INTRODUCTION Le choix du sujet du present travail emane de deux interets principaux. Le premier, personnel, nous a ete suscite par une celebration particuliere au cours de l’annee 2008. Le premier « bebe-eprouvette » tunisien, a fete ses 20 ans le 21 mars. Sa procreation, consideree comme une premiere scientifique africaine, est survenue dix ans seulement apres la premiere mondiale.
La grande mediatisation de cet exploit et les avancees medicales qui le soutendent confirment que la sterilite a toujours ete consideree comme un probleme a resoudre. Le second interet, plus academique, est en rapport avec le cours de seminaire de recherche, concernant l’approche interculturelle du concept de sante. Ce cours, et la bibliographie qui l’accompagne, soulignent la richesse de ce sujet. Le desir d’en savoir plus a sur cette question, nous a pousse a approfondir nos lectures.
La sterilite a depuis toujours, fait l’objet d’innombrables speculations, quant a son etiologie et a suscite des attitudes et nourrit des imaginaires contrastes selon les societes et les epoques ; le recit des patients atteints de sterilite, ainsi que celui de leur entourage, portent souvent l’heritage des mythes, des tabous et des interdits encore bien ancres dans les inconscients collectifs. Il nous a paru donc opportun d’aborder
A travers la presente recherche, nous nous proposons d’effectuer une etude comparative de la perception de la sterilite du couple, sous l’angle de deux cultures differentes. PROBLEMATIQUE Chacun des deux partenaires qui entament une vie en couple, amene ses propres projets, avec l’espoir de pouvoir les realiser au sein de la nouvelle entite et d’en faire un projet commun avec son conjoint. Or, comme le remarque Olivennes F. (2006), le but commun entre les deux partenaires reste sans doute de « fonder une famille et de devenir parents en s’inscrivant dans une genealogie ».
Ainsi, la sterilite et l’infertilite atteignent les couples dans leur desir premier d’avoir une descendance, et se traduisent souvent par des sequelles psychiques voire physiques. Nous savons aujourd’hui que l’incapacite a concevoir peut etre due soit a l’un des deux conjoints, soit aux deux en meme temps. Or, les lectures que nous avons faites, soulignent une tendance, dans plusieurs cultures, a considerer l’infertilite des couples comme essentiellement une « histoire de femmes ». Laborie F. 1] a montre dans ses analyses que « Les hommes sont naturellement consideres comme etant puissants sexuellement. Seules les femmes peuvent etre steriles ». Desjeux C. & B. et Bonnet D. (1983), soulignent que la valorisation sociale de la femme, dans la plupart des cultures du continent africain, a longtemps ete dependante de sa capacite feconde[2]. Ce qui fait de la procreation le but premier du mariage. « Chez les Beti du Sud Cameroun, ecrit Evina (1990), l’absence de maternite est pour une femme un obstacle a son ascension dans le groupe feminin […] Les femmes teriles Fulani et des autres ethnies touchees par l’infecondite au Nord Cameroun se considerent comme des handicapees sociales et se croient inferieures aux autres femmes. [3]». La femme doit ainsi faire preuve de sa fecondite dans les premiers mois qui suivent le mariage, sinon elle risque d’etre repudiee par son mari ou se voir secondee, dans les cultures ou la polygamie est autorisee, par une autre femme. En Tunisie, la femme est, en apparence, loin de cette menace. En effet le code du statut personnel promulgue en 1956, interdit la polygamie.
Pendant longtemps, les couples qui n’arrivaient pas a concevoir avaient recourt au divorce, pour se remarier ensuite et realiser leur desir d’enfanter. Selon les statistiques officielles, la sterilite ou l’handicap de l’un des conjoints sont a l’origine de 27,7% des separations. [4]Mais depuis quelques annees, grace aux avancees technologiques et medicales, les couples tunisiens steriles ont de plus en plus recours a la procreation medicalement assistee ou la fecondation in-vitro. « Entre 1500 et 2000 operations sont effectuees chaque annee dans les hopitaux et les laboratoires prives», selon le Dr.
Samir Derbal, gynecologue[5]. La presente recherche a pour objectif d’etudier la perception individuelle de la sterilite dans deux groupes issus des deux cultures evoquees precedemment, a savoir la culture camerounaise (sub-saharienne) et la culture tunisienne (maghrebine). Notre question de recherche serait alors : la perception de la sterilite est-elle encore tributaire de la culture malgre l’evolution scientifique? PREMIERE PARTIE : Cadre conceptuel Chapitre 1 : La sterilite I. Definition generale Le terme sterilite (synonyme : Infertilite) designe l’impossibilite, pour un homme ou pour une femme, de procreer.
Il s’agit plus precisement de l’incapacite totale d’un homme, d’une femme ou d’un couple, a un moment donne de concevoir, de leur inaptitude a debuter ou porter a terme une grossesse[6]. Cette incapacite peut etre temporaire et reversible, ou au contraire definitive et irreversible. II. Aspect psychologique Lorsqu’un couple se trouve dans une situation d’infertilite, la famille et le corps medical ont tendance a se focaliser sur les aspects physiologiques de la sterilite, pour tenter d’y remedier. Les consequences psychologiques souvent serieuses, sont par contre negligees.
En effet, pour les deux partenaires, prendre conscience et admettre qu’apres des mois ou des annees de vie de couple, leur reve d’avoir un enfant ne se realisera pas, peut provoquer un choc psychologique. La perspective d’une vie sans enfants est si effrayante, que la sterilite peut soit ne pas etre acceptee, soit tout simplement niee. L’annonce de la sterilite a un couple peut entrainer une desorganisation psychique plus ou moins profonde : les emotions et les desaccords sont amplifies. Les problemes mineurs, qui dans des conditions « normales » sont depasses, prennent de l’ampleur. 7] Selon les specialistes, le rapport psychique fertilite-sexualite, etant complexe, se traduit differemment d’un individu a un autre. Ainsi « Les consequences de cette annonce peuvent se manifester par l’apparition d’un rejet sexuel chez certains, chez d’autres par une sexualite debridee… » (Olivennes, 2006) voire par une remise en cause de l’equilibre du coulpe. L’existence d’un dysfonctionnement, chez l’un des partenaires, peut faire naitre des sentiments de culpabilite, de rancune, de colere et de gene de ne pas fonctionner « normalement ».
Les resultats d’une etude portant sur 100 couples touches par la sterilite [8] (Roegiers L. ) vont aussi dans le sens de ce que nous avons evoque precedemment. En effet, 50% des femmes qui ont participe, etaient dans un etat de detresse et d’anxiete elevees et montraient le plus souvent des signes depressifs ainsi qu’une baisse considerable de l’estime de soi. Les hommes, quant a eux, vivent cette situation, dans 30% des cas, comme une menace a la virilite et un probleme d’ordre social. Enfin 72% des couples sont dans un etat de deprime et presentent souvent des difficultes sexuelles.
Le Docteur Faure-Pragier S. , psychanalyste et psychiatre, nous donne une lecture psychanalytique des differentes consequences de la sterilite. Selon elle, l’homme vit la sterilite comme une impuissance remettant en cause sa virilite et une impossibilite de transmission. C’est donc un sentiment d’humiliation et de faute a l’egard de la famille envers laquelle il a une dette. Sa souffrance est essentiellement liee a la sexualite, a un defaut dans la masculinite, qui entraine un sentiment d’envie douloureux par rapport au pere, percu comme extremement puissant. Chez les emmes, les memes difficultes apparaissent : Elles sont deprimees, se sentent « incapables », mais cette incapacite est plus generale, moins directement liee a la sexualite. C’est davantage leur narcissisme qui se trouve touche, pouvant entrainer une regression a la position de petite fille qui envie sa maman d’avoir des enfants[9]. Ainsi, « la sterilite confronte le couple a une problematique de castration entrainant un profond remaniement psychologique qui aboutira au renoncement ou a la realisation du desir d’enfant par les assistantes medicales a la procreation ou encore a la realisation du desir d’enfant par l’adoption. (Olivennes, 2006). Cependant , une question se pose : ces vecus et reactions sont-elles universelles, c’est-a-dire communes a toutes les cultures ? Ou existe-t-il des differences interculturelles ? Chapitre 2 : La culture I. Definition generale La culture, dans son sens le plus large, est consideree, selon la definition de l’UNESCO comme « l’ensemble des traits distinctifs, spirituels et materiels, intellectuels et affectifs, qui caracterisent une societe ou un groupe social. Elle englobe, outre les arts et les lettres, les modes de vie, les droits fondamentaux de l’etre humain, les systemes de valeurs, les traditions et les croyances[10]. En sociologie, la culture est definie comme l’ensemble des valeurs, normes, pratiques de la vie quotidienne acquises et partagees par un groupe de personnes. Elle peut donc concerner une societe globale (la culture de la societe tunisienne par exemple) ou etre celle d’un groupe social inclus dans la societe globale ou encore etre celle d’un ensemble plus vaste (la culture maghrebine par exemple)[11]. La religion constitue l’une des composantes majeures de la culture. En effet, les religions naissent dans une culture et en sont donc impregnees, mais en retour, elles s’installent dans cette culture et y marquent leur empreinte.
Quand une religion s’exporte, elle s’adapte a la culture du pays de destination, tout en la transformant peu ou pas. Le fait religieux est donc en lui-meme culturel. II. Apercu sur la culture tunisienne Pays d’Afrique du Nord et du Maghreb, la Tunisie, occupe une place singuliere en Afrique, dans la zone mediterraneenne et dans le monde arabe. Si l’islam est la religion d’Etat et la croyance majoritaire du pays, avec 98% de musulmans (sunnites malikites), d’autres petites communautes (juives et chretiennes) existent ; l’exercice libre des religions etant garanti par la constitution.
A l’instar des autres pays du Maghreb, la culture au sens sociologique du terme, a en Tunisie un ancrage profond dans la sphere de la religion. Sur le plan des pratiques matrimoniales et familiales la polygamie, phenomene relativement marginal dans les pays du Maghreb, est interdite en Tunisie. Si les mentalites et les croyances relatives a la structure familiale ont beaucoup evolue, grace surtout aux efforts de modernisation de la societe, de nombreuses survivances d’attitudes ancrees dans la tradition, peuvent encore etre percues. III. Apercu sur la culture camerounaise
Pays d’Afrique centrale et occidentale, le Cameroun et ses frontieres actuelles resultent de la colonisation europeenne, mais l’histoire de ses habitants remonte a bien plus longtemps. Avant la periode coloniale au XIXe siecle, les habitants ne formaient pas un seul groupe homogene et presentaient donc differentes formes d’organisation sociale. Ces dernieres etaient de veritables entites independantes, organisees autour de la figure emblematique du chef qui exerce son pouvoir dans le cadre d’un systeme tres hierarchise. Au Cameroun il n’y a pas de religion d’Etat.
Plusieurs religions coexistent et le pays est souvent cite comme un exemple de cohabitation religieuse pacifique. La moitie de la population se reclame du christianisme et un quart se reclame de l’Islam surtout present dans les trois provinces du nord. Un autre quart de la population demeure attache a la religion traditionnelle africaine[12]. Sur le plan des pratiques matrimoniales, la loi permet aux futurs maries de choisir entre la monogamie, ou la polygamie. Cependant, les polygames sont de plus en plus rares, surtout en ville, car la vie y est devenue trop chere[13]. DEUXIEME PARTIE : Methodologie
I. Hypothese generale : La perception de la sterilite varie en fonction de la culture. II. Hypotheses operationnelles : Hypothese 1 : Les individus issus de la culture tunisienne ont une perception du vecu de la sterilite plus positive que ceux issus de la culture camerounaise. Par perception positive du vecu, nous entendons que la sterilite n’est pas ou peu vecue comme une pathologie lourde, destructrice. Ceci se voit a travers : ? Le pourcentage de sujets tunisiens qui adherent aux questions relatives a un vecu difficile de la sterilite est inferieur au pourcentage d’adhesion chez les camerounais. Les tunisiens vont associer a la sterilite des mots de type descriptif plus que des mots de types affectifs, contrairement au camerounais. ? Les camerounais vont utiliser plus d’adjectifs negatifs (sentiments negatifs) que les tunisiens. Hypothese 2 : Les individus issus de la culture tunisienne ont une perception des consequences de la sterilite sur le couple plus positive que celle des individus issus de la culture camerounaise. Par perception positive des consequences, nous entendons que les consequences de la sterilite non pas ou peu d’impact negatif sur le couple. Ceci se voit a travers : Le pourcentage de sujets tunisiens qui adherent aux questions relatives a l’absence de consequences negatives sur le couple touche par la sterilite est superieur au pourcentage d’adhesion chez les camerounais. III. Variables de la recherche 1. Variable independante Notre variable independante est la culture du sujet. Elle comporte deux modalites : a. La culture tunisienne. b. La culture camerounaise. 2. Variable dependante Notre variable dependante est la perception de la sterilite qui touche le couple, traitee selon deux axes : a. La perception du vecu de la sterilite. . La perception des consequences de la sterilite sur le couple. IV. Methode et population 1. Demarche generale L’objectif de cette etude est la mise en evidence d’un lien entre la culture du sujet et la perception qu’il a de la sterilite qui touche le couple. Pour cela, nous avons travaille avec deux groupes de 10 sujets appartenant a chacune des deux cultures choisies. Ces derniers sont rencontres individuellement sur le lieu de leur travail. Nous commencons d’abord par leur introduire la recherche et l’outil utilise, mais sans fournir de details quant aux objectifs.
Nous leur demandons leur consentement pour l’utilisation des reponses dans la redaction de l’etude. Ensuite, nous leur soumettons le questionnaire et restons a proximite, afin de repondre a d’eventuelles questions. Au terme de l’entrevue nous expliquons a chaque sujet les veritables objectifs de notre travail. 2. Choix de la population Dans le cadre du present travail, le choix des deux populations appartenant a deux cultures differentes, s’imposait, s’agissant d’une etude interculturelle.
Cependant nous etions conscientes que notre marge de manSuvre etait limitee. Nous avons opte, par soucis methodologique, de disponibilite et d’accessibilite, d’une part pour une population locale (tunisienne) et d’autre part pour une population d’expatries : des ressortissants camerounais. 3. Les echantillons a. Les criteres d’inclusion Faute de temps et de moyens, nous permettant d’acceder a deux echantillons representatifs, nous nous sommes limitees a l’echantillon occasionnel. Ce dernier, dans la mesure ou il ne permet pas la generalisation des resultats, resente certaines limites. Afin de reduire les biais qui peuvent etre induits par notre choix, certaines variables ont ete controlees lors du choix des sujets interroges a savoir : ? Le genre : Nous pensons que le genre du participant peut avoir une influence sur sa perception de la sterilite. Convaincus que cette variable peut etre enrichissante ; nous avons choisi de prendre un nombre egal de sujets masculins et de sujets feminins. ? Le niveau d’etude : Par niveau d’etude, nous entendons le parcours academique du sujet.
Estimant qu’il peut influencer les representations et la perception de l’individu, nous nous sommes limitees a des sujets ayant fait des etudes universitaires, d’autant plus que nous n’avons pas acces a un echantillon representatif des deux populations cibles. ? La presence ou l’absence de la sterilite : Le vecu ayant un impacte considerable sur les representations que l’individu se fait de la sterilite, nous supposons que la perception de la sterilite chez une personne non sterile est tout a fait differente de celle d’une personne concernee par ce probleme.
La difficulte d’acceder a des populations touchees par la sterilite appartenant aux deux cultures choisies, nous ont amenes a nous limiter a l’etude de la perception de la sterilite chez des individus non steriles. Nous avons donc opte pour des adultes maries et ayant au moins un enfant. Il est necessaire de souligner que chez les deux groupes d’adultes auxquels nous avions acces, les ages varies de 40 a 60 ans, ce qui nous garantissaient une certaine homogeneite des ages. b. Constructions des echantillons :
Notre echantillon sera donc compose de 20 adultes repartis de la maniere suivante : 5 hommes et 5 femmes de chacune des cultures etudiees, chacun doit etre marie, age entre 40 et 60ans, ayant au moins un enfant et fait un cursus universitaire. Etant donne que les ressortissants camerounais, qui correspondaient aux criteres, travaillent a la Banque Africaine de Developpement, nous nous sommes astreintes a choisir dans la population tunisienne un groupe miroir, a savoir des cadres de banque. 4. Outil d’investigation
Pour repondre aux objectifs de notre travail, nous avons eu recours a deux methodes d’exploration : l’une quantitative via un questionnaire et l’autre qualitative via et une question d’association libre et une question ouverte. Le questionnaire construit comprenait 6 questions elaborees sur le modele de Likert. Ce choix a ete determine par l’avantage suivant : Cette echelle transforme facilement les sentiments dans des intervalles qui permettent une analyse statistique. Ainsi, elle nous offre le double avantage d’une recolte rapide des donnees et de leur exploitation rationnelle.
Nous pouvons donc comparer facilement les resultats entre les deux groupes en calculant des pourcentages. Pour l’elaboration de ce questionnaire, nous nous sommes referees a l’echelle de Likert a 5 degres (2 echelons positifs, 1 echelon neutre, 2 echelons negatifs). Nous avons commence par elaborer une serie d’enonces en essayant de choisir les questions qui traduisent le mieux les dimensions objet d’evaluation. Etant donne que le nombre de questions dans notre recherche n’est pas important (6), nous ne pouvions pas les soumettre aux differents calculs de correlation et d’homogeneite, ni a une analyse factorielle.
Partant de l’idee que les donnees statistiques ne suffisent pas a explorer la dimension « perception du vecu de la sterilite », nous avons rajoute les deux questions suivantes : • une question d’association libre : « Citez les mots qui vous viennent a l’esprit quand vous entendez le mot sterilite ». • Une question ouverte : « Que ressentirez-vous si vous apprenez que vous ne pourrez pas avoir d’enfants ? » Nous pensions que ces deux questions directes produiraient chez les participants une reponse spontanee et personnelle.
Nous esperions ainsi que l’analyse qualitative des reponses nous apporte plus d’elements par rapport au contenu affectif de la sterilite. TROISIEME PARTIE : Resultats Nous allons maintenant presenter les resultats obtenus, selon les trois outils d’investigation : le questionnaire, la question d’association libre et la question ouverte. Nous evoquerons auparavant la posture et les reactions des participants face aux differentes questions. Nous analyserons et commenterons ensuite, les resultats. 1) Le questionnaire Les sujets de culture camerounaise ont montre beaucoup d’interet au theme propose.
Meme si au debut, ils montraient un peu de reserve, ils finissaient, dans la plupart des cas, par souligner l’importance de ce probleme dans leur culture traditionnelle et ce malgre l’evolution de leur societe actuelle. Ils s’estiment souvent heureux de ne pas etre touches personnellement par la sterilite. Les sujets tunisiens, quant a eux, n’ont pas montre autant d’interet a la question, mais plutot une certaine gene. Ils etaient parfois etonnes par certaines questions et ont exprime le desir de savoir plus sur notre recherche.
Cependant, ils etaient d’une grande cooperation, et n’hesitaient pas a evoquer un cas de sterilite, qui aurait touche un membre de leur famille. Il est important de souligner que toutes les questions proposees ont ete traitees par les participants, sans omissions ni difficultes apparentes. Pour exploiter les reponses du questionnaire dans le sens des objectifs de notre travail, nous avons procede a deux regroupements. Le premier concerne les questions. Ces dernieres n’ont pas ete analysees question par question, mais par axe. Le second regroupement porte sur les echelons.
En effet lors de l’administration du questionnaire, plusieurs sujets ont releve le fait que les nuances sont difficilement discernables, aussi bien pour les echelons positifs que negatifs. Nous avons donc opte pour leur regroupement comme suit : – « tout a fait d’accord » et « d’accord » exprimant un degre d’adhesion « favorable ». – « pas d’accord » et « pas d’accord du tout » exprimant un degre d’adhesion « defavorable ». Les reponses de l’echelon neutre, n’apportant aucun element de reponse interessant, n’ont pas ete prises en compte lors de l’analyse des resultats. Les ujets expliquaient leur choix par le fait qu’ils n’avaient pas de reponse tranchee(je ne sais pas). L’analyse des donnees obtenues a ete faite sur la base du calcul des pourcentages, qui ont ete reportes dans des tableaux selon les deux axes etudies. Le premier axe porte sur la perception du vecu de la sterilite. Les questions relatives a cet axe ont ete regroupees sous le titre : la sterilite est difficile a vivre. Les resultats obtenus sont comme suit : |Degre d’adhesion |Favorable |Defavorable | Culture du sujet | | | |Tunisiens |73. 33% |26. 67% | |Camerounais |66. 67% |33. 33% | Tableau 1 : la sterilite est difficile a vivre. Ainsi les pourcentages du tableau 1 montrent que dans l’ensemble chez chacun des deux groupes il existe une meme tendance.
En effet, la plus part des sujets (73. 33% pour les tunisiens et 66. 67% des camerounais) adherent aux questions qui traitent du sous theme la sterilite est difficile a vivre. Nous pensons donc que les sujets des deux cultures ont une perception du vecu de la sterilite comme difficile. Cependant, il est necessaire de souligner que le nombre limite des sujets (20) ne nous nous a pas permis de soumettre ces resultats a un test statistique afin de verifier si la difference entre les frequences est significative. Le deuxieme axe porte sur la perception des consequences de la sterilite sur le couple.
Les questions relatives a cet axe ont ete regroupees sous le titre : la sterilite n’est pas un obstacle pour le couple. Les resultats obtenus sont les suivants : |Degre d’adhesion |Favorable |Defavorable | |Culture du sujet | | | |Tunisiens |50% |40% | Camerounais |83. 33% |6. 66% | Tableau 2 : la sterilite n’est pas un obstacle pour le couple Ces resultats vont a l’oppose de nos attentes. En effet, le tableau 2 temoigne certes d’une certaine variation interculturelle ; mais se sont les sujets de culture camerounaise qui adherent majoritairement (83. 33%) aux questions qui confirment que la sterilite n’est pas un obstacle pour le couple, et non les sujets de culture tunisienne comme le predisait notre hypothese.
Ces derniers se repartissent presque a par egales. Bien que ces resultats soient tres interessants, le nombre limite des sujets ne nous permet pas d’appliquer un test statistique et savoir si la difference est significative ou non. 2) L’association libre La question d’association libre a suscite plus d’interrogation et d’etonnement que les questions du questionnaire. En effet, quelque soit la culture, les sujets manifestaient un certain blocage au depart, ils ne savaient pas quoi ecrire et me demandaient toujours le nombre de mot qu’ils devaient evoquer.
Par rapport aux resultats obtenus, nous avons tente de les regroupes selon deux types : • Le type descriptif, dont voici les indicateurs : -la definition, l’explication, la description de la sterilite. – l’analyse de la cause de la sterilite. – les solutions qui peuvent palliees la sterilite. • Le type affectif, qui regroupe les mots evoques pour : -le ressentit. -les emotions. – les croyances. Ces deux types nous semblent etre englobant, a par les termes : enfant, procreation, couple (cites 7 fois sur un total de 60 mots) qui n’ont pas ete retenus.
Un autre fait chez les femmes, des deux cultures, nous remarquons que le nombre de reponses de type affectif est plus important que chez les hommes. Ces derniers favorisent les reponses de types descriptifs. Cette difference entre les genres est beaucoup plus soulignee chez les tunisiens que chez les camerounais : les termes de types affectifs chez les tunisiennes ont une frequence de 11/15 contre 2/15 chez les tunisiens. (cf. annexe 2) 3) La question ouverte Lorsqu’ils repondaient a la question ouverte, les sujets de la culture camerounaise faisaient plus d’effort d’implication, que les sujets tunisiens.
En effet, les camerounais essayaient de s’imaginer dans la situation et de decrire leurs emotions et ressentis alors que les tunisiens montraient une certaine resistance, surtout chez les femmes, qui trouvaient que cette question etait inutile puisqu’elles avaient des enfants. Pour la question ouverte, nous avons opte pour une analyse du contenu : lexicale, syntaxique, meme si la quantite des donnees collectees reste limitee. Nous avons rassembles les donnees des categories de themes relatifs a la question posee. Ainsi nous remarquons que tous les sujets ont exprimes presque les memes ressentis.
En effet, les deux groupes s’accordent sur l’enorme « tristesse » que peut engendrer une telle « pathologie », si elle les avait concernes. Parmi les informations qui emergent, on voit bien chez les femmes aussi bien camerounaises que tunisiennes une thematique qui revient souvent celle de la detresse : tristesse (7 occurrences), vie qui bascule, vide, amere, douleur, devalorisee, demoralisee… Nous constatons, d’autre part que chez les hommes camerounais, les connotations non seulement sont moins negatives (tristesse, choquer, affecter, deception.. mais aussi temperees par l’utilisation des mots-outils, plus precisement la conjonction « mais ». En effet, la question chez les hommes engendre un pattern particulier de reponse, de type : « tristesse » mais « adoption », « deception » mais « medecine ». Ainsi, la detresse initiale est attenuee par la possibilite de solution. Les hommes tunisiens, pour leur part, ont repondus avec des termes qui associe la sterilite a l’handicap (touche, abattu, incomplet, decu…). (cf. annexe 3) DISCUSSION Notre objectif visait a mettre en evidence un possible lien entre la culture du sujet et sa perception de la sterilite.
Dans ce cadre, nous sommes parties de l’hypothese selon laquelle la perception de la sterilite varie en fonction de la culture. La premiere hypothese emise est que les individus issus de la culture tunisienne ont une perception du vecu de la sterilite plus positive que ceux issus de la culture camerounaise. Cependant, les resultats obtenus n’ont pas permis de confirmer nos hypotheses. Dans l’ensemble, les reponses suivaient une meme tendance. Quelle que soit la culture du sujet, la sterilite du couple est l’objet d’une preoccupation douloureuse et d’une interpretation negative.
Cette perception met en evidence certaines constructions sociales qui restent interculturellement invariable. La sterilite est ainsi percue, dans les deux cultures etudiees, comme une maladie qui ne peut etre que negative. La deuxieme hypothese emise est que les individus issus de la culture tunisienne ont une perception des consequences de la sterilite sur le couple plus positive que celle des individus issus de la culture camerounaise. Meme si nous n’avons pas trouve de resultats significatifs, ces derniers affichent une difference claire entre les deux groupes.
Nous pensons que la culture,et plus precisement la religion, est le principal responsable de cette tendance. En effet, les sujets camerounais pensent majoritairement que la sterilite n’est pas un obstacle pour le couple puisqu’il existe differentes manieres d’y remedier. 80% des participants etaient favorable pour l’adoption contre 10 % des tunisiens. Il est important de rappeler que contrairement a l’Eglise[14], l’Islam[15] interdit les filiations par adoption. LIMITES DU TRAVAIL Pour verifier nos hypotheses, nous avons du construire notre propre outil.
La question d’association libre et la question ouverte rajoutees pour recueillir des donnees qualitatives, quant a elles, etaient tres interessantes, mais le manque d’experiences et la non maitrise des techniques d’analyse ne nous ont pas permis d’utilise au mieux les resultats. Autre difficulte importante est le nombre tres reduit, sinon l’absence dans la plupart des bibliotheques accessibles pour nous, d’etudes sur la perception de la sterilite, particulierement les travaux scientifiques realises par des psychologues.
Enfin, la variable interculturelle, nous a exiges beaucoup de temps et moyens pour obtenir les informations desirees. Elle est a l’origine du nombre tres reduit et le statut particulier (cadres de banque, ages de 40 a 50 ans) des sujets interroges, ce qui constitue une limite aussi bien dans l’interpretation que dans la generalisation de nos resultats. CONCLUSION Les resultats obtenus n’ont pas permis de confirmer nos hypotheses. En effet, ils ne nous ont pas permis de mettre en evidence une nette difference interculturelle dans la perception de la sterilite. Cependant, ’analyse quantitative a mis a nu, une variation inter-genre tres claire. Il serait interessant d’aborder la perception de la sterilite avec l’indicateur sexe comme variable. BIBLIOGRAPHIE Leo, A. , (2003), Le mariage force chez les jeunes filles d’origine maghrebine : Analyse d’une forme de violence, Memoire de Maitrise Administration Economique et Sociale mention « Developpement Social » (non publie), Universite Montpellier III Paul Valery, Montpellier, France. Nations Unies (ONU) : Division de statistique, (1995), Les femmes dans le monde, 1995 : Des chiffres et des idees, United Nations Publications, p. 4. Olivennes, F. , (2006), Assistance medicale a la procreation : Aspects psychologiques et assistance medicale a la procreation, Masson : Hauts-de-Seine, p. 209-215. Tahon, M. B. , (2004), Sociologie : Cours, methodes, applications. , Breal : Paris, France, p. 95-98. WEBOGRAPHIE El Aadouni, H. , Sterilite au feminin : Enjeux du corps, enjeux de la memoire. , Face a face, UB2, Societes, sante, developpement, p. 1-11, [En ligne], URL :http://www. ssd. u-bordeaux2x. fr/faf/archives/numero_5/articles/houda/houda). Consulte le 20 decembre 2008 Ouattara, F. , et Storeng, K. L’enchainement de la violence familiale et conjugale : Les grossesses hors mariage et ruptures du lien social au Burkina Faso, Le bulletin de l’APAD, n° 27-28, Violences sociales et exclusions. Le developpement social de l’Afrique en question, [En ligne], URL : (http://apad. revues. org/document3003. html). Consulte le 21 decembre 2008 ———————– [1] LEO, Aurelie. OCTOBRE 2003, « Le mariage force chez les jeunes filles d’origine maghrebine : Analyse d’une forme de violence». [2] Fatoumata Ouattara et Katerini Storeng, «L’enchainement de la violence familiale et conjugale.
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