angoisse et un questionnement sans interet puisque sans reponses. De plus, il est impossible de saisir concretement l’idee de la mort, une pensee ne pourra pas se finaliser car la mort est un mystere. La pensee de la mort me hante mais son irreductibilite m’empeche de la saisir. En tout point, cette pensee est donc negative et inutile a l’homme. Ce qui est important, c’est d’avoir conscience de notre finitude car penser constamment a la mort est completement sterile.

Or, cette idee est inscrite au plus profond de chaque homme, il peut donc occulter toutes les pensees de la mort, elles ne servent a rien et plus encore, pour Sartre, elles n’ont aucun sens. En effet, la mort n’est rien pour moi, ni vivant car elle ne me concerne pas, ni mort puisque la c’est moi qui ne pourrait plus etre concerne. La mort est totalement etrangere a mon existence et ne peut faire l’objet d’aucune experience. Il est donc profondement inutile de la penser comme une chose en soi puisqu’elle n’est qu’une conclusion de ma propre existence.

Penser a la mort, ici, ne veut rien dire puisque la mort n’est rien, ce n’est pas une realite et penser au neant, au vide, au « rien » est absurde. Sartre a repris la theorie materialiste d’ Epicure qui dit dans la lettre a Menecee sur la morale « La mort n’a aucun rapport ni avec les vivants, ni avec les morts, etant donne qu’elle n’est rien pour les premiers et que les derniers ne sont plus. ». Penser le rien peut aussi revenir a ne rien penser. Penser a la mort, c’est s’aliener puisque notre reflexion n’aura aucun impact sur celle-ci.

Pour Spinoza, « un homme libre ne pense a aucune chose moins qu’a la mort, et sa sagesse est une meditation non de la mort mais de la vie ». Philosopher, c’est apprendre a vivre et non a mourir. C’est la sagesse de la vie qui est importante car elle contribue a ameliorer l’etre. L’homme doit apprendre, pour atteindre la sagesse, a utiliser la raison et la mort defie le domaine de la raison, puisqu’elle n’est rien. Il faut s’affirmer dans des pensees « positives » dans le sens qu’on peut les comprendre et ainsi les surpasser.

Penser a l’inevitable n’apporte pas la sagesse et est par cela inutile et meme nefaste a l’homme. La mort n’a pas d’essence, elle est la negation de tout. La vie offre un infini de possibilite, la mort n’en offre aucune, il n’y a rien a penser dans la mort, l’accepter est surement important meme si relativement car nous n’avons pas vraiment le choix mais ce n’est pas la fin qui compte, c’est le deroulement qui doit retenir toutes nos pensees et pour chercher a l’ameliorer, il ne faut pas penser que la mort rend tout vain sinon on n’ avance pas.

Le chimiste (et philosophe) Lavoisier, au moment de sa condamnation a etre guillotine, par le tribunal revolutionnaire en 1794 demanda un sursis pour finir une experience. Ainsi, meme au seuil de la mort, il pensait encore aux choses de la vie et c’est grace a cette attitude qu’il a pu avancer dans ses recherches et d’apporter de nouveaux concepts cles a la science. Ainsi, la pensee de la mort est par bien des cotes inutile voir nefaste a l’homme car elle l’empeche d’avancer, le paralyse dans une angoisse existentielle qui n’a pas de sorties.

Penser a la mort, c’est realiser l’absurdite de la vie, et il est tellement facile ensuite de se laisser submerger par la folie. Se concentrer sur la vie est bien assez complique, pour perdre du temps a penser a la mort qui de toute facon est inevitable et arrivera au moment ou elle doit arriver. Mais de toute facon, peut on vraiment penser a la mort ? Par dela les notions d’utile ou de nefaste, une pensee « vraie » et claire de la mort est elle accessible a l’homme ? La mort, bien souvent fait mentir. En effet, il est impossible d’y songer objectivement.

Toutes nos pensees par rapport a la mort sont diriges par l’angoisse et la peur. Quand l’homme pense a la mort, il ne pense qu’a son angoisse ou alors ses reflexions le ramene a la religion et il s’imagine alors un autre monde ou tout est bonheur, abondance et plaisirs ou encore une reincarnation… L’homme ne peut pas penser a la mort autrement que dans son rapport a la vie, ce qui rend toutes pensees fausses. Car la mort comme neant ne peut etre reconnue et assumee par l’homme. Il va toujours chercher a la lier a ce qu’il connait, a ce qu’il croit.

Mais penser a la mort ce n’est pas penser a la religion meme si beaucoup de gens en font l’amalgame. Le fait que les gens croyants s’occupent surement plus de la mort que les gens athees n’est pas contestable puisqu’ils ont pour devoir de se preparer pour « l’apres » mais en croyant, ils arretent justement de penser puisqu’ils acceptent une certaine theorie de la mort. Leur questions trouvent des reponses mais celle ci ne sont que des supputations et s’ils y pensent par la suite, ce n’est que sous forme de pensees hypocrites, en se mentant, meme inconsciemment, a eux meme.

On peut pretendre imaginer la mort mais la penser clairement est impossible car la mort est la fin de nos pensees, or l’homme ne peut pas concevoir cette absence de ce qui le caracterise. La pensee de la mort lui est inaccessible. Penser a la mort est d’autant plus difficile, voir impossible, que la mort est devenue un tabou dans notre societe car la vie sociale (travail, divertissements, relations sociales) ne suppose d’aucune facon l’idee de mort. Et d’ailleurs celui qui en parle est toujours critique, et juge cruel ou au contraire trop fragile.

La societe condamne la pensee de la mort et la civilise en la ritualisant. Freud pense d’ailleurs que notre rapport a la mort manque de courage et de clarte. Dans le quotidien, la mort n’a pas sa place et meme devant ses representations, on se sent mal a l’aise. Dans les familles, le deuil est de plus en plus court, et les personnes mourantes sont souvent seules. Aujourd’hui la mort est un sujet obscene et l’evoquer est souvent considere comme deplace. Mais pourquoi un tel interdit pese t’il sur la mort ?

On peut penser que c’est du aux nouvelles valeurs de notre societe qui inclues la puissance, l’ascension sociale, alors que la mort est une situation d’impuissance humaine, il ne peut pas la controler, et d’indignite. La mort est un tabou dans la societe, et de plus, toute pensee s’y ramenant est hypocrite et forcement obscure. L’homme, de par sa condition, ne peut pas penser a la mort car son concept est trop oppose a celui de la vie. Vivant, l’homme est exterieur a la mort, il ne connait pas sa realite et ne peut pas la concevoir.

Mort, il n’a plus besoin d’y penser. La pensee a la mort est ainsi inexistante et n’a aucun sens, qu’elle soit utile ou inutile a l’homme n’a donc au fond aucune importance puisque l’idee meme de mort est oppose a celle de pensee. Sachant que toute pensee de la mort est superficielle et obscure, le mieux est surement de ne pas y penser. Pourtant chaque homme se pose des questions existentielles qui se resument ainsi: a quoi bon vivre si je dois mourir ?

Malgre l’interdit et le tabou de l’idee de la mort dans nos societes actuelles, elle est toujours presente dans les esprits, plus ou moins enfouie mais toujours prete a ressortir a la moindre remise en cause, au moindre obstacle. Peut-etre alors faut il voir dans la mort, une obligation a agir, une urgence pour realiser mes fins en ce monde et plus particulierement un sens a ma vie, car la mort n’a de l’importance que par rapport a une vie. Enlevee de son oppose, la mort n’est rien puisque pour mourir, il faut avoir vecu.

Sans penser a la mort, sans chercher de reponses a « pourquoi une fin ? », il faut juste en tirer l’enseignement que le temps n’est pas infini; une lecon de vie finalement. Socrate dira qu’ « il faut etre a la fois certain qu’elle viendra et incertain de l’heure ou elle viendra, afin de vivre chaque jour comme s’il etait le dernier ». Et c’est ainsi, que la pensee de la mort soit utile ou nefaste, qu’elle soit possible ou seulement une illusion, l’important est de savoir qu’elle est la mais sans pour autant s’en preoccuper.