Introduction L’agriculture est un processus par lequel les hommes amenagent leurs ecosystemes pour satisfaire les besoins de leurs societes. Elle designe l’ensemble des savoir-faire et activites ayant pour objet la culture des terres, et, plus generalement, l’ensemble des travaux sur le milieu naturel permettant de cultiver et prelever des etres vivants tels les vegetaux, animaux, voire meme champignons utiles a l’ etre humain ainsi qu’a son mode de vie.
L’ agronomie, quant a elle, pourrait se definir comme la « science agricole » : elle regroupe, depuis le XIXe siecle, l’ensemble de la connaissance biologique, technique, culturelle, economique et sociale relative a l’agriculture. En economie politique, l’agriculture est definie comme le secteur d’activite dont la fonction est de produire un revenue financier a partir de l’exploitation de cultures terrestres, forestieres (sylviculture), des espaces maritimes ou des rivieres (aquaculture, peche), de l’animal de ferme (elevage) et de l’animal sauvage (chasse).
Dans la pratique, cet exercice est pondere par la disponibilite des ressources et les composantes de l’environnement biophysique et humain. Mais comme tout les domaines, l’agriculture connait aussi certaine periode de crise : on parle alors de crise agricole … Les hommes politiques mais aussi les experts du monde entier ont ete profondement surpris par la tres
Voila les differentes problematiques, qui nous permettrons d’etablir une analyse concernant les crises agricoles : une analyse qui devrez vous permettre d’obtenir une vision moins ambigue concernant ce qui caracterise les variations economiques en milieu agricole. QUELLE EST LA VERITABLE NATURE DE LA CRISE AGRICOLE ET ALIMENTAIRE ACTUELLE ? Le paradoxe de la situation agricole et alimentaire actuelle Les hommes politiques mais aussi les experts du monde entier ont ete profondement surpris par la tres forte hausse des prix agricoles et alimentaires depuis deux ans. Il est vrai qu’au cours des nnees qui l’ont precedee, le niveau des prix agricoles etait reste bas et relativement stable. De plus, dans le meme temps, la production agricole mondiale continuait de croitre, certes moderement, mais a peu pres parallelement a l’augmentation de la population. Les economistes s’interrogent donc sur les causes et la nature exacte de ce phenomene. La reponse qui sera faite est essentielle car elle devrait permette de prevoir non seulement l’evolution future de ces prix mais aussi les politiques a conduire. On connait depuis longtemps l’existence pour le secteur agricole de la tres faible elasticite de a consommation alimentaire par rapport aux prix. Ce qui a comme consequence une amplification des variations de prix des lors que l’offre est soit un peu inferieure soit un peu superieure a la demande. Or ces toutes dernieres annees et pour plusieurs produits de premiere necessite, la production a ete legerement inferieure a la demande, la difference etant compensee par un prelevement sur les stocks. On peut aussi, et a juste titre, mettre en cause la liberalisation des echanges sous la pression des organisations internationales et des grands pays exportateurs.
Cette liberalisation a conduit peu a peu a supprimer les instruments de regulation des prix, a reduire dangereusement les stocks de report et a contester les subventions aux investissements (mais pas vraiment les aides directes dont beneficient les agriculteurs des pays developpes des lors qu’elles sont decouplees de la production). Plus exposes aux risques que par le passe et donc rendus plus prudents, certains agriculteurs sont tentes de diminuer leurs investissements et leur production. On a aussi observe que se sont produits depuis quelques annees tout un ensemble ’evenements qui ont perturbe l’equilibre instable des marches agricoles. Ainsi quelques incidents climatiques graves sont intervenus (notamment une secheresse a repetition en Australie, gros exportateur de cereales). La Chine a beaucoup accru ses importations de soja pour developper sa production de viande. La crise petroliere actuelle a aussi conduit plusieurs Etats a accelerer le developpement des agro-carburants (les Etats-Unis affectent deja 20% de leur production de mais – soit 60% de leurs exportations – a la fabrication d’ethanol). Enfin, ces derniers temps, la speculation inanciere s’est emparee de certains produits agricoles et a contribue egalement a l’envolee des prix. Tout ces evenements, et quelques autres de moindre importance, ont joue et souvent de maniere concomitante. Ils expliquent la relative penurie de grands produits agricoles de base sur les 1 Membre de l’Academie d’Agriculture de France, ancien adjoint au Directeur de l’Agriculture et des Collectivites locales de la Caisse nationale de credit agricole NOTE DE CONJONCTURE ____________________________________________________________ ____________________________________
Copyright – Academie d’Agriculture de France – 2008. 2 marches internationaux, la croissance des prix qui en est resultee et les tres graves difficultes que connaissent aujourd’hui les populations desheritees du Tiers monde. Quelle que soit l’analyse qui est privilegiee, il convient de remarquer que la specificite de la crise actuelle tient a ses liens avec des causes exterieures, notamment la crise bancaire nee de la question des prets immobiliers a risque, la chute du dollar due au desequilibre de la balance commerciale americaine et evidemment la hausse des prix de l’energie.
Le probleme qui est maintenant pose est celui de l’evolution du systeme de production et de prix agricoles. Sans doute, beaucoup s’accordent a dire que la situation actuelle ne devrait pas se perenniser, mais aussi que la volatilite des prix agricoles s’est accrue et qu’elle a peu de chance de regresser. Au-dela de ces certitudes, deux grandes hypotheses sont a examiner : – soit la crise actuelle constitue une exception et tout va vite rentrer dans l’ordre, – soit elle n’est que la premiere manifestation d’une catastrophe alimentaire qui menace le monde.
Nous allons etudier chacune de ces deux eventualites. 1ere hypothese : la crise actuelle n’est que provisoire La recente explosion des prix ne serait alors que le resultat d’une conjoncture exceptionnelle, qui peut certes se reproduire un jour, mais sans qu’il y ait de lien avec la situation presente, un peu comme ce fut le cas au debut de la guerre de Coree, en 1972-1973 ou dans une moindre mesure en 1996. On peut en effet estimer que certains au moins des evenements qui sont a l’origine de la crise vont disparaitre1: le monde peut connaitre de bonnes recoltes dans les annees qui viennent en raison e l’absence de calamites climatiques significatives ; les prix actuels vont pousser les agriculteurs a produire plus, peut-etre aussi les decourager d’approvisionner les usines productrices d’agrocarburants que par ailleurs les Etats peuvent cesser de subventionner ; les speculateurs rendus prudents apres quelques graves revers toujours possibles peuvent se desinteresser de ce secteur… La production etant redevenue superieure a la demande, les prix baisseront aussi rapidement qu’ils ont monte au cours des mois passes. Bien qu’une nouvelle poussee de fievre un jour ou ’autre ne soit pas exclue si des evenements defavorables venaient a nouveau a se produire voire s’accumuler, le risque serait meme grand de voir pendant quelques annees les prix agricoles revenir a des niveaux particulierement bas donc insuffisants pour couvrir les couts de production…. Ce qui entrainerait d’autres consequences. Si cette hypothese se confirme, les aides d’urgence demandees par les Nations Unies constituent une medecine satisfaisante dans la mesure ou elles reglent les problemes les plus criants. Bien entendu, les risques d’une crise structurelle due a l’accroissement de la population ondiale, a la degradation des sols cultives, voire aux changements climatiques ne disparaissent pas. Ils sont seulement encore relativement lointains. On a donc un peu de temps, peut-etre meme quelques decennies, pour inventer et mettre en place les parades necessaires. En attendant, et pour eviter le renouvellement de crises similaires a celle que nous connaissons aujourd’hui, on peut imaginer mettre en place une veritable organisation internationale des marches agricoles qui permette la reconstitution des stocks, qui favorise l’investissement et urtout qui regule la production, afin de stabiliser quelque peu les prix agricoles. 2eme hypothese : La crise actuelle annonce des temps tres difficiles 1 cf : « Pourquoi les prix augmentent-ils ? » par Jean-Marc Boussard, Francoise Gerard et Marie-Gabrielle Piketty dans ECOAGRA avril 2008. NOTE DE CONJONCTURE ____________________________________________________________ ____________________________________ Copyright – Academie d’Agriculture de France – 2008. 3 Dans cette seconde hypothese, la crise actuelle ne serait que la premiere manifestation de la atastrophe alimentaire qui menace le monde au cours des prochaines decennies. Sans doute certaines des causes de la montee des prix peuvent s’attenuer voire disparaitre, mais pas toutes. Quelques unes peuvent meme se renforcer comme la production d’agro-carburants si le prix du petrole continue de battre des records ou si l’accroissement de la demande de viande dans les pays emergents se poursuit. Des evenements nouveaux peuvent aussi venir s’ajouter comme la diffusion de parasites particulierement dangereux telle la rouille noire capable de detruire totalement une recolte de ble.
Si le rechauffement climatique a commence a produire ses premiers effets devastateurs, les accidents climatiques vont aussi se multiplier et s’intensifier avec des consequences directes sur les rendements des recoltes. Dans cette seconde hypothese, il y aura sans doute des remissions, mais elles seront breves. Et les agriculteurs, plus sensibles aux fortes et brutales variations de prix qu’a la tendance longue au redressement de ces memes prix agricoles seront peu encourages a investir. Par ailleurs, on assistera a la multiplication des accords bilateraux et sans doute aussi a ’apparition de politiques autarciques. Les marches agricoles internationaux porteront donc sur des quantites de plus en plus reduites ce qui favorisera les ecarts de prix et accroitra encore les difficultes d’approvisionnement des pays les moins avances. La situation alimentaire des grandes metropoles du Tiers monde dont la population augmente tres rapidement, va devenir dramatique et souvent explosive. Dans cette hypothese, la solution a adopter ne peut se satisfaire comme dans le premier cas de figure d’une simple organisation des marches internationaux, laquelle reste cependant indispensable.
Il faut mettre en oeuvre dans les plus brefs delais un gigantesque effort pour assurer un developpement de la production agricole a la hauteur des besoins a satisfaire. Cet effort implique aussi qu’on renonce a pratiquer l’agriculture telle que nous la connaissons trop souvent aujourd’hui pour developper une agriculture durable sur l’ensemble de la planete. CONCLUSION Tout le probleme est que nous ne savons pas laquelle de ces deux hypotheses va se realiser. Ou bien on pense qu’il s’agit d’une crise « classique » meme si ses causes sont a la fois multiples et pour certaines nouvelles, ou bien on considere que des changements tructurels sont en train de s’installer qui annoncent de profonds bouleversements dans l’equilibre du monde. Ainsi, dans la premiere hypothese, et une fois passee la crise actuelle, tout redeviendra comme avant pour les responsables politiques. Ce qui veut dire que l’on ne prendra aucune decision susceptible de modifier le cours des choses et on attendra tranquillement la crise suivante. Dans la seconde hypothese, les gouvernements seront contraints de prendre des decisions energiques. Reste a savoir si ce seront les bonnes, c’est-a-dire des decisions de nature a augmenter uffisamment rapidement et durablement la production agricole et alimentaire mondiale. Ce ne sera certes pas facile. En effet, si les entreprises performantes peuvent sans aucun doute accroitre leur production, elles ne suffiront pas a satisfaire une demande en croissance rapide. Il faudra aussi organiser un accroissement de la production dans les micro-exploitations du Tiers monde. Et la, les choses seront plus compliquees. Car dans le Sud et l’Est de l’Asie, la poursuite du progres technique se heurte maintenant a beaucoup de freins, notamment environnementaux, tandis qu’en
Afrique, les conditions memes de la mise eu oeuvre du progres sont loin d’etre reunies. Pourquoi eux aussi n’auraient-ils pas droit a un plan d’urgence, comme les banques ou le secteur automobile ? Au fond, c’est la question que les agriculteurs ont posee a Nicolas Sarkozy lors de leurs amples et spectaculaires manifestations du 16 octobre. Confrontes a la chute de leurs revenus, aux faillites, bref a une crise qui touche la majeure partie des productions, ils attendent de pied ferme le plan que doit annoncer aujourd’hui Nicolas Sarkozy, a Poligny, dans le Jura. Nous sommes dans l’urgence », affirme Jean-Michel Lemetayer, president de la Federation nationale des syndicats d’exploitants agricoles (FNSEA) qui reclame des aides d’un montant d’environ un milliard d’euros. Apres une baisse moyenne de leurs revenus de 20 % en 2008, les agriculteurs redoutent une nouvelle chute en 2009. « Il faut donner de l’espoir aux agriculteurs a court terme, avec des aides a la tresorerie, et a moyen et long terme, en les assurant que l’on va tout faire pour inflechir la politique europeenne en faveur d’une regulation des marches », a souligne Lemetayer a l’issue d’une rencontre avec Francois Fillon. On va vous proposer un plan d’urgence » qui sera « massif » et « tourne vers l’avenir », a assure le Premier ministre. Aujourd’hui, le chef de l’Etat devrait proposer un « pacte national » et des mesures d’urgences. L’Etat pourrait prendre « en charge les cotisations » ainsi que « les interets d’emprunts ». Le gouvernement souhaite egalement inciter au regroupement des organisations de producteurs. Pour Nicolas Sarkozy, l’enjeu politique de son intervention est de taille. A six mois des elections regionales, il a tout interet a calmer la colere, voire la desesperance des agriculteurs.
Le vote des paysans est generalement acquis a la droite. Sarkozy en avait largement beneficie lors de la presidentielle de 2007 (67 % des voix des agriculteurs au second tour). Mais en periode de crise agricole – « la plus grave depuis trente ans », selon le ministre Bruno Le Maire -, les suffrages pourraient tomber moins facilement dans l’escarcelle de l’UMP. En clair, le discours de Poligny est crucial pour les paysans qui attendent un plan de sauvetage, et il est important pour le President qui ne veut pas se couper d’une partie de sa base electorale. Meme si tout le monde sait que l’ombre de Bruxelles pese aussi sur la crise agricole.