Dissertation

Dissertation

Les elements proprement realistes o Loin d’etre seulement la critique d’une imagination enflammee, Madame Bovary presente les principaux elements caracteristiques du realisme. o Tout d’abord, comme nous l’avons note plus haut, Flaubert n’a pas invente la trame de son recit, il l’a tiree d’un fait divers. Comme un journaliste, il a enquete sur place pour mieux comprendre les personnages qu’il allait mettre en scene. Il a amasse des documents pour atteindre a l’exactitude : il a lu des traites de medecine pour connaitre les symptomes d’un empoisonnement par l’arsenic avant de decrire l’agonie d’Emma.

Il n’a pas hesite a consulter un avocat pour ne pas commettre d’erreurs dans les desordres financiers de son heroine non plus que dans leur reglement. Flaubert se livre a un veritable travail de benedictin. Afin d’assurer la coherence interne de son recit, en ce qui concerne la localisation des evenements, il va jusqu’a dessiner un plan d’Yonville. o Au-dela de ce souci de verite, Flaubert cherche l’objectivite avec cette « impartialite qu’on met dans les sciences physiques ». Il jette un regard quasi medical sur le monde qu’il decrit. Il essaie de peindre ce qui est visible.

A defaut de pouvoir rendre toute la realite, il choisit les details pittoresques

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et justes. La cuisine du pere Rouault est autant le lieu poetique ou la lumiere du soleil joue au travers les persiennes que l’endroit sordide ou les mouches menent leur bal repugnant. En arrivant aux Comices, « les fermieres des environs retiraient, en descendant de cheval, la grosse epingle qui leur serrait autour du corps leur robe retroussee, de peur des taches ». Le detail est non seulement vivant, il est revelateur de la legendaire vertu d’economie normande.

Comme un photographe, Flaubert apprend a connaitre ses modeles de l’exterieur vers l’interieur. Au travers des comportements, nous voyons peu a peu les caracteres se dessiner. Flaubert nous convie a observer. Avec lui, nous devinons progressivement la timidite maladive de Charles Bovary, son incomprehension, son application bornee comme si nous etions les temoins amuses du chahut declenche par l’arrivee du “nouveau”. Voila pose l’essentiel de la personnalite de celui qui sera incapable de satisfaire et de comprendre sa femme ! De meme la sensualite d’Emma nous est revelee, avant eme qu’elle envahisse sa vie, par la maniere dont la jeune campagnarde boit la liqueur par petits coups de langue gourmands. o Cette volonte de realisme, nous la retrouverons aussi dans la facon de parler. Chaque personnage possede le langage de sa classe sociale, en accord avec sa psychologie. Ainsi le pere Rouault s’exprime comme un campagnard madre ; ses propos sont emailles de provincialismes tels que « la petite », « manger le sang », « chez nous » (pour « a la maison ») et devoilent sa comprehension aussi exacte qu’intuitive de la situation : il n’imposera pas au timide Charles l’aveu quasi impossible de sa passion.

Lors de l’arrivee des epoux Bovary a Yonville, Homais leur tient un discours ou il se gargarise de termes savants pour impressionner son auditoire mais ou, sous l’eloquence scientifique, percent l’interet et la stupidite. o Ensuite nous devons noter cette tendance continuelle a expliquer les caracteres par l’influence du milieu et du temperament. Comme un savant, Flaubert constate les lois biologiques qui regissent individus et societes. S’il insiste sur l’adolescence d’Emma, c’est que son heroine est en partie conditionnee par ses experiences de pensionnat.

Mais il faudrait ajouter que ces experiences ont elles memes un retentissement tres personnel sur cet esprit mystique du fait des origines de l’enfant. Cette jeune paysanne qui lit Le Genie du Christianisme de Chateaubriand et y decouvre le sentiment romantique de la nature, ne peut idealiser ce qu’elle connait fort bien : la campagne, aussi reportera-t-elle son lyrisme sur des paysages inconnus : la mer tempetueuse ou les ruines. Ainsi Flaubert veut-il montrer le determinisme qui nous gouverne. o Enfin l’’ uvre objective doit renoncer a l’heresie du moralisme.

Le roman n’a pas a defendre une these, il se doit d’exposer des faits. Au lecteur a tirer les lecons ! Le livre ne doit plus faire de concessions a un pretendu « bon gout ». Flaubert n’hesitera pas a heurter notre sensibilite par des details insupportables lors de l’agonie d’Emma. Rien ne nous est epargne. o On peut dire que Madame Bovary par bien des cotes est une ‘ uvre anti-romanesque. C’est l’histoire d’une decheance assez lamentable, c’est aussi un examen clinique de la realite. Ces deux aspects essentiels fondent son realisme.