Enjeux des agrocarburants au Burkina Faso : le cas du Jatropha curcas L Pierre Janin, Fran,cois De Charles Ouedraogo To cite this version: Pierre Janin, Fran,cois De Charles Ouedraogo. Enjeux des agrocarburants au Burkina Faso : le cas du Jatropha curcas L. 2009. HAL Id: hal-00580055 https://hal. archives-ouvertes. fr/hal-00580055 Submitted on 25 Mar 2011 HAL is a multi-discipli archive for the depos documents, whether may come from 9 S. . p next page cientific research t. The documents teaching and research institutions ln France or abroad, or from public or private research centers. ‘archive ouverte pluridisciplinaire HAL, est estin ee au d • ep•ot et • a la diffusion de documents scientifiques de niveau recherche, publi es ou non, emanant des etablissements d’enseignement et de recherche fran. cais ou ‘etrangers, des laboratoires publics ou priv es.
Enjeux des agrocarburants au Burkina Faso le cas du Jatropha curcas L Pierre JANIN, géographe, IJMR 201 « Développement et sociétés IEDES – IRD que temporelle, dans des écosystèmes fragilisés et vulnérables, ont conduit un ensemble d’acteurs institutionnels à s’intéresser plus avant aux potentialités offertes par les plantes agro-énergétlques, quitte à céder à un certain emballement édiatique et politique.
En la matière, il faut toutefois
Ce dernier a très rapidement été paré de nombreuses vertus de la part de ses promoteurs – restauration des sols marginaux, amélioration de la fertilité, reboisement des terres dégradées, promotion de la écurité foncière, lutte contre la divagation animale, diversification des activités génératrices de revenu dans une optique de lutte contre la pauvreté, valorisation phytosanitaire et thérapeutique -, tandis que d’autres acteurs (médias et ONG) en dressaient un tableau beaucoup plus critique, voire outrancier, sur fond de concurrence éventuelle avec l’objectif de sécurisation alimentaire des populations rurales.
On a assisté, depuis 2008, à la multiplication d’initiatives, parfois spontanées, parfois encadrées, de la part d’opérateurs commerciaux. associatifs ou publics dans ce domaine dans plusieurs pays ‘Afrique de l’Ouest (Sénégal, Mali, Burkina Faso notamment).
Dans ces différents pays, des plantations en culture pure comme associée à d’autres cultures vivrières – ont été créées et la dynamique d’implantation se poursuit activement, même si l’on manque de données précises et fiable 2g l’on manque de données précises et fiables sur son rythme de diffusion et ses modalités d’insertion, sur les espaces concernés, sur la nature des contrats de production.
Dans son dernier rapport (février 2011), la FAO préconise logiquement d’associer des agrocarburants avec des cultures vivrières afin de ne pas aggraver ‘insécurité alimentaire et de réduire Fimpact négatif du phénomène de réallocation des terres. De fait, certains projets annoncés, trop ambitieux, ont été reportés ou annulés sans plus d’explication de la part de leurs promoteurs. D’autres, en revanche, sont en cours de réalisation dans une relative opacité.
Au-delà des controverses générales, souvent peu scientifiques, autour du Jatropha (et plus généralement des agrocarburants), le besoin de connaissances multidisciplinaires se fait sentir afin d’éclairer les décideurs sur les stratégies à retenir et sur les dérives à éviter. D’abord, sur les capacités de Jatropha curcas L à s’adapter aux sols pauvres, dégradés ou halophiles et à la variabilité pluviométrique des milieux sahélo- soudaniens.
Ensuite, sur ses performances agronomiques (croissance, rendement en graines, teneur en huile) selon les divers types de sols et les différents modes de conduite culturaux (pur, associé, irrigué, avec engrais,… ). Mais, plus encore, sur la durabilité agro-environnementale (effet à moyen terme de la multi-toxicité de la plante par exemple), économique (gains nets comparés à d’autres cultures et d’autres activités) et sociétale (surcharge de travail familial) de sa iffusion en milieu paysan ou non.
Au-delà, c’est aussi la question des choix en matière de politique agricole qui est posée : quels types d’acteurs et de filières promouvoir, avec quels objectifs our quels bénéfices ? Cette dernière filières promouvoir, avec quels objectifs, pour quels bénéfices ? Cette dernière conduit, de fait, à s’interroger sur la nature des modèles de développement et d’encadrement à promouvoir pour des paysanneries souvent mobilisées pour satisfaire des objectifs qui leur sont davantage imposés que partagés. L’année 2008 a été marquée par roccurrence de phénomènes onjoncturels de grande ampleur sur les marchés internationaux des matières premières agricoles et énergétiques qui semble devoir inaugurer un cycle durable d’instabilité. Elle a fortement aggravé les difficultés d’accès aux aliments pour des populations urbaines déj? précarisées et touchées des catégories sociales jusque-là épargnées, fragilisant plus encore les filets communautaires de sécurité habituellement mobilisés.
Le désarroi patent et le sentiment d’impuissance générés ont conduit à une flambée brutale de manifestations urbaines dans de nombreux pays pauvres, yant de faibles marges de manœuvre économique et agricole. En dépit d’une batterie de mesures fiscales et alimentaires (subventions, distributions, exonérations,… ), les effets de cette crise sont loin d’avoir été résorbés. Elle aura néanmoins eu le mérite d’accélérer la remise en cause des modèles de développement comme des régulations marchandes et politiques.
De fait, des inflexions importantes sont à relever dans les discours politiques. Les marchés agricoles libéralisés ayant montré leurs limites, l’action publique a cessé d’être ostracisée Parallèlement, l’autosuffis re (à laquelle est 4 2g minimisée. La mise en valeur des terres, vieille thématique coloniale, a resurgi avec, pour corollaire, une extension des superficies cultivées irriguées, quitte à en allouer à des investisseurs privés ou étrangers.
Tous ces éléments plaident pour un renouveau des politiques agricoles et alimentaires. Ces évolutions conduisent à reposer avec acuité la question des priorités assignées ? chaque type de culture (autoconsommation/vivrier marchand/non alimentaire commercial) comme des modes de production (monoculture intensive/ polyculture extensive) en fonction des contextes locaux. Avec elle, c’est aussi la formalisation des droits fonciers, coutumiers ou individuels, et les inévitables conflictualités d’accès qui connaissent un regain d’actualité.
Cette question de la « concurrence en termes de finalités et d’usages, sur fond de craintes malthusiennes renouvelées, conditionne de plus en plus fortement les actions à mettre en œuvre et plaide pour une nouvelle gouvernance du risque et des ressources agro-alimentaires. Parmi les alternatives agro-alimentaires destinées tout à la fois ? repousser le spectre de la faim, à lutter contre la pauvreté et à réduire la dépendance ?nergétique en Afrique de l’Ouest, des espoirs importants se portent sur les plantes agro- énergétiques (canne à sucre, Jatropha curcas).
Au-delà de l’engouement médiatique, politique et commercial immédiat, les enjeux de la promotion de telles cultures marchandes non alimentaires apparaissent à la fois multiples et contradictoires. En l’espace de deux années, le our hère (Jatropha curcas L. ), plante de la famille des s g paysannes, a connu un développement rapide au Mali, au Sénégal et au Burkina Faso. Tantôt diabolisée, tantôt parée de toutes les vertus, sa culture alimente de nombreux iscours. Afin de dépasser les idées reçues, il paraît judicieux de tenter d’en dresser un tableau nuancé.
Quels sont ses atouts et ses contraintes ? Quels discours véhicule-t-elle ? Quels modèles de développement et quels types de filières promeut-elle ? 1. Etat des lieux : quelles connaissances, quels besoins, quelles ressources ? La crise alimentaire de 2008 a surpris l’ensemble des gouvernants et des analystes des marchés par son ampleur et sa soudaineté et réveillé de vieilles inquiétudes malthusiennes. Son mérite est toutefois d’avoir rems au centre des débats la uestion de la production durable des ressources (agricole, alimentaire et énergétique) et de la régulation du risque.
Au-delà du besoin immédiat d’intentention, la crise a montré la necessité urgente ? repenser les stratégies agro-alimentaires à plus long terme sans oublier les concurrences et les conflictualités d’usage et d’accès. Dans les pays sahélo- soudaniens, la redécouverte récente du jatropha, plante arbustive non alimentaire, a suscité beaucoup d’intérêt par ses perspectives 3 énergétiques prometteusesl . Sans réduire l’engouement qu’il suscite, la baisse des cours des ydrocarbures est l’occasion de réfléchir aux modèles et aux stratégies à mettre en œuvre. . 1 . Besoins énergétiques cultivées 6 les budgets nationaux (plus de des exportations en valeur au Sénégal, 450. 000 tonnes annuelles au Burkina Faso, 600. 000 tonnes au Mali en 2008). En 2008, La flambée des prix des hydrocarbures s’est traduite par une baisse sensible de la fourniture électrique, les sociétés nationales peinant ? maintenir un approvisionnement constant du fait d’une incapacité à honorer les contrats. Il en a résulté un décalage croissant entre l’offre et la demande et conduit à la mise en place de rogramme de délestage.
Cette situation a pénalisé certains secteurs économiques et créé les conditions d’un mécontentement social durable (manifestations et refus de payer l’électricité). En réalité, ce déséquilibre n’est pas conjoncturel puisque le taux de couverture énergétique diminue depuis le début de la décennie 1990 dans un contexte de forte croissance de la demande urbaine. En milieu rural, près de 80% de la fourniture d’énergie domestique (pour la cuisson alimentaire) est assurée par le bois de chauffe et le charbon de bois.
La pression anthropique sur les écosystèmes rborés et arbustifs sahélo-soudaniens est donc très forte. Ce contexte de forte tension explique pourquoi les agrocarburants (et la culture du Jatropha curcas L, déjà présente dans les terroirs villageois sous forme de haie vive pour protéger les parcelles vivrières de la divagation animale), ont connu un vif engouement médiatique et politique. Récemment, plusieurs scenarii stratégiques, ont été dévoilés au gouvernement burkinabè.
Une voie moyenne, allégeant la facture énergétique sans fragiliser les productions céréalières, semble économiquement intéressante et politiquement accessible es hydrocarbures util•sés pour la production électrique necessiterait, selon les experts, entre 60. 000 et 350. 000 hectares de Jatropha selon le type de sols et le mode de conduite culturale (rapport Cirad-21E, décembre 2008). Ce chiffre est à rapporter aux superficies plantées estimées : entre 70. 000 et 150. 000 hectares selon que l’on intègre ou non les plantations individuelles et collectives villageoises sous forme de haies.
Quatre types d’acteurs ont jusqu’alors favorisé sa diffusion : les élites urbaines politiques, les agents de développement, les promoteurs agro-industriels, les mouvements associatifs. Les premiers sont sans doute ceux dont la mobilisation, les discours ont le plus de retentissement. Il en est ainsi du Larlé Naaba Tigré, Ministre du Mogo Naba, député ? l’Assemblée Nationale, qui déclare avoir fait planter près de 67. 000 hectares par une myriade de petits producteurs familiaux2.
Cela représente un potentiel de production estimé entre 12 000 et 48 000 m3, soit entre 5 et de la consommation de gasoil burkinabè de 2007. A titre personnel, le L arlé Naaba revendique la plantation d’environ 60. 000 hectares, en partenariat avec la firme Deutsch Biodiesel, réalisée au sein ‘exploitations de 52. 000 producteurs sous forme de haies vives ou « cultures individuelles Des ONG ont également développé des actions communautaires en direction des communautés villageoises (Fondation Dreye , Service Laïque de Coopération au Développement) avec des objectifs plus modestes.
Enfin, il convient de mentionner les sociétés commerciales Le pangomia, le balanite, I encore le buriti ont utilisable pour produire de l’énergie. 2 Son association Belwet travaille avec la société Nature Tech Afrique (spécialisée dans le secteur des énergies renouvelables) et la firme allemande de biodiesel D. B. D. (Deutsche Bio Diesel). 3 http://ipsinternational. org/fr/note. asp? idnews=5020, le 27/08/2008. 4 Agritech4, Mabucig5. Pour sa part, Auguste Boudo, directeur général adjoint de la SARL GENESE (créée en 2008) annonce en être à 10. 00 hectares avec près de 200 groupements villageois, représentant environ 1 5000 producteurs, dans les régions des Hauts Bassins, la Boucle du Mouhoun, les Cascades (ouest), la Tapoa (est) et la Sissili (centre-ouest). Avec AgroED, le gouvernement a signé en novembre 2007 un accord- cadre pour la création de 200. 000 hectares, en encadrant une moyenne 500 producteurs ans quatre provinces, mais son développement a été suspendu pour des raisons politiques et économiques.
La SOSIJCO a également un projet tandis que la SONABEL envisage de mettre en place une barrière végétale au Sahel. Cestimation des superficies cultivées reste néanmoins très aléatoire en l’absence d’enquêtes approfondies. Cest pourquoi, à l’horizon 2011, la production estimée fluctue fortement (entre 84. 000 et 150. 000 tonnes de graines). Ce faisant, elle devrait facilement pouvoir être traitée (triturée r les unités agro-industrielles déj? installées pour le coton do e cadre de programme d’électricité rurale décentralisée (ERD). 1*2.
Exigences et rendement de la plante en milieu paysan Les principales études (et les discours) mettent en avant la rusticité de la plante : peu exigeante en eau (sa culture peut être réalisée avec moins de 600 mm de pluies annuelles) et en nutriments. Elle aurait donc une bonne capacité (et vocation) ? s’adapter aux sols pauvres, dégradés ou halophiles sahélo-soudaniens. Enfin, elle ne demanderait qu’un faible entretien, une fois mise en terre. C’est ce discours « agro-vertueux » qui a été, en un premier temps, tenu ux acteurs institutionnels et aux petits producteurs avant d’être infléchi.
Car, le constat agronomique est un quelque peu différent. Aucun projet de plantation commerciale n’a été Implanté en zone sahélienne, en raison de la variabilité pluviométrique. Seules des actions de lutte antiérosive, matérialisant des courbes de niveau ou sur certains glacis, ont été menées dans le Namentenga. De fait, les rendements exigés pour une exploitation agro-industrielle plaident pour une mise en culture de sols ayant de meilleures potentialités : sols calcaires, relativement profonds à texture égère sablo-argileux et argilosableux.
La majorité des projets agro-commerciaux se sont d’ailleurs implantés en zone soudano-sahélienne (centre-ouest et sud-ouest). D’ores et déjà, certaines structures d’encadrement appuient la diffusion du Jatropha en milieu paysan par un appui technique similaire ? celui dont bénéficient les cotonculteurs — fourniture de graines sélectionnées, de plants bouturés, labour des sols, taille des arbres – tout en Incitant ? irriguer pour améliorer les rendements (Agritech Faso). Par ailleurs, l’investissement en travail serait sensiblemen 0 9