Un inventeur qui demeure dans la commune de X circule dans la rue avec un engin electrique qu’il a fabrique lui meme. Il s’agit d’une trottinette a deux roues ressemblant au Segway americain. Pour autant, cet engin ne fonctionne pas parfaitement, puisque l’inventeur bouscule regulierement les passants en raison de son incapacite a s’arreter a temps. Sous la pression publique, le maire a pris il y a 6 mois un arrete municipal interdisant la circulation de cet engin sous peine d’une contravention de seconde classe. Depuis, le garde champetre a de nombreuses fois verbalise l’inventeur.
Le maire quand a lui, soutient que son arrete est valable puisque personne ne l’a conteste dans les delais. Il soutient ainsi que l’inventeur doit payer ses contraventions. C’est pourquoi, la question se pose de savoir dans quelle mesure pouvons nous conseiller l’inventeur, et plus precisement quel recours peut il former ? Ainsi, il s’agira dans un premier temps de qualifier la juridiction competente pour controler la legalite de cet arrete municipal, et ensuite l’exercice du controle de validite du reglement par le juge penal. I : La question de la competence juridictionnelle.
L’inventeur qui souhaite contester l’arrete municipal pris a son encontre dispose de deux recours. L’un
En effet, l’article 37 de la Constitution enonce que « les matieres autres que celles qui sont du domaine de la loi ont un caractere reglementaire ». L’arrete est bien un reglement autonome, puisque cet acte ne fut pas ratifie par le parlement comme le prevoit la procedure legislative, mais par le maire, autorite competente de la commune. Il releve donc de la competence administrative puisque l’inventeur conteste un acte pris par l’administration. L’inventeur dispose donc de plusieurs recours : hierarchique, gracieux, et contentieux. a) Le recours hierarchique.
Le recours hierarchique consiste a porter l’acte incrimine devant le superieur hierarchique de l’auteur de l’acte. Il s’agirait donc en l’espece de porter l’acte devant le prefet, afin que celui-ci exerce son controle, et peut le cas echeant suspendre l’acte, l’annuler, le reformer, le rejeter, ou encore ne pas repondre, ce qui se traduit comme un rejet. b) Le recours gracieux. Le recours gracieux correspond a porter l’acte suspecte devant l’autorite qui l’a pris elle-meme. Mais le maire a soutenu a l’inventeur que son arrete est valablement forme, puisque personne ne l’a attaque en temps utile.
Ce recours n’est donc pas a conseiller a l’inventeur. c) Le recours contentieux. Le recours contentieux consiste a contester l’acte reglementaire directement devant une juridiction administrative. En effet, l’article 112-3 du code penal dispose que « Les lois relatives a la nature et aux cas d’ouverture des voies de recours ainsi qu’aux delai dans lesquels elle doivent etre exercees et a la qualite des personnes admises a se pourvoir sont applicables aux recours formes contre les decisions prononcees apres leur entree en vigueur.
Les recours sont soumis aux regles de forme en vigueur au jour ou ils sont exerces ». De plus selon l’article R421-1 du Code de justice administrative « Sauf en matiere de travaux publics, la juridiction ne peut etre saisie que par voie de recours forme contre une decision, et ce, dans les deux mois a partir de la notification ou de la publication de la decision attaquee ». En l’espece, malgre le fait que ce n’est pas un cas de travaux publics, le delai prevu par l’article R421-1 du code de justice administrative pour proceder a un recours par voie d’action est ecoule.
Il ne peut donc former aucun recours administratif, puisque le delai du recours contentieux est ecoule, et quelle que soit la decision d’un recours hierarchique, il ne pourrait poursuivre la procedure en matiere administrative. B : La voie de l’exception devant le juge penal. La voie d’exception est un recours defensif sur le champ penal, ou la personne va contester un reglement pris a son encontre des le debut du proces, avant meme que le fond soit aborde, a savoir l’infraction elle meme.
Ce recours est prevu a l’article 111-5 du Code penal qui dispose que « les juridictions penales sont competentes pour interpreter les actes administratifs, reglementaires ou individuels et pour en apprecier la legalite lorsque, de cet examen, depend la solution du proces penal qui leur est soumis ». En l’espece, l’inventeur se trouve bien dans la situation d’un reglement, puisqu’il fut pris par le maire dans le cadre de la politique municipale.
De plus, la solution depend du proces penal puisque l’arrete prevoit l’incrimination et la peine encourue en cas d’infraction, c’est-a-dire a dire circuler avec cet engin electrique est sanctionne d’une contravention de seconde classe. Par consequent, la solution du juge sur l’arrete aura une incidence directe sur la decision du proces penal. L’inventeur dispose ainsi d’un recours a former devant le juge penal, qui est competent pour interpreter les actes administratifs reglementaires au regard de l’article 111-5 du Code penal.
Cependant, il faut que le controle soit un enjeu suffisamment important pour qu’il entraine la solution du proces penal, ce qui est le cas en l’espece. II : Le controle de validite du reglement par le juge penal. Le juge penal lorsqu’il est saisi d’un controle de legalite, va proceder en deux temps afin de determiner ou non l’illegalite de l’acte. En effet, il va tout d’abord controler la legalite externe, et ensuite la legalite interne de l’acte attaque, afin de constater le cas echeant une illegalite dans l’acte.
A : Le controle de la legalite externe. Le controle d’illegalite externe concerne la maniere dont a ete pris l’acte administratif, tenant ainsi a la competence de l’autorite qui a pris l’acte. Le juge penal doit constater si en l’espece le maire a valablement pris l’acte, en verifiant si l’acte est entache d’une incompetence materielle, territoriale, ou temporelle. a) L’incompetence materielle L’incompetence materielle correspond a ce qu’une autorite intervienne dans un domaine hors de ses competences.
L’article L2212-2 du Code General des Collectivites Territoriales dispose que « la police municipale a pour objet d’assurer le bon ordre, la surete, la securite et la salubrite publiques. Elle comprend notamment: tout ce qui interesse la surete et la commodite du passage dans les rues (…), le soin de reprimer les atteintes a la tranquillite publique (…) ». Le garde champetre dispose de la competence d’officier de police municipale selon l’article 2213-18 du Code general des collectivites territoriales.
En l’espece, le garde champetre est effectivement en bon droit de verbaliser l’inventeur, en vertu de l’arrete pris par le maire. Ainsi, nous pouvons affirmer la competence materielle. b) L’incompetence territoriale. La competence territoriale signifie que le maire est en charge d’une commune, ou il peut prendre des actes reglementaires, et qui ont un effet uniquement sur le territoire de la commune dont il a la charge. En l’espece, l’inventeur cree le trouble avec son engin electrique sur la commune.
Ainsi, on peut confirmer que l’arrete pris par le maire ne dispose d’aucune incompetence territoriale c) L’incompetence temporelle. La competence temporelle correspond au fait que l’autorite qui a pris l’acte n’etait pas encore competente ou ne l’etait plus lors de la signature de l’acte. En l’espece, le maire est actuellement en charge de la commune au moment ou il a pris l’arrete, et il l’est egalement encore aux moments ou l’inventeur s’est fait verbaliser. Ainsi, on peut affirmer que l’acte pris par le maire n’est pas entache d’incompetence temporelle.
B: Le controle de la legalite interne. Le controle de legalite interne concerne le controle sur le fond de l’acte lui meme. Pour cela, le juge penal va verifier si il y a detournement de pouvoir, une erreur manifeste d’appreciation, ou une violation de la loi. a) L’erreur manifeste d’appreciation. L’erreur manifeste d’appreciation consiste en une erreur sur les faits, ainsi que sur la qualification juridique. En l’espece, les faits et la qualification juridique sont en adequation totale avec l’infraction reprochee a l’inventeur.
Ainsi, nous ne pouvons pas qualifier l’acte d’erreur manifeste d’appreciation. b) Le detournement de pouvoir. Le detournement de pouvoir consiste pour l’autorite publique en une utilisation frauduleuse des pouvoirs qui lui sont conferes. En l’espece, le maire a pris l’arrete municipal sous la pression publique. Le but recherche etait donc de satisfaire l’interet general. Nous pouvons ainsi constater que le maire n’a pas use de detournement de pouvoir. c) La violation de la loi.
La violation de la loi est le fait que l’autorite qui a pris l’acte ne respecte pas la loi au sens large. Selon l’article R610-5 du Code penal, « la violation des interdictions ou le manquement aux obligations edictees par les decrets et arretes de police sont punis de l’amende prevue pour les contraventions de la premiere classe ». Cela signifie que les arretes municipaux ne peuvent concerner que des contraventions de premiere classe. En l’espece, le maire a edicte l’acte en y inserant une contravention de seconde classe en cas de circulation de l’engin electrique de l’inventeur.
Ainsi, l’acte administratif pris par le maire est entache d’une violation de la loi, qui est en faveur de l’inventeur. Pour conclure, nous pouvons conseiller a l’inventeur de ne pas payer ses contraventions, et d’attendre que le maire porte cette affaire devant la cour penale. Ainsi, le juge penal verifiera soit de lui meme la legalite de l’acte, ou bien l’inventeur invoquera une demande en controle de legalite de l’arrete des le debut du proces. En effet, le juge penal a le pouvoir de controler la legalite des reglements au regard de l’article 111-5 du Code penal.
Il va ainsi pouvoir ecarter cet arrete sur la base d’une violation de la loi qui resulte d’une contravention de seconde classe, alors que l’article R610-5 du Code penal prevoit pour les arretes municipaux une contravention de premiere classe. Neanmoins, si le juge penal declare le reglement non conforme a la loi, l’acte administratif qui fondait la poursuite sera ecarte uniquement pour l’inventeur, etant donne que le juge penal n’a pas la capacite a annuler un acte administratif.