Vanille Hubert 1S4 31/03/08 Dissertation Nombreux sont les romanciers qui ont cree des heros faibles, maladroits ou ridicules. Quel interet ce choix presente-t-il selon vous ? Au XIXeme et au XXeme siecles, nous avons pu voir l’evolution du personnage de roman. En effet, le personnage est passe de heros dans tous les sens du terme au terme d’antiheros : Robert Musil l’appelle meme un « homme sans qualites », et pour Nathalie Sarraute, « le personnage n’est plus aujourd’hui que l’ombre de lui-meme ». Le heros n’est donc plus heroique et exemplaire.
De nombreux romanciers ont depuis decide d’ecrire des romans ou le personnage principal etait faible, maladroit, ridicule, mediocre… Quel en est donc l’interet ? Nous etudierons donc tout d’abord quelles sont les faiblesses du personnage pour ensuite nous interesser aux interets de ces choix. Le personnage de roman peut avoir diverses faiblesses. Une de celles-ci est certainement la sensibilite, les sentiments, un surplus d’emotions. Nous pouvons voir que dans Manon Lescaut de l’Abbe Prevost, Desgrieux est trouble par l’amour qu’il porte pour Manon.
Nous le voyons des leur premiere rencontre ou Desgrieux agit sans reflechir et son comportement est totalement different a celui qu’il aurait eu pour n’importe qui d’autre. Il prend la decision d’aller la voir rapidement,
Nous observons aussi que dans Le Pere Goriot de Balzac, le pere Goriot agit constamment en fonction de ses filles, tant l’amour qu’il leur porte est intense. Il se retrouve a perdre tout son argent, tous ses moyens au detriment de celui de ses filles. De plus, la nostalgie revient souvent dans les romans, ou la faiblesse du personnage se montre a partir du moment ou il se perd dans ses souvenirs. Aussi, nous pouvons retrouver des personnages qui creer leur propre faiblesse.
Par exemple par lachete, dans le Voyage au bout du monde de Celine ou le personnage assume sa peur, sa « frousse ». Il s’annonce lui-meme lache : « serais-je donc le seul lache sur la terre ? ». Ceci met le personnage en decalage avec son temps. Il se condamne lui-meme et s’isole. Nous voyons ceci dans l’Etranger de Camus dans lequel Meursault se presente comme une personne denuee de sentiments, etranger aux situations. Le personnage conscient de ce qu’il fait s’enfonce lui-meme dans sa situation ce qui le rend encore plus faible qu’il ne l’est.
Il accepte volontairement sa situation qui est loin d’etre enviable comme dans Le Proces de Kafka ou le personnage ne cherche meme pas le pourquoi du comment, ou dans Le dernier jour d’un condamne de Victor Hugo et dans la Metamorphose de Kafka dans lesquels les personnages principaux acceptent leurs situations. Enfin ceci s’oppose aux personnages qui n’ont aucun controle des evenements, qui subissent sans pouvoir rien changer. Ils sont montres comme des victimes, ridicules sans le vouloir, banals.
En effet, dans Manon Lescaut, Desgrieux se retrouve seul et manipule par le frere de Manon. Dans le Pere Goriot, le pere est victime de l’inhumanite des filles et ne se rend pas compte de ce qu’il fait en perdant tous ses moyens… Dans la Chartreuse de Parme de Stendhal, Fabrice se sacre lui-meme heros alors qu’il ne l’est pas et cette naivete le rend plus faible encore. Il n’est pas conscient de ce qu’il vit, tout comme Don Quichotte dans le roman de Miguel de Servantes qui vit completement dans son monde imaginaire, conduit par les recits de chevalerie qu’il lit.
Cette imagination que l’on retrouve dans Madame Bovary de Flaubert ou Emma veut vivre dans ses romans a l’eau de rose alors qu’elle n’est une simple bourgeoise de province. Leurs quotidiens mettent en scene leur betise et leur incapacite a se rendre compte de la realite, qui les rend ridicules. Nous pouvons remarquer aussi dans 1984 de Orwell que Winston qui au debut du roman est completement oppose au regime de Big Brother, se retrouve a la fin depasse par les venements et se retrouve a penser le contraire de ce qu’il pensait auparavant, simplement par l’influence de O’Brien auquel il finit par se soumettre sans vraiment comprendre. Il reste donc a s’interroger sur l’interet de ce choix de creer un personnage faible. Premierement, cela peut etre pour plaire au lecteur, le toucher, l’emouvoir. Ceci peut etre mis en valeur dans Manon Lescaut quand Desgrieux est trouble par la vue de Manon, quand sa passion pour elle controle tous ses faits et gestes.
Sinon dans la Chartreuse de Parme, Fabrice, par sa naivete touche le lecteur, qui peut meme eprouver pour lui de la sympathie. De plus, le fait de creer un personnage avec ses faiblesses permet de le naturaliser, de le rapprocher du lecteur et de le rendre vrai, comme le dit Balzac : « (…) ce drame n’est ni une fiction, ni un roman. All is true, il est veritable que chacun peut en reconnaitre des elements, chez soi, et peut etre dans son c? ur ». L’amour qui rend un personnage faible sert donc a attendrir le lecteur et se reconnaitre dans certains aspects du personnage.
De meme que dans Manon Lescaut, l’amour devient un motif noble pour justifier la faiblesse de Desgrieux : Montesquieu le demontre en disant qu’il n’est pas « etonne que ce roman dont le heros est un fripon et l’heroine une catin, plaise, parce que toutes les mauvaises actions du heros ont pour motif l’amour, qui est toujours un motif noble, quoique la conduite soit noble » Dans un deuxieme point, l’interet de construire un personnage faible pourrait etre de critiquer la societe, de donner une valeur morale au roman.
Par exemple dans Manon Lescaut, Desgrieux etant controle par le frere de Manon permet de denoncer une societe corrompue et victime de l’ancien temps (par la nostalgie), mais aussi une vision sur l’autorite des parents sur le mariage des enfants. De plus, Dans le Voyage au bout de la nuit, nous avons par la vision negative du personnage, nous donne une vision negative sur la guerre, qui permet de rendre compte sur ce reel probleme historique.
Par le Pere Goriot, les valeurs de la societe sont comme inversee, puis recherchant la vengeance apres avoir ete rejetee. Changer la societe est une visee tres recherchee par les romanciers, comme peut le dire Diderot en faisant l’eloge de Richardson : « Par un roman, on a entendu jusqu’a ce jour un tissu d’evenements chimeriques et frivoles dont la lecture etait dangereuse pour le gout et les m? urs (…) j’etais devenu spectateur d’une multitude d’incidents, je sentais que j’avais acquis de l’experience ».
De plus, la morale ressort souvent en faisant contraste avec le caractere des personnages de roman : dans l’Etranger, Meursault emploie la tricherie, le mensonge et montre une societe hypocrite et immorale. Nous voyons aussi dans le roman visionnaire qu’est 1984 que la societe est montree comme lance dans une vague guidee par le progres qui pourrait nuire a son developpement avec la propagande, le controle des idees de masse et aussi par l’abus de pouvoir de la plus haute classe sociale.
Enfin, un personnage faible peu faire ressortir la vision de l’auteur, sa volonte d’introduire des elements autobiographique : « Madame Bovary c’est moi » disait Flaubert. La voix de l’auteur se fait d’ailleurs souvent entendre. Dans les Souffrances du jeune Werther de Goethe par exemple ou dans Voyage au bout du monde dans lequel Celine par de sa propre experience. Aussi, dans Les Faux monnayeurs, Edouard semble etre le double de Gide, l’auteur : « Mais des qu’il faut les vetir, (…) leur inventer des parents, une famille, des amis, je plie boutique.
Je vois chacun de mes heros (…), orphelin, fils unique, celibataire et sans enfants ». Pour conclure, la creation d’un personnage faible, naif, en decalage avec son temps, depasse par les evenements, victime de ses propres sentiments a un reel interet pour l’auteur. Celui-ci veut toucher le lecteur, donc lui plaire, tout en cherchant a demontrer et faire ressortir les vices de la societe, et meme parfois se faire entendre dans le cadre d’elements autobiographiques. Comment se fait cette representation de l’antiheros peut-elle changer au cours d’un recit, par exemple dans un recit d’education ?