Dissertation |« Je pense donc je suis » |Descartes Autrefois, les philosophes se dechiraient a savoir sur quoi ils pouvaient baser leur raisonnement. Celui ayant tire une conclusion de ces recherches fut Descartes. Maitre de la deduction logique, il passa au peigne fin chacun des elements constituant notre realite. D’un point de vue idealiste, meme l’existence de la matiere etait mise en doute : on pourrait tout simplement «halluciner» ce qui nous entoure, et que le site reel des objets soit entre nos yeux et notre nuque.
Tout comme un reve la nuit nous fait croire que son contenu s’est reellement produit, Descartes posa l’hypothese selon laquelle la realite est un reve sans fin. Meme les notions geometriques et mathematiques furent remises en question. Plus tard dans sa reflexion, il realisa qu’une chose etait sure : c’etait que durant son raisonnement, il pensait. Le fait qu’il pense prouvant son existence, il en deduisit une phrase qui revolutionna le monde philosophique: «Je pense, donc je suis». Or, dans le ontexte actuel, a l’ere ou la consommation est presque un devoir de citoyens, un hobby, dans certains cas meme une profession et ou les centres commerciaux sont devenus des point de rencontres, des endroits ou on
Selon moi, la mentalite actuelle est bel et bien regie par l’acquisition de biens. D’abord, je crois que cet etat de fait a toujours ete observable, mais a bien moins grande echelle. En effet, l’Homme a toujours eu la conviction inconsciente que posseder quelque chose aux caracteristiques enviables transfere ces bienfaits au proprietaire. Cette tendance est similaire au processus de nutrition: ingerer un fruit rempli de vitamines donne a celui qui l’avale les bienfaits caracteristiques des nutriments en question.
Ce fait est vrai aussi au sens plus figure pour les guerriers qui jadis conservaient les armes de leur valeureux adversaires afin d’acquerir en quelque sorte ce meme courage, ou pour la petite fille contemporaine qui vole la tuque de la fille la plus populaire en pensant devenir la plus aimee a son tour. En fait, dans la societe actuelle, les caracteristiques qu’on tend a vouloir acquerir n’etant plus le courage, on tente d’adopter celles que les medias diffusent, soit toutes celles en rapport avec l’apparence.
Ou que l’on aille, publicites et centres commerciaux affichent aubaines et tendances nous invitant a etre quelque chose, mais pas n’importe quoi. On ne nous demande pas de nous accomplir en tant qu’individu, de faire du mieux que nous pouvons, de garder la forme pour notre sante. Non. Car ce serait tourner le regard du potentiel consommateur vers un investissement dans sa personne au lieu de dans un magasin. On veut nous comparer constamment avec les acteurs et actrices de la television, les top models, les jeunes chanteurs talentueux au succes premature… ‘est pourquoi ils sont partout, avec leur beaux yeux bien maquilles, leur silhouette gracieuse, leurs vetements a la mode, leur famille modele et leur voiture de luxe. Ils nous guettent, et ils nous connaissent assez bien pour nous faire oublier ce qu’on est et pour nous initier a leur secte de perfection et de stereotypes. Mais pourquoi ces icones en sont-ils venus a s’en prendre a la race humaine, a la dominer? Cette culture inculquee s’integre a notre ysteme de valeur en nous bombardant d’icones et de modeles de vie predefinis, et on en vient au point ou tous ces elements superficiels sont devenus la notion populaire de ce qui est bien pour nous: on en vient a croire que paraitre est l’essence meme d’etre, et c’est cela meme qui motive un besoin de posseder toujours plus de ces accessoires miracle. Une theorie de Freud peut s’appliquer par extension a la presente situation: chaque nouvelle acquisition procurant le plaisir d’avoir fait un pas de plus vers l’acceptation generale, le surmoi freudien1 recompense l’action par un sentiment de fierte.
En effet, si on suit cette ligne de pensee, notre Surmoi integre ces notions si souvent repetees a celles qui le regissent. Ainsi, on achete tel cosmetique pour etre belle; telle marque de rasoir pour etre irresistible ; telle sorte de biere pour etre populaire et branche. Et on y croit! Mais en realite, il est plus question de paraitre que d’etre. On peut donc justifier la consommation en tant que media entre le monde et nous, dans l’optique ou elle nous fait paraitre d’une certaine maniere dans notre environnement. Mais pourquoi attribuer une telle importance a l’acquisition constante de tous ces biens?
Selon Hachette, depenser est synonyme2 de consommer, debourser, manger, vivre bien, vivre en grand seigneur, vivre largement, vivre sur un grand pied. Par juxtaposition de ces termes, on remarque l’usage du verbe «vivre». Cette association d’idees fait prendre au verbe «depenser» une profondeur vitale. En effet, celui qui depense se procure des biens, qu’il pourra plus tard se vanter d’ avoir. Or, toute personne a quelque chose, que ce soit un corps, une television ou un ami. Sans ces possessions, quelle qu’en soit l’ utilite ____________________________________________________________ ________ 1. Selon Freud: Dimension du psychisme d’un individu qui domine ce dernier 2. Nous n’avons ici selectionne que ceux pertinents a la presente reflexion ou le degre de necessite, affirmer que vivre sans avoir est possible s’avere inimaginable : associe a des elements fondamentalement vitaux, le verbe avoir ne peut donc pas se dissocier du verbe vivre. On pourrait dire «Je depense, donc je vis». De plus, quelqu’un qui affirme avoir une belle vie possede bien souvent beaucoup d’amis, une famille equilibree, un conjoint, des enfants, etc.
Si vivre est avoir, bien vivre serait donc posseder la vie (la sienne) et par extension, celle des autres. Celui qui met de l’argent et du temps a profit pour loger, nourrir, ou amener diner ces personnes «acquises» les juge presque comme un investissement, puisque grandes sont les chances de recevoir en retour. Notre conception de l’avoir en vient donc a juger les personnes humaines comme etant des possessions! A l’aube du XXI ieme siecle, on peut donc par maints exemples prouver que l’avoir est au centre de notre conception de l’etre, jusqu’a confondre toute definition.
Avec le temps, on en est venu a penser que la consommation est un phenomene normal et incontournable. Mais selon moi, il ne devrait pas en etre ainsi. Bien que je sois consciente que la societe actuelle concoit l’etre par rapport a l’acquisition de biens, je suis d’avis qu’etre est bien plus qu’avoir. En effet, dire qu’on n’est pas avant d’avoir acquis quelque chose, c’est dire qu’un bebe naissant n’est pas; dire que depenser est un media de l’etre insinue que tous les sans-abris et demunis ne sont pas. Or, se peut-il qu’une distinction soit si injustement tiree entre ce qui (osons) merite d’etre et ce qui ne le merite pas?
Et ne serait-ce pas une insulte a la vie que de la juger par rapport a des objets, a des faux besoins a combler? En effet, lorsqu’on depense de l’argent, cet agent est perdu en quelque sorte et prend la forme du bien acquis. Or, tel que stipule plus haut, acheter procure un plaisir ephemere. Investir dans quelque chose, c’est donc se faire plaisir. Mais mettons ici l’emphase sur le mot ephemere, puisque en effet l’extase ne peut durer indefiniment: tout bien materiel ayant une portee exterieure a l’etre, ce bien est susceptible de deterioration, de vol ou autre.
Cela peut rendre l’humain febrile a l’idee de pouvoir perdre ses avoirs, insecurite visible par tous les cadenas, systemes d’alarme et encadrement auxquels sont soumises nos possessions cheries. Or, a-t-on deja cadenasse un trait de notre personnalite, une caracteristique de notre etre? Non. Nous allons meme jusqu’a vouloir exposer nos traits moraux ou intellectuels, a les partager, et certains par leur grande qualite vont etre volees (ou plutot adoptees) sans que le proprietaire d’origine ne s’en sente brime.
Etre est donc bien plus qu’avoir: un objet acquis est statique et ne peut se mouvoir ou devenir plus qu’avec l’intervention humaine, sans laquelle il est voue a l’inertie. L’etre, lui, est voue par defaut a une constante evolution qui est naturellement enclenchee par le processus de croissance et qui est catalysee par les interactions de l’etre dans le monde: l’etre est influencable, dote de conscience et donc capable de realiser ce qu’il est et ce qu’il pourrait etre. L’acquisition a donc sa place dans l’evolution, du moment ou elle en est une d’ordre psychologique, intangible.
En resume, je crois qu’il est vrai de dire que la societe actuelle croit etre parce qu’elle consomme, parce qu’elle a. La consommation: on travaille pour pouvoir s’en procurer les delices, puis on utilise le reste de nos temps libres pour la magasiner, en utiliser les fruits ou la planifier. Nos depenses sont donc au centre de notre quotidien, au point ou on les confond avec ce qui gere ce quotidien, c’est-a-dire l’Homme. La consommation cree une dependance qui fait que l’on peut s’identifier a elle : on pourrait dire «je suis consommateur» comme on dit «je suis cocainomane».
En effet, avec l’avenement de la technologie, les gadgets sur le marche deviennent des protheses pour combler des besoins inventes de toute piece. Mais il serait temps de reevaluer ce qu’est un besoin de nos jours, et pour cela, il faudrait que l’Homme se trouve une finalite autre que de paraitre, d’avoir. Avec l’avenement de la simplicite volontaire, de la consommation responsable, peut-etre notre generation n’est-elle pas vouee a s’enivrer de biens pour oublier qu’elle est sans ceux-ci…