L’Europe et le monde au XIXeme siecle 1. Entrees programmes 2. L’essentiel sur la question 3. Documentation 4. Pedagogie 5. Etude d’un document: Discours de Jules Ferry a la chambre des deputes le 28 juillet 1885 1. Entrees programmes : * Histoire cycle 3 de l’ecole elementaire. Le XIXeme siecle. Une Europe en pleine expansion industrielle et urbaine a la recherche de territoires et de debouches : le temps de l’emigration et des colonies. * Histoire college, Quatrieme. Partie III. 3 : Le partage du monde. La comparaison de cartes du monde en 1815 et en 1914 permet de mettre en evidence le phenomene colonial, sans entrer dans les details chronologiques mais en evoquant les multiples raisons qui rendent compte de l’expansion mondiale des puissances industrielles, les formes diverses de cette expansion et les tensions internationales qu’elle suscite ». * Histoire lycee, Premiere. Partie I. 3 : L’Europe et le monde domine : echanges, colonisations, confrontations. « On s’interroge sur les causes de l’expansion europeenne et la diversite de ses formes (economiques, politiques, culturelles… . Cette expansion est un phenomene complexe : elle rencontre des resistances, elle nourrit des echanges et influe sur les cultures europeennes ». 2. L’ essentiel sur la question :
Sur le plan politique, la conquete a abouti a la constitution d’empires coloniaux. Sur le plan economique, l’ Europe est a la fois l’usine et le banquier du monde. Les Europeens imposent leur culture et diffusent leurs valeurs (facon de vivre, de s’habiller, langues, religions). Pourtant la suprematie europeenne est deja menacee, par les Etats-Unis qui deviennent la premiere puissance industrielle et par le Japon qui affirme sa force militaire et economique en Asie. 3. Documentation * Professeur : o Ferro (Marc) (dir. ): Le livre noir du colonialisme, Paris, 2003, reed.
Hachette, coll « pluriel ». o Marseille (Jacques): « le temps des colonies », Les collections de l’ Histoire, n°23, avril-mai 2004. o « L’Europe et le monde a la veille de 1914 », La Documentation photographique n° 6053 o « La colonisation au XIXe siecle », TDC n° 472 o « L’empire colonial a son apogee » TDC n° 710 o « La colonisation francaise au XIXe », La Documentation par l’ Image, n° 7(1987) o Michel (Marc): « La colonisation europeenne », La Documentation photographique, n° 7 042 (1997) o « Indochine, Vietnam », Les collections de l’ Histoire, n°23, avril-mai 2004. * Eleves : Hugon (Anne) : l’Afrique des explorateurs, I. vers les sources du Nil, Decouvertes, Gallimard n° 117 o Hugon (Anne) : l’Afrique des explorateurs, II. vers Tombouctou, Decouvertes, Gallimard, n° 216. * Litterature Jeunesse o Beecher-Stowe Harriet: La case de l’oncle Tom. (1851) o Jules Verne : Les enfants du capitaine Grant (1905) * Web o Un dossier sur l’ histoire de l’empire britannique ; « British Empire » (en anglais), presente autour de themes des documents originaux avec un questionnaire o Tintin au Congo : le paternalisme colonial dans les annees Trente, sur le site de Michel-Eric Cabaret Histoire de l’ami Banania a travers des affiches sur le site du Musee de la publicite 4. Pedagogie * Colonisation, decolonisation, dossier de l’ IUFM de Creteil * L’expansion europeenne dans le monde : commentaire de documents avec corrige. * Etude d’une planche de tintin au Congo, par Philippe Briat. * Le systeme colonial : le cas de l’ Algerie. Accompagnement des programmes de Premiere, demarches pedagogiques (Eduscol). 5. Etude d’un document : Discours de Jules Ferry a la Chambre des deputes le 28 juillet 1885
Plusieurs extraits de l’intervention de Jules Ferry sont repris par les manuels de Quatrieme ou de Premiere et sur le web par des collegues qui en proposent souvent des exploitations pedagogiques: * Clotextes : http://hypo. ge-dip. etat-ge. ch/www/cliotexte/html/colonisation. colonies. 4. html * Histoire en primaire : http://histoireenprimaire. free. fr/citations/ferry. html * academie de Versailles : http://www. ac-versailles. fr/pedagogi/gephg/pedagogie/colonew/ferry. htm * LH PRO, le portail dedie aux PLP lettres-histoire : http://lhpro. free. fr/dossier-histoire/europecolo/europecolo. tml * Le cercle d’ Histoire de l’ Universite de Liege : http://users. skynet. be/cehulg/nouvellepage1. htm * Site de Joel Rousselot : http://perso. wanadoo. fr/joel. rousselot/hist%20prem%203. htm * Sur le site de jean Pierre Cantos : http://web. archive. org/web/20010210004734/http://perso. wanadoo. fr/jean-pierre. cantos/FERRYCOL. html Presentation et analyse du document : Jules Ferry (1832-1893) Ne a Saint-Die dans les Vosges, Jules Ferry devient avocat. Il entame une carriere politique sous le second empire, denoncant les abus du regime. En 1869 il est elu depute republicain de la Seine.
Oppose au regime de Mac Mahon, c’ est avec l’accession de Jules Grevy a la presidence de la Republique que Jules Ferry commence une carriere gouvernementale. Il est ministre de l’instruction publique et des Beaux arts, ministre des affaires etrangeres et President du conseil a trois reprises entre 1880 et 1885. C’ est lors de son passage au gouvernement que sont votees les lois fondatrices du regime republicain (lois scolaires, lois sur la liberte de la presse, sur les associations) et que la politique coloniale de la France connait un essor considerable.
Le 25 mars 1885, les troupes francaises sont battues a Lang-Son au Tonkin ; cinq jours plus tard le gouvernement de Jules Ferry est renverse a la chambre des deputes. Republicain opportuniste, pragmatique, Jules Ferry s’oppose a la chambre des deputes aux republicains radicaux, en particulier a Georges Clemenceau hostile a sa politique d’expansion coloniale. Le debat a la chambre des deputes des 28 – 30 juillet 1885 sur la question coloniale est a replacer dans ce cadre. Jules Ferry ne parvient pas a etre elu president de la republique et en 1887 il est elu au Senat dont il devient president en 1893.
La politique d’expansion coloniale de la France Elle doit etre resituee dans le mouvement d’expansion coloniale europeen (le second dans l’ Histoire apres celui des XVI-XVIIeme siecles) qui se situe principalement dans la seconde moitie du XIXeme siecle, s’accelerant a partir des annees 1870-1880. Ce second mouvement de colonisation est mene par les principaux Etats de l’ Europoe du Nord Ouest (Royaume-Uni, France, Allemagne, Pays-Bas… ). La chronologie qui suit met en evidence, en particulier pour l’expansion en Asie, le role de de la IIIeme Republique : 1830 Prise d’Alger (4 uillet). 1832-1847 Soulevement d’Abdel-Kader (Algerie). 1839-1843 Premiers etablissements francais au Gabon. 1840-1841 Premiers etablissements francais a Madagascar. 1841 Protectorat sur Mayotte. 1842 Premiers etablissements francais en Cote-d’Ivoire, a Tahiti. 1843 Prise de la Smalah d’Abdel Kader. 1853 Annexion de la Nouvelle-Caledonie. 1854 Debut de la conquete du Senegal. 1857 Occupation de la grande Kabylie. 1858 Prise de Tourane (Danang) 1859 Prise de Saigon. 1860 Debarquement francais au Liban (30 aout). 1861 Intervention francaise au Mexique. 1862-1867 Guerre du Mexique. 880-1895 Conquete du Soudan par Gallieni. 1881 Protectorat sur la Tunisie. 1862 Traite cedant la Cochinchine a la France. 1863. Protectorat sur le Cambodge 1873 Prise de Hanoi. 1874 Protectorat sur le Tonkin (traite de Hue). 1875-1882 Expedition de Savorgnan de Brazza au Congo. 1882 La Tunisie devient un protectorat francais. 1883 Presence francaise dans le port de Diego Suarez a Madagascar ; debut de la colonisation de Madagascar. Debut de la colonisation du Gabon et du Congo (1883-1886). Extension du traite de Hue : protectorat sur l’Annam. 25 mars 1885 Defaite des troupes francaises a Lang-Son au Tonkin. 0 mars 1885 Le gouvernement Ferry est renverse. 1885 Traite de Tien-tsin entre la France et la Chine reconnaissant l’independance du Vietnam sous protectorat francais. 1885 Protectorat francais a Madagascar. novembre 1885 – Conference internationale de Berlin qui aboutit a un partage de l’Afrique entre les grandes puissances europeennes. 1887 Les pays du sud est asiatique sous protectorat francais ou colonises par la France (Cochinchine, Annam, Tonkin, Cambodge) prennent le nom d’ Indochine. 1888 Fondation de Djibouti. 1890 Destruction de l’empire d’Ahmadou (Soudan). 891 Occupation du Niger, protectorat sur le Laos. 1893 Rattachement du Laos a l’ Indochine francaise. 1893 Protectorat de la France au Dahomey. 1894 Prise de Tombouctou. 1896 Occupation de Madagascar. 1897-1912 Conquete du Tchad. 1898 Evacuation de Fachoda. 1899 Conquete de la Haute-Volta. 1900 Guerre des Boxers : intervention francaise en Chine. Jules Ferry justifie la colonisation Jules Ferry intervient a l’assemblee quelques mois apres le renversement de son gouvernement sur la question indochinoise. Il vient ici reclamer des credits pour poursuivre la conquete de Madagascar debutee a son initiative.
Il doit justifier la colonisation face a des deputes plutot reticents et une opinion publique indifferente. Dans son discours, Jules Ferry cherche a montrer l’interet et la necessite de l’expansion coloniale, ce qui l’amene a justifier celle-ci. On y retrouve les principales raisons pour lesquelles les Europeens se lancent a la conquete du monde : – Les europeens, en pleine croissance economique (industrialisation) cherchent des debouches economiques « Les colonies sont, pour les pays riches, un placement en capitaux des plus avantageux [… Je dis que la France, qui a toujours regorge de capitaux et en a exporte des quantites considerables a l’etranger a interet a considerer ce cote de la question coloniale. » Dans un contexte ou les placements de capitaux en France se revelent de faible rendement (apres 1860), les investisseurs francais se tournent vers l’etranger pour des placements plus remunerateurs. Pourtant, a la veille de la Premiere Guerre Mondiale, les capitaux places par la France dans ses colonies ne representent que 10% du total (20% pour l’ Amerique et 25% en Russie). Sur ces 10%, l’essentiel va a l’ Afrique du Nord. La question coloniale, c’est, pour des pays voues par la nature de leur industrie a une grande exportation, comme la notre, la question meme des debouches [… ] la fondation d’une colonie c’est la creation d’un debouche ». L’ industrialisation que connait l’ Europe du Nord-Ouest au XIXeme siecle pose le probleme de l’ecoulement des produits manufactures, en particulier lors de la Grane Depression a partir des annees 1870 et jusqu’au milieu des annees 1890.. Les colonies sont considerees comme un debouche grace a la mise en place d’un marche protege.
En 1913, le marche colonial absorbe 67% du sucre raffine exporte par la France, 65% des savons, 41% des outils metalliques…. Les colonies permettent aussi de se procurer des matieres premieres bon marche comme la soie d’indochine pour les industriels lyonnais ou le coton egyptien pour les industriels de Manchester. – Les europeens, en pleine croissance demographique, cherchent des terres d’accueil pour leurs populations « La forme premiere de la colonisation c’est celle qui offre un asile et du travail au surcroit de opulation des pays pauvres ou de ceux qui renferment une population exuberante ». L’ Europe connait au XIXeme siecle une veritable « explosion » demographique (elle passe de 200 a 480 millions d’habitants entre 1800 et 1913). Cette augmentation de la population entraine un vaste mouvement d’ emigration. Les « colonies de peuplement », dans lesquelles, les Europeens achetent, ou le plus souvent, obtiennent gratuitement des terres sont une des destinations des emigrants europeens. A l’exception de l’ Algerie, qui en 1936 compte 1 120 000 Francais, la France n’a pas de « colonies de peuplement ».
Cependant, le mouvement d’emigration europeenne concerne surtout les « pays neufs » (EU, Canada, Amerique du Sud, Australie) qui ne sont plus des « colonies » europeennes. – Les Europeens veulent affirmer leur domination politique sur le monde Pour cela il leur faut des points d’appui pour affirmer leur presence « une marine comme la notre ne peut se passer, sur la surface des mers d’abris solides, de defenses, de centres de ravitaillement [… ] Et c’est pour cela qu’il nous fallait Saigon et la Cochinchine ; c’est pour cela qu’il nous faut Madagascar. « .
Et, dans un contexte de rivalite, affirmer sa puissance: « Rayonner sans agir, sans se meler aux affaires du monde, en se tenant a l ‘ecart de toutes les combinaisons europeennes, en regardant comme un piege, comme une aventure toute expansion vers l’Afrique ou vers l’Orient, vivre de cette sorte pour une grande nation c’est abdiquer, et, dans un temps plus court que vous ne pouvez le croire, c’est descendre du premier rang au troisieme ou au quatrieme. » La course aux colonies, qui, s’accelere dans les annees 1880, en direction de l’ Afrique et de l’ Asie.
Les points d’appui mentionnes par Jules Ferry viennent s’agglomerer a un empire colonial francais qui represente 11 millions de km? et pres de 48 millions d’habitants en 1914. C’est le second empire colonial apres l’empire britannique (30 millions de km? et 400 millions d’habitants). C’est en Afrique que le « choc des imperialismes » est le plus fort. La France, la Grande-Bretagne, l’ Allemagne, s’y opposent a plusieurs reprises (Soudan en 1898, Maroc en 1905 et 1911). – Les Europeens veulent diffuser la civilisation europeenne Pour Jules Ferry, les Europeens ont le droit et le devoir de « civiliser » les « races inferieures ». Messieurs, il faut parler plus haut et plus vrai ! Il faut dire ouvertement que les races superieures ont un droit vis-a-vis des races inferieures. Je repete qu’il y a pour les races superieures un droit, parce qu’il y a un devoir pour elles. Elles ont le devoir de civiliser les races inferieures ». Cette croyance en la mission « civilisatrice » de l’ homme blanc est partagee par les britanniques Chamberlain et Kipling. Chamberlain, qui declare dans un discours devant le Parlement en 1895 : « En premier lieu je crois en l’Empire britannique, et en second lieu je crois en la race britannique.
Je crois que la race britannique est la plus grande des races imperiales que le monde ait connues. Je dis cela non comme une vaine vantardise, mais comme une chose prouvee a l’evidence par les succes que nous avons remporte en administrant les vastes possessions reliees a ces petites iles, et je crois donc qu’il n’existe pas de limite a son avenir ». L’ecrivain Rudyard Kipling (1865-1936), auteur du Livre de la Jungle, s’exprime sur la question dans un poeme paru en 1899 : «Assumez le fardeau de l’homme blanc « Les sauvages guerres de la paix « Nourrissez la bouche de la famine Et faites que cesse la misere» Cette idee est combattue par Clemenceau (discours a la chambre des deputes, 30 juillet 1885): » Races superieures ! races inferieures ! c’est bientot dit ! Pour ma part, j’en rabats singulierement depuis que j’ai vu des savants allemands demontrer scientifiquement que la France devait etre vaincue dans la guerre franco-allemande parce que le Francais est d’une race inferieure a l’Allemand. Depuis ce temps, je l’avoue, j’y regarde a deux fois avant de me retourner vers un homme et vers une civilisation, et de prononcer : homme ou civilisation inferieurs. . ) Regardez l’histoire de la conquete de ces peuples que vous dites barbares, et vous y verrez la violence, tous les crimes dechaines, l’oppression, le sang coulant a flots, et le faible opprime, tyrannise par le vainqueur. Voila l’histoire de notre civilisation. Non, il n’y a pas de droit des nations dites superieures contre les nations inferieures ; il y a la lutte pour la vie qui est une necessite fatale, qu’a mesure que nous nous elevons dans la civilisation, nous devons contenir dans les limites de la justice et du droit ; mais n’essayons pas de evetir la violence du nom hypocrite de civilisation ; ne parlons pas de droit, de devoir ! « . La colonisation est une manifestation des mutations economiques et demographiques que connait l’ Europe au XIXeme siecle. Elle excite la competition economique et politique entre les puissances europeennes. Comme l’ecrit Jules Ferry en 1890 : « Un mouvement irresistible emporte les grandes nations europeennes a la conquete de terres nouvelles. c’est comme un immense steeple-chase sur la route de l’inconnu.
De 1815 a 1850, l’ Europe etait casaniere et ne sortait guere de chez elle. Aujourd’hui, ce sont des continents que l’on annexe. La politique coloniale est une manifestation internationale des lois de la concurrence ». L’argumentation de Jules Ferry, qui oriente la politique coloniale de la IIIeme Republique, trouvera echo dans les programmes et les manuels scolaires d’Histoire et de Geographie : « Les colonies accroissent la place occupee dans le monde par la puissance qui les a fondees, c’est-a-dire par leur metropole.
Elles nous procurent d’autres avantages. Nous y exportons les produits de notre industrie ; nous y exploitons les richesses naturelles et nous en exportons celles qui nous font defaut. Nous y trouvons des emplois pour l’activite de nos negociants, quelquefois aussi des terres disponibles pour nos colons. Nous y recrutons pour notre armee. enfin, nous y faisons notre devoir en y entreprenant une oeuvre vraiment humaine, l’amelioration du sort des indigenes et leur education » (Manuel de Geographie de Foncin, 1923). Hugues Marquis. IUFM Poitou-Charentes