« Moins qu’un devoir de memoire, nous avons davantage un devoir de vigilance quotidienne ». Que pensez-vous de cette citation d’Houda Rouane ? Les dernieres decennies ont vu fleurir de nombreuses commemorations dans le but de faire perdurer le devoir de memoire. En plus des nombreuses fetes nationales et des monuments commemoratifs qui ornent nos territoires, on voit en France une volonte de l’Etat a raviver encore plus cette memoire collective. Ces commemorations servent-elles reellement a creer une identite nationale ou au contraire, ce devoir de memoire n’est-il pas devenu qu’instrumentalisation du souvenir collectif ?
C’est ce que la citation d’Houda Rouane evoque. L’auteur ne remet pas en cause le but de ces manifestations mais la maniere dont le devoir de memoire est transmis. Dans un premier temps, nous etudierons la definition du devoir de memoire et dans un second temps, nous discuterons le parti pris de l’auteur. L’expression « devoir de memoire » est tres utilisee aujourd’hui. Cette notion consiste a se rappeler des souffrances vecues par les generations passees pour apprendre des erreurs qui ont ete commises afin de ne pas les reproduire. Elle a aussi our but de reconnaitre le traumatisme subie par nos peres, et de les aider a se reconstruire, a rebatir leur
Le devoir de memoire a donc une place tres importante dans notre pays. Il faut notamment souligner le terme « devoir » qui fait irremediablement reference a une obligation. Il parait donc dangereux d’imposer cette transmission du souvenir sous forme d’obligation,de lois, de dates bien precises. En voulant instaure une memoire officielle, on a tendance a tronquer des parties de l’histoire. Pire encore, il y a un risque important d’instrumentalisation de la memoire a des fins entre autres politiques. C’est ainsi que comme le souligne Michel Guerrin, journaliste au sein de Le Monde, dans son rticle publie en 1994, les commemorations relatives a la seconde guerre mondiale ressemblent plus a des spectacles choregraphies a la lettre plutot qu’a une reelle prise de conscience des populations quant au passe de la France. Ce qui nous amene donc a remettre en cause la transmission du devoir de memoire telle qu’elle est faite actuellement. Plutot que la notion de « devoir », il faudrait tendre vers la notion de « travail » de la memoire. Cette transmission de la memoire doit relater d’un veritable travail personnel, un apprentissage quotidien denue de son caractere d’obligation.
Le devoir de memoire tel qu’il est aujourd’hui presente un risque, celui de figer la memoire, de manipuler l’histoire a son profit. On empeche donc l’opinion publique, comme l’insinue Primo Levi, a travers son ouvrage intitule « La memoire de l’offense ». Ainsi, le but premier du devoir de memoire semble mis en peril. De nombreux exemples illustrent cette mauvaise utilisation de la memoire. On peut notamment penser au conflit israelo palestinien : l’Etat d’Israel, sous couvert de l’extermination des Juifs, legitime sa politique d’oppression a l’encontre du peuple palestinien. C’est ourquoi Houda Rouane evoque la notion de vigilance quotidienne. La transmission de la memoire ne peut pas se faire qu’a partir des commemorations telles qu’elles sont faites aujourd’hui. Elle releve d’un veritable travail entre histoire et memoire qui doit se faire pas a pas. L’education civique et le programme d’histoire dispenses au college sont des moyens efficaces pour aller dans ce sens. En effet, l’histoire va expliquer le passe en se basant sur des faits objectifs, alors que l’education civique va permettre une reflexion collective sur ces elements passes pour construire le present.
Les commemorations actuelles pour la transmission de la memoire paraissent donc veritablement indispensable pour faire perdurer le souvenir. Neanmoins, il est imperatif de savoir prendre du recul pour s’approprier cette memoire de facon personnelle, afin d’amener une reelle prise en compte des souffrances subies par le passe. On entend ici par « prendre du recul » faire un travail consciencieux a partir de fait historiques objectifs (qui presentent differents points de vues), pour en recueillir une memoire collective fidele. Ainsi, on se preservera d’une mauvaise utilisation de la memoire.