DOM JUAN Acte I, scene 1 « La tirade de Sganarelle » Introduction : Ce texte est la scene d’exposition de Dom Juan de Moliere, auteur de nombreuses pieces de theatre au XVIIe siecle, dont certaines susciterent de violentes critiques. Tartuffe, critiquant l’hypocrisie d’un devot declencha la cabale des devots et fut interdite. Pour pallier a l’absence de recettes due a l’interdiction de Tartuffe, Moliere ecrivit rapidement une piece sur un sujet a la mode, Dom Juan, deja illustre par l’espagnol Tirso de Molina. Cette piece composee de cinq actes met en scene un seducteur et libertin aux m? rs dissolues. Dans cette scene, Sganarelle, valet de Dom Juan, s’entretient avec Gusman, l’ecuyer d’Elvire, qui s’etonne du depart precipite de Dom Juan. On apprend qu’Elvire, apres avoir ete enlevee d’un couvent puis epousee par Dom Juan, vient d’etre abandonnee par lui. Sganarelle ote a Gusman tout espoir que son maitre revienne vers Elvire. Il brosse un portrait du « grand seigneur mechant homme ». Cette tirade nous permet dans cette scene d’ouverture de decouvrir le caractere de Dom Juan, et revele aussi celui de son valet ainsi que les relations qu’il entretient avec son maitre.
I. Le portrait du maitre par son valet Pour expliquer la
Il souille l’honneur des femmes. Sganarelle voit en son maitre un homme qui suit ses instincts les plus bas, il est compare a « un chien, un pourceau d’epicure, une bete brute » et meme au diable. b. L’impie Pire qu’un debauche peut-etre, il est heretique. Il ne croit « ni Ciel, ni Enfer, ni loup-garou ». Cette attitude, a l’epoque ou le catholicisme etait en vigueur, passait pour une attitude intolerable et provocatrice. Sganarelle craint que son maitre ne soit puni par un chatient divin. « Suffit qu’il faut que le courroux du Ciel l’accable un jour ». Sganarelle (S. ) utilise un angage hyperbolique qui laisse comprendre le caractere hors du commun de Dom Juan (DJ). c. Un monstre, un mechant homme DJ defie les lois divines et humaines. Il a du mepris pour les croyances de S. Il « traite de billevesees tout ce que nous croyons ». Il meprise aussi les femmes qu’il humilie et trahit. Le grand seigneur devrait proteger les faibles dans la tradition. DJ abuse des privileges de sa classe pour s’arroger une superiorite facile. « Un grand seigneur mechant homme est une terrible chose ». S evoque les « horreurs » dont il est le temoin. II. Portrait de Sganarelle
Le portrait que nous donne S de son maitre est exact dans ses grandes ligne, et il revele la personnalite du valet. S est aux antipodes de son maitre. DJ est insoumis, incredule alors que son valet est naif et peureux. a. Un homme credule S apparait comme defenseur de la morale traditionnelle, mais il melange les croyances populaires sans distinguer celles qui relevent de la religion catholique et de la superstition. Il a peur des chatiments divins et craint pour son maitre. b. Un poltron En l’absence de son maitre, Sganarelle perore contre Dom Juan, se vante de son intimite avec le ibertin « je n’ai pas grand peine a le comprendre moi ». Mais des qu’il l’apercoit il se reproche d’avoir ete si bavard « s’il fallait qu’il en vint quelque chose a ses oreilles, je dirais hautement que tu aurais menti ». c. Un personnage de comedie Sganarelle manie le langage avec fantaisie. Son bagout produit des effets sur Gusman « Tu demeures surpris et changes de couleur a ce discours ». Il affectionne les accumulations. Dom Juan est « un enrage, un chien, un diable, un Turc… Un vrai Sardanapale ». Il utilise de nombreuses hyperboles.
Sa fantaisie verbale et ses fanfaronnades font de lui un personnage de comedie, et malgre la gravite du sujet, la piece s’oriente vers la comedie. III. Relation du valet a son maitre a. Le valet imite son maitre Sganarelle cherche a imiter le langage de Dom Juan et le parodie de maniere ridicule. Il fait etalage d’une erudition mal dominee « je t’apprends inter nos ». Il cherche a impressionner Gusman en citant Epicure, Aristote, Sardanapale, .. Il se prend meme pour un artiste : « achever le portrait, coups de pinceaux ». b. Sganarelle condamne son maitre Sganarelle condamne l’attitude de DJ.
Il est indigne par ses horreurs que commet son maitre et « voudrait qu’il fut deja je ne sais ou. Le valet predit son chatiment divin, allusion a la fin de la piece que les spectateurs peuvent comprendre car le mythe de DJ est connu. c. Sganarelle soumis a son maitre Il est oblige de lui obeir, « la crainte en moi fait l’office du zele ». Il est « oblige d’applaudir a ce que mon ame deteste ». Il est hypocrite par necessite, il n’est qu’un valet au service de son maitre. Malgre son hostilite, on peut neanmois percevoir une certaine fascination du valet envers son maitre.
Conclusion : Cette tirade de Sganarelle a une fonction d’exposition. Elle dresse le portrait d’un seducteur hors du commun qui ne respecte ni les lois divines ni les lois humaines. Mais le portrait est fait par Sganarelle, un personnage naif et peureux, ce qui discredite quelque peu les critiques a l’egard de Don Juan. Moliere delivre ici un message ambigu. Dom Juan est certes condamne pour son immoralite mais Sganarelle avec sa credulite superstitieuse est-il un bon defenseur de la foi catholique? Les adversaires de Moliere ne s’y tromperont pas puisqu’ils feront interdire la piece apres deux mois de representation.