Democratie

Democratie

Le terme democratie s’oppose historiquement aux systemes monarchiques ou oligarchiques ou le pouvoir est detenu et transmis au sein d’un petit groupe. Dans son sens originel (dans la cite-Etat d’Athenes du Ve siecle av. J. -C. ), la democratie (du grec ancien ?????????? demokratia, « souverainete du peuple », de ????? demos, « peuple » et ?????? kratos, « pouvoir », « souverainete ») est le gouvernement de tous (limites aux citoyens). On resume souvent ce corpus a la formule d’Abraham Lincoln : « le gouvernement du peuple, par le peuple, pour le peuple », qui a ete introduite dans la constitution de 1958 de la Cinquieme Republique francaise.

La caracterisation, par les articles ou prepositions « du », « par » et « pour », de la relation entre peuple et pouvoir qu’exprime le mot democratie, n’est pas sans possibilite d’interpretations differentes, de l’idee et des principes qu’il contient, ni de leur mise en ? uvre concrete. En ce qui concerne les regimes politiques qui en portent le nom, ou l’ont porte, ils se revelent avoir ete ou etre tres divers. Ainsi, aujourd’hui encore, il n’existe pas de definition communement admise de ce qu’est ou doit etre la democratie. Depuis Montesquieu,

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cependant, les regimes politiques sont distingues grace a la separation des pouvoirs.

La democratie est devenue un systeme politique (et non plus un simple regime)dans lequel la souverainete est attribuee au peuple qui l’exerce de facon : • directe: regime dans lequel le peuple adopte lui-meme les lois et decisions importantes et choisit lui-meme les agents d’execution, la democratie directe; • indirecte: regime dans lequel le role du peuple se borne a elire des representants, la democratie representative; • semi-directe: variete de la democratie indirecte dans laquelle le peuple est cependant appele a statuer lui-meme sur certaines lois, par les referendums, veto ou initiative populaires.

Par extension, le terme « democratie » qualifie souvent tout pays qui est reconnu comme appliquant des principes democratiques dans son fonctionnement. Implications Ce regime implique : • le principe d’une liberte, comme celle d’expression, de pensee, de rassemblement, de religion, etc. (meme si elle est reglementee), • le principe d’egalite, en particulier l’egalite politique des citoyens, mais ce regime fonctionne mieux lorsque ses citoyens, par le biais de l’instruction, acquierent egalement les connaissances de base necessaires a l’accomplissement de leurs devoirs civiques.

Ces deux principes ne peuvent en aucun cas s’exclure l’un l’autre, il faut qu’ils soient tous deux presents. Mais les democraties peuvent mettre l’accent plus sur l’un ou sur l’autre. democratie (du grec demokratia, demos, « peuple » ; kratein, « gouverner »), systeme politique dans lequel la souverainete procede de l’ensemble des citoyens. La democratie, dont le principe fondateur « gouvernement du peuple, par le peuple et pour le peuple » se retrouve par exemple dans la Constitution francaise, est dite directe, lorsque le peuple est investi d’une esponsabilite effective sur l’ensemble des decisions ayant trait a la collectivite, ou representative, lorsque le peuple delegue librement le pouvoir de gouverner a des mandants. A la fois concue comme une valeur, constitutive d’un objectif a atteindre (la liberte pour tous realisee dans l’organisation collective), et comme une technique de gouvernement, la democratie s’est incarnee dans de nombreux modeles et selon des formes differentes.

Neanmoins, la democratie n’est qu’un concept vide si tous les citoyens n’ont pas acces a l’information ou a un niveau d’instruction qui leur permette de participer au debat politique. Cette conception, qui souligne que la democratie n’a pas pour seule finalite de garantir l’autonomie de l’individu mais aussi celle de favoriser son insertion et sa participation dans une collectivite qui ne serait rien sans lui, a inspire les tentatives moderees d’inscrire dans les Constitutions certains droits sociaux, a l’image de la Constitution francaise de 1946.

Un versant plus radical de cette conception s’est incarne dans les pays socialistes qui, s’appuyant sur l’analyse de Marx selon laquelle la democratie bourgeoise n’est qu’une democratie formelle, entendaient promouvoir de veritables democraties sociales, dans lesquelles la suppression de la propriete privee et la mise en commun des moyens de production, supprimant les antagonismes de classe, permettait de promouvoir une democratie a visee totalisante.

Ainsi, l’existence formelle d’une Constitution democratique ne saurait garantir pour autant le caractere reel de la democratie, dans la mesure ou tout pouvoir peut s’affranchir par la force ou par des pratiques plus discretes des limites qui lui sont fixees, des lors que l’opinion publique ne parvient plus a faire entendre sa voix.

Ainsi la democratie semble toujours enfermee dans le dilemme qu’a souligne au XIXe siecle l’un de ses plus eminents analystes, Tocqueville : favorisant l’egalite de tous plutot que la liberte de chacun, la democratie est toujours fragile, a moins que l’action des corps intermediaires et la qualite du debat public evite la fragmentation du corps social, qui laisserait le citoyen seul face au pouvoir. Quelques dates cles 1969 : Creation par le Departement americain de la defense d’un reseau reliant plusieurs gros centres de calcul et des systemes radio et satellites : Arpanet.

Ce serait l’ancetre d’Internet. Les annees 1980 : Arpanet voit son interet strategique faiblir avec la fin de la guerre froide. Les chercheurs et les universites se dotent de reseaux personnels qui s’interconnectent progressivement. Il devient alors possible d’atteindre un ordinateur de n’importe quel reseau depuis un autre ordinateur a partir du moment ou il est connecte a un reseau. 1989 : Un chercheur du CERN (Centre europeen pour la recherche nucleaire) a Geneve met au point un nouveau mode de communication permettant de faire des liens hypertextes.

C’est l’apparition du web qui utilise l’HTML ( Hyper Text Markup Language). Fin novembre 1999 : Manifestation anti-mondialisation a Seattle. Elle a ete organisee via le Net permettant ainsi la coordination internationale des participants. 20 novembre 2000 : Condamnation de Yahoo ! par le tribunal de grande instance de Paris parce que ce portail permet d’acceder a un site d’encheres ou etaient en vente des objets glorifiant le nazisme. Il devra filtrer l’acces des internautes francais a ces services. 3 avril 2005 : En France, le rapport annexe a la loi d’orientation et de programme pour l’avenir de l’ecole prevoit que le B2i (Brevet informatique et internet), cree par l’Education nationale en novembre 2000, soit integre au brevet et au baccalaureat. Quelques pistes de reflexion Internet peut favoriser le developpement de la democratie • Il est ne du souci de communiquer plus facilement, plus rapidement et a moindre cout. Il constitue donc un lieu de debats et permet, par le courrier electronique et la multiplication des forums, de confronter les points de vue et d’echanger des informations. Il contribue a une meilleure information des citoyens et a une plus grande transparence de l’action publique, par exemple par la diffusion d’informations administratives par le Net, de donnees publiques, des programmes politiques des partis… • Il favorise une interaction plus grande entre les gouvernants et les gouvernes. Les courriers electroniques permettent de faire connaitre aux elus les attentes et les reactions de leurs administres. On peut imaginer qu’Internet pourrait etre un outil pour participer au processus legislatif par les orums ouverts au Parlement et l’envoi aux parlementaires de propositions d’amendements. D’ailleurs, lors de l’elaboration du projet de constitution europeenne par la Convention sur l’avenir de l’Europe (fevrier 2002-juillet 2003), un forum ouvert aux organisations representant la societe civile leur permettait de verser leurs contributions aux debats. • Il favorise par certains aspects les actions collectives permettant a des individus isoles, mais partageant les memes idees, d’entrer en contact et de se mobiliser. Internet peut presenter des dangers pour la democratie • La « fracture numerique ».

Son utilisation est encore reservee a une elite, une minorite de la population, aux niveaux de revenus et de formation eleves, s’y connectant regulierement. Des efforts sont fournis par les gouvernements, les fournisseurs d’acces et les fabricants d’ordinateurs pour elargir le public d’internautes. Mais, ces initiatives concernent surtout les pays developpes. Ainsi, en France, la creation du B2i en novembre 2000 a permis de davantage familiariser les enfants aux technologies de l’information et de la communication (TIC). Le B2i de niveau 1 figure dans les programmes de l’ecole primaire depuis 2002.

Le rapport annexe a la loi d’orientation et de programme sur l’avenir de l’ecole prevoit de l’integrer au brevet et au baccalaureat. Mais, de nombreux pays non developpes sont delaisses par le Net. • Internet porte atteinte a la protection de la vie privee. Ainsi les cookies, veritables « mouchards » deposes lors de la frequentation d’un site, livrent un certain nombre de renseignements, dans un but commercial, concernant l’internaute et ses habitudes. Internet peut aussi etre le support a la diffusion d’informations fausses ou diffamantes a l’egard d’un individu. Internet peut etre le support d’actions ou d’idees en contradiction avec les fondements de la democratie. Des sites propageant des idees negationnistes ou racistes y sont accessibles. De meme, les cookies pourraient etre exploites afin de connaitre les opinions politiques des citoyens a travers leurs consultations de sites. Du cote des entrepreneurs prives ou des autorites, il y a le risque d’une societe de surveillance : dans certains pays, comme la Chine ou Singapour, les autorites bloquent l’acces a des sites juges nuisibles, c’est-a-dire pro-occidentaux, etc. De la democratie representative a la democratie participative ? Internet pourrait repondre a la crise de la representation qui se manifeste notamment par une abstention electorale croissante. Il favorise la mobilisation des citoyens sur toutes sortes de questions importantes, sans mediation des institutions et des organisations politiques : petitions (par exemple contre la peine de mort aux Etats-Unis), forums de discussion en ligne (chat), appel a manifestation (ex. a Seattle). Il convient cependant de s’interroger sur la regularite et la representativite de ces pratiques erigees en un systeme, qui serait susceptible de favoriser le populisme et la demagogie. Internet pourrait completer la democratie representative en corrigeant ses insuffisances par une dimension plus participative, sans en alterer les fondements. On pourrait envisager des votes electroniques deja testes dans certains pays. • Attention a l’illusion que pourrait representer l’e-democratie. L’offre d’espaces de liberte supplementaires aux citoyens n’induirait pas la modification des structures de pouvoir. Dans le cas de la mondialisation, si Internet peut sembler en contester les effets, il en est un des vecteurs principaux. Enfin, il ne faudrait pas qu’Internet soit un media sans controle democratique. Internet, en s’affranchissant des frontieres, pose le probleme du controle des serveurs et des sites. Les juridictions nationales peinent a imposer leur verdict et les legislateurs a suivre le rythme des evolutions technologiques. Exemple concret Le role de la CNIL Il existe cependant des institutions nationales qui tentent de reguler le systeme, notamment pour le premunir contre les atteintes a la vie privee ou a la liberte individuelle.

Ce role revient, en France, a la Commission nationale informatique et libertes (la CNIL), creee par la loi du 6 janvier 1978, qui doit ainsi verifier le respect des droits de chacun : droit a l’information prealable en cas de constitution d’un fichier, droit d’acces aux informations individuelles, droit de rectification des erreurs, etc. Elle dispose de moyens juridiques puissants en cas d’infraction, mais qui restent limites aux frontieres nationales. Internet, un outil de la democratie ? Internet est-il une chance ou une menace pour la democratie ?

Le levier d’une balkanisation de l’opinion publique ou le ferment de nouvelles pratiques deliberatives ? Patrice Flichy presente ici une importante synthese des travaux (dont les siens) disponibles sur ces questions. Un panorama qui casse bien des prejuges… Telecharger ce(s) document(s) : • Internet, un outil de la democratie ? par Patrice Flichy Depuis qu’internet commence a se diffuser dans le grand public, une controverse reapparait regulierement : ce nouveau dispositif de communication favorise-t-il le debat democratique ?

Cette discussion a trouve une nouvelle actualite avec l’apparition des blogs et plus largement des applications du web 2. 0 qui permettent a l’internaute de s’exprimer encore plus facilement que precedemment. Internet, contrairement a la radio ou a la television, met en situation d’egalite l’emetteur et le recepteur, c’est donc, a premiere vue, l’outil ideal pour une democratie participative ou le citoyen pourrait intervenir tres regulierement dans le debat public. Je me propose dans ce papier d’examiner comment cette question a d’abord ete abordee au demarrage de cette nouvelle technologie, puis dans la periode actuelle.

Internet reproduit-il la concentration des medias traditionnels ou permet-il a de nouveaux acteurs de prendre la parole ? Le nouvel univers electronique favorise-t-il la deliberation democratique ou une balkanisation des opinions publiques ? Enfin, internet est-il en symbiose avec de nouveaux modes d’engagement citoyen ? Quinze ans apres le lancement de l’informatique de reseau dans le grand public, un tel bilan parait necessaire. Agora electronique ou confusion Au debut des annees 1990, internet est souvent presente comme une nouvelle agora electronique [1].

Dans le premier livre qui va populariser cette nouvelle technologie [2], le journaliste Howard Rheingold compare longuement internet a l’espace public habermassien. Il y voit un dispositif capable de revitaliser la democratie. Cette vision politique d’internet sera reprise par de nombreux auteurs et notamment par Al Gore, alors vice-president des Etats-Unis, lors d’un discours a l’Union Internationale des Telecommunications [3]. Elle constituera un des elements forts d’attraction de cette nouvelle technique.

Mais rapidement des universitaires qui observent le comportement des communautes en ligne contestent cette perspective. Les forums sont souvent le siege de ces guerres d’injures (flame wars) ou les internautes defendent violemment des opinions dont ils ne veulent plus demordre. Pour Mark Poster [4], les debats en ligne ne correspondent pas aux caracteristiques de l’espace public, a savoir un debat entre egaux ou les arguments rationnels prevalent et ou on cherche a elaborer une position commune. Internet ne repond qu’a la premiere caracteristique.

Les internautes peuvent effectivement echanger sur un pied d’egalite. Par contre, l’echange argumente est loin d’etre toujours la regle. Le debat ne tend pas vers l’elaboration d’une position commune, mais plutot vers une multiplication de points de vue contradictoires. Cet eclatement des opinions est encore renforce par le fait que les identites des internautes sont floues et mobiles. Non seulement les interlocuteurs utilisent des pseudos et se creent une identite virtuelle, mais encore ils peuvent changer d’identite, en avoir plusieurs.

Cette coexistence des identites qui a ete etudiee par Sherry Turkle [5] semble etre une des causes majeures de cette difficulte des communautes en ligne a construire un point de vue commun. Dans la vie reelle, les differentes facettes d’un individu sont unifiees par leur inscription dans un meme corps, dans les interactions en face a face, chaque interlocuteur ressent ainsi la complexite de l’autre et peut s’appuyer sur cette complexite pour trouver un accord. Les communautes virtuelles encouragent, au contraire, la multiplicite de points de vue rigides plutot que la flexibilite [6].

Des communautes d’interet moins homogenes qu’on ne le croit Ces travaux academiques issus principalement de la psychologie ou de la psycho-sociologie semblent disqualifier de facon definitive le debat public en ligne. Or la pratique des forums, des chats ou des listes de discussion constitue toujours une activite importante des internautes. Ceux-ci ne se rendent pas dans ces espaces virtuels uniquement pour le plaisir de s’injurier ou de simuler une autre identite !

Les communautes en ligne ont ete caracterisees par les fondateurs d’internet comme des communautes d’ « interet commun » [7]. Il est ainsi plus facile que dans la vie reelle de trouver des individus qui puissent partager tel ou tel de nos interets. Cet echange ne concerne pas l’ensemble de la vie d’un individu, mais certains aspects de sa personnalite lies a un domaine des loisirs mais aussi a des aspects plus intimes : maladies, evenements familiaux… L’echange sera intense mais limite a une facette de la personnalite.

On peut alors parler d’ « intimite instrumentale ». Ces communautes qui sont tres abondantes sur internet et souvent perennes peuvent echanger des experiences ou des connaissances [8]. Elles ont ete principalement etudiees par des economistes et des sociologues. Les « communautes epistemiques » sont particulierement interessantes a observer, parce qu’elles associent des participants de competences diverses. Les communautes de logiciels libres en sont un tres bon exemple. Elles associent des developpeurs, des utilisateurs experts et des novices.

Les premiers apportent leur aide et leurs conseils aux deux autres, mais a l’inverse ces derniers apportent aux developpeurs des informations sur les defauts et les inadaptations du logiciel. Si les echanges sont donc en principe equilibres, les experts jouant un role de mediation entre les developpeurs et les novices, il y a neanmoins un risque de congestion de la communaute. Ces communautes ne peuvent se maintenir que si elles sont regulees. Dans le cas de Debian, sous-communaute Linux etudiee par Nicolas Auray [9], de nombreuses procedures ont ete ises en place, pour formater a minima les textes envoyes, gerer les messages signalant des erreurs (bugs), organiser le cycle des corrections, selectionner les candidats developpeurs… Une liste de discussion permanente, la Debian Policy, est le canal obligatoire pour recevoir et debattre des propositions nouvelles. Des dispositifs complexes de vote sont prevus. Il s’agit d’une democratie directe temperee par la competence technique et la connaissance des archives.

On pourrait citer bien d’autres exemples dans le domaine de la sante [10], des critiques des produits culturels… Dans tous ces cas, les communautes d’interet constituent un domaine ou internet peut etre un vrai lieu d’echange et de debat public productif. On constate egalement que ces communautes sont moins homogenes qu’on ne l’estime souvent. Experts et novices s’y cotoient de facon constructive. Le consommateur et le citoyen La discussion sur la place d’internet dans le debat democratique a ete relancee par la publication en 2001 du livre d’un juriste americain, Cass Sunstein, intitule Republic. om [11]. De cet ouvrage qui a suscite un large debat, on retiendra plus particulierement deux points que j’etudierai successivement : la facon dont internet a tendance a faire de la souverainete du consommateur le modele de la souverainete politique, et le fait que le debat politique sur internet reunit essentiellement des internautes d’opinion proche. Ce qui distingue fondamentalement internet des medias precedents, c’est que cette technique permet d’offrir a l’internaute une information personnalisee (customized).

Non seulement le consommateur peut trouver beaucoup plus facilement un produit directement adapte a sa demande, mais il peut egalement construire son propre journal. Cette idee que les futurologues de l’informatique comme Toffler, Gilder ou Negroponte appelaient de leurs v? ux dans les annees 1980 et au debut des annees 1990 est proposee couramment aujourd’hui aux internautes avec les services de portail personnalise comme Netvibes, et les flux RSS qui permettent d’avoir une information constamment mise a jour.

On est alors dans le modele de la souverainete du consommateur qui choisit ce qu’il veut. Cass Sunstein rappelle a juste titre que le principe de la souverainete politique est fondamentalement different. « Les citoyens ne pensent pas et n’agissent pas comme des consommateurs » [12]. La democratie politique est le resultat d’un gouvernement de la deliberation. Les choix politiques ne correspondent pas toujours aux interets personnels de l’individu, mais a ceux de la collectivite. L’opinion publique se construit par le debat, l’echange et la deliberation.

Au contraire, de nombreux penseurs d’internet des annees 1990 qui ont souvent developpe des theses proches de celle des libertariens pensent que les choix politiques doivent etre de plus en plus geres comme des choix economiques. Louis Rossetto, fondateur de Wired, le grand magazine de reflexion sur internet, estime par exemple qu’avec ce nouveau reseau on peut supprimer le systeme scolaire public et laisser chaque famille trouver les dispositifs de formation qui lui semblent convenir pour ses enfants.

Mais ces theses provocatrices ont trouve une forme plus elaboree dans un article publie en 1996, par deux juristes et intitule « The new civic virtue of the Internet ». Pour David Johnson et David Post, ce qui distingue fondamentalement le cyberespace d’un espace ordinaire, c’est que les internautes sont totalement mobiles. Ils peuvent instantanement changer de site et ainsi controler le pouvoir des fournisseurs d’information. C’est a travers cette mobilite et non a travers des votes que chacun peut exprimer ses preferences collectives. Dans le monde de la communication en ligne, on ne peut pas controler le pouvoir des operateurs par le principe ‘une personne, une voix’, mais plutot en quittant le systeme. Et on peut penser que la combinaison de processus decentralises resultant d’une part de l’action unilaterale des operateurs pour definir le monde en ligne et d’autre part des decisions aussi unilaterales des usagers d’entrer ou de quitter ces espaces, arrivera a bien repondre aux problemes de l’action collective [13]. On se trouve ainsi dans un modele ou l’opinion des citoyens s’exprime de la meme facon que celle des consommateurs, en abandonnant le produit ou le site internet qui ne convient plus. L’opinion publique ne se construit pas par une serie de debats et d’echanges, mais a tout moment le citoyen-consommateur vote avec ses pieds ou plus exactement avec sa souris. Cette these qui correspondait bien aux utopies initiales d’internet fut fortement contestee [14].

Plusieurs auteurs insisterent sur le fait qu’ainsi on supprimait toute regulation d’internet par l’Etat. En repondant a ses detracteurs, David Post precisa sa position sur la regulation : « Nous n’avons pas besoin d’un plan, mais d’une multitude de plans au sein desquels les individus pourront choisir. C’est vraiment le marche et non l’action collective qui est le plus a meme de nous apporter la plenitude » [15].

A l’heure ou internet est beaucoup plus regule par les Etats, ce debat parait un peu lointain, mais il n’est interessant a citer que dans la mesure ou il permet de montrer qu’il y a bien au demarrage d’internet une reelle ambiguite entre consommateur et citoyen et qu’elle a perdure, comme l’a bien analyse Sunstein. Moyen de communication et democratie La deuxieme menace pour la democratie que Sunstein croit voir dans internet vient du fait que les debats politiques se derouleraient entre des personnes ayant des opinions voisines.

Cette these qui a ete en partie reprise par Azi Lev-On et Bernard Manin [16] a, contrairement a la premiere, suscite de larges discussions. Si personne ne conteste le fait que grace a internet le citoyen a potentiellement acces a une information plus riche qu’auparavant et qu’il peut participer a de nombreux debats, la controverse porte plutot sur la question de savoir si l’internaute ne consulte que des sites ou des forums proches de ses opinions ou si au contraire internet lui offre des occasions de rencontrer des positions differentes.

En d’autres termes, est-ce qu’internet freine ou renforce la democratie deliberative ? Pour Sunstein, la matrice d’une expression publique democratique est la prise de parole dans les parcs, la manifestation sur la voie publique. De cette facon, le citoyen rencontre de facon non intentionnelle d’autres points de vue que le sien, il prend conscience de l’existence d’autres opinions. L’autre element fondateur de la democratie est l’experience partagee, elle fournit une sorte de « colle sociale ».

Les grands medias concentrent l’attention, autour de quelques emissions phares, internet au contraire tendrait a balkaniser le discours politique. Sunstein rencontre ainsi tout un courant de la sociologie de la communication qui s’est particulierement interesse aux « media events ». Ceux-ci se presentent comme des rituels d’action symbolique regis par une dramaturgie ceremonielle. Il s’agit pour la societe de renouveler son allegeance a ses valeurs fondamentales [17]. Internet contrairement aux medias de masse n’est pas un acteur de ces grands rituels collectifs.

A vrai dire, ces rituels sont en train de changer de nature independamment de l’emergence d’internet. En effet, les grands debats politiques televisuels qui rythmaient la vie publique sont de plus en plus remplaces par des emissions d’« infotaintment ». Faut-il considerer que les nombreux talk-shows ou on voit de plus en plus souvent les hommes ou les femmes politiques sont principalement des lieux ou on evite toute question politique ? Faut-il au contraire penser que c’est un lieu ou se revelent les qualites personnelles des candidats, element aujourd’hui essentiel du choix politique ?

Que de toute facon dans une television qui mele de plus en plus la sphere intime et la sphere publique une telle evolution est ineluctable ? [18] Comme toujours quand apparait une nouvelle technique, celle-ci, avant d’eventuellement modifier la societe, va s’inscrire dans des evolutions sociales existantes. Dans un monde ou parole privee et parole publique se melangent de plus en plus, il n’est pas etonnant qu’internet propose a ses utilisateurs d’interconnecter leurs discours. Internet s’inscrit egalement dans un contexte de large diversification des medias, ou le recepteur est face a une offre beaucoup plus etendue qu’auparavant.

Pour pouvoir examiner comment l’internaute reagit face a ce foisonnement d’expressions publiques, il convient d’examiner comment ce champ informationnel est structure. Est-il concentre ou eclate ? Est-il ouvert a de nouveaux acteurs ? Y a-t-il des relations entre les sites ? La concentration de l’information en ligne Internet propose une information riche et abondante, quantitativement tres importante. Ainsi une etude sur le referendum de 2005 sur la constitution europeenne decompte plus de trois cents sites web qui abordent cette question. De meme une recherche americaine de 2003 decompte 1700 sites abordant la question de l’avortement [19].

Il est evidemment difficile de comparer internet aux medias classiques, puisque l’offre n’est pas de meme nature. En effet, contrairement a la presse ou a la television, l’information sur le web reste disponible de facon permanente. Il est suffisant d’indiquer ici qu’internet est devenu aujourd’hui un media majeur. Cette abondance de l’information en ligne se traduit-elle par une grande diversite de la reception de l’information. En fait, il n’en est rien, le citoyen concentre son attention autour de quelques sites qui viennent du monde traditionnel des medias et apportent a priori une information diversifiee et de qualite.

Une enquete americaine realisee sur la campagne presidentielle de 2004 [20] montre qu’environ la moitie (48,5%) des internautes consultent les sites des grands medias (31,5%) ou des portails internet (17%), CNN. com reunissant a lui seul 20% de l’audience. Cette concentration du lectorat en ligne s’est beaucoup accrue puisqu’en 2000 les sites des grands medias et les portails ne reunissaient que le quart de l’audience. Cette concentration croissante du lectorat s’explique en partie par un mecanisme propre a internet, celui des liens hypertextes. En effet, de nombreux internautes sont amenes sur un site grace aux liens.

L’etude americaine deja citee qui a analyse l’usage du web sur six sujets politiques [21] montre que le site principal recueille, selon le sujet, de 7 a 53 % des liens proposes par les autres sites, les dix sites principaux en recueillant de 36 a 83% et les cinquante premiers de 70 a 95%. On a ainsi une distribution statistique appelee loi de puissance ou un tout petit nombre de sites recoit l’essentiel des liens et ou un tres grand nombre en recoit tres peu. Cette etude confirme egalement le role cle des moteurs de recherche dans l’acces a l’information des internautes.

On sait notamment que Google classe les sites proposes lors d’une recherche en fonction du nombre de liens hypertextes recus par ces sites. Les auteurs de cette etude parlent justement de googlearchy pour caracteriser le phenomene qu’ils ont observe. Ils ont d’ailleurs constate dans un autre travail qu’il y avait une forte correlation entre le nombre de liens pointant sur un site et le nombre de visites. En definitive, contrairement a ce que pensaient ses premiers ideologues, internet est comme les autres medias, un espace tres concentre.

Cette situation « ou le gagnant prend tout » a ete repere par un certain nombre d’economistes qui expliquent ainsi le succes d’entreprises high tech comme Amazon ou Facebook. Un espace ouvert Cette concentration des sites web signifie-t-elle qu’internet n’est en rien different des autres medias. Evidemment non. Internet est un espace ou il est plus facile qu’ailleurs de produire de l’information, ou les barrieres a l’entree sont moindres. De nombreuses opinions s’expriment sur internet qui n’ont pas trouve ou difficilement trouve des espaces d’expression dans les medias classiques.

Ce fut le cas lors du referendum sur la constitution europeenne. Alors que les promoteurs du « oui » ont eu acces largement aux medias classiques, les partisans du « non » qui dans l’ensemble n’appartenaient pas aux organisations politiques dominantes, ont largement utilise le web pour presenter leur opinion. D’apres l’etude de Guilhem Fouetillou [22], les deux tiers des sites web qui ont traite du referendum soutenaient le « non ». Dans ce cas, le web est apparu comme le moyen de communication de ceux qui etaient mal representes dans les medias classiques.

Par ailleurs, le web s’est aussi ouvert a des courants d’opinion minoritaires voire marginaux et notamment aux mouvements negationnistes et a differents groupes racistes. On constate dans ces champs, comme presque toujours sur le web, la meme polarisation autour de quelques sites. Au-dela de l’expression politique de groupes constitues (medias, organisations politiques ou ideologiques…), internet donne egalement la possibilite a des individus de prendre la parole a travers des sites d’auto-publication ou blogs.

Contrairement a ce qui a parfois ete dit, les blogs politiques ne constituent qu’une toute petite partie de la blogosphere, au mieux quelques dizaines de milliers parmi les deux millions de blogs actifs en France. Dans la typologie des blogs et de leurs publics etablie par Dominique Cardon et Helene Delaunay-Teterel [23], le blog politique constitue une categorie particuliere qu’on peut caracteriser par le fait que contrairement aux autres blogs (journaux intimes, journaux d’adolescents destines a leur clan), l’enonce est detache de la personne de l’enonciateur, il indique son dentite civile, souhaite echanger des opinions dans l’espace public (il reprend frequemment des messages d’autres blogs sur le sien) et propose de nombreux liens externes vers le web, notamment vers les sites des medias et des partis. Enfin, les blogrolls, c’est-a-dire la liste des liens avec les blogs preferes, est plus longue. On sort d’un type de discours qui n’est jamais separe de l’enonciateur et destine a des groupes restreints pour entrer dans l’espace public. Les commentaires des lecteurs qui apparaissent comme dans tout blog sont plus nombreux et plus longs [24].

Une analyse plus fine des blogs politiques [25] permet de distinguer les auteurs : personnalites politiques nationales ou locales, commentateurs professionnels (journalistes qui le font dans le cadre de leur journal, journalistes independants, conseillers en communication), citoyens ordinaires. L’objectif du blog peut etre de commenter la vie politique, de mettre en valeur une personnalite ou une organisation politique, de mobiliser les citoyens dans le cadre d’une election ou autour d’un probleme de societe.

On trouve dans les blogs politiques une concentration des liens et du lectorat analogue a celle que nous avions observee pour les sites web [26]. Faut-il deduire de ces differents constats que le blog politique est un phenomene relativement marginal auquel participent peu de citoyens et dont le lectorat est tres concentre ? L’influence des blogs dans le debat public national est rarement directe, elle passe le plus souvent par l’intermediaire des grands medias. Une etude americaine [27] montre que les blogs les plus connus sont lus et cites par les journalistes. Ils ont un pouvoir d’interpellation ou meme de mise sur l’agenda.

On connait l’histoire de Dan Rather, ce journaliste vedette de CBS dont les fausses revelations sur le passe militaire de Bush ont ete denoncees par des blogueurs. Ceux-ci sont donc devenus des nouveaux acteurs de l’information. Les blogs quand ils sont realises par des professionnels et notamment par des journalistes proposent un type d’ecriture radicalement nouveau. Pour Donald Matheson, il s’agit d’une « connaissance-processus » et non plus d’une « connaissance-produit » [28]. L’auteur presente ses differentes sources, les commente, propose de nombreux liens hypertextes.

C’est donc un format d’information qui interpelle le lecteur et suscite commentaires et debats. La cartographie de l’espace informationnelle en ligne Les differents travaux evoques ici sur les sites web ou sur les blogs montrent donc que l’espace de l’information en ligne est fortement polarise autour de sites qui sont devenus des references, ils sont les plus lus, les plus cites et les plus commentes. Si pour beaucoup d’entre eux, il s’agit d’acteurs mediatiques ou politiques existants, de nouveaux acteurs sont egalement apparus (le cas des sites « nonistes » du referendum europeen en est la plus belle illustration).

Comme toujours l’innovation a rebattu en partie les cartes. Mais il faut aller plus loin dans cette analyse de la topographie du web. Est-ce que ces sites meme inegaux sont organises de facon eclatee, par famille d’opinions ou, au contraire, permettent-ils une circulation des internautes dans l’espace des opinions ? Nous manquons aujourd’hui d’etudes sur le parcours des internautes dans le domaine politique [29], par contre on peut etudier comment les editeurs incitent a naviguer sur le web, a aller consulter d’autres informations a travers les liens hypertexte qu’ils proposent a leurs lecteurs.

Une recherche realisee sur les blogs americains pendant les elections presidentielles de 2004 [30] sont restes. Une autre specificite vient du fait que les sites du « oui » sont plus tournes vers les sites des institutions et des grands medias [31] qui globalement leur sont favorables que le sites « nonistes » qui doivent pour leur information de reference se lier a des sites internes a leur propre camp. Ces caracteristiques particulieres du debat sur le referendum europeen expliquent donc l’ecart qui existe entre les resultats des etudes francaise et americaine.

En definitive, des etudes sur la concentration des sites web et des blogs et de celles sur l’espace des liens hypertextes, on peut tirer deux premiers resultats qui permettent de repondre a la these de Sunstein. Internet, malgre sa diversite, est polarise autour d’un nombre restreint de sites. Les sites generalistes sont generalement realises par des journalistes, qu’ils soient associes a un media existant, comme CNN. com, ou qu’ils consistent en un assemblage de depeches d’agence de presse, ce qui est souvent le cas des sites d’information des grands portails, soit encore qu’il s’agisse de nouvelles entreprises de presse, comme Rue 89.

Comme les medias generalistes, ils offrent une information relativement diversifiee. Mais internet a aussi permis a une nouvelle presse d’opinion de se developper, car l’investissement initial est beaucoup plus restreint qu’avec les medias traditionnels. Pour ces « web d’opinion » ou ces blogs specialises, on trouve au sein de leurs sous-communautes la meme polarisation sur quelques sites. Dans ce domaine qui est evidemment l’aspect le plus novateur d’internet, la faiblesse des liens de ces sites avec d’autres secteurs de l’opinion peut constituer un vrai risque de balkanisation de l’espace public, de communautarisation de l’opinion.

Mais pour prendre la mesure de ce risque, il nous faut examiner une autre partie d’internet : les debats entre internautes qui se manifestent notamment dans les forums, les chats ou les listes de discussion [32]. C’est par definition le lieu d’une democratie deliberative en ligne. Les debats sur internet Une enquete menee par Jennifer Stromer-Galley aupres des participants a trois groupes de discussion en ligne permet de voir si les interactions se deroulent au sein de communautes homogenes (these de l’homophilie) ou heterogenes. Incontestablement, internet permet de rencontrer des gens qui pensent comme vous.

On retrouve la la these des communautes d’interet qui est au c? ur du developpement d’internet. Cette demande de rencontre de personnes d’opinions proches semble d’autant plus forte que l’individu se trouve ideologiquement isole dans son environnement naturel (off line). On voit ainsi qu’on ne peut pas analyser l’impact d’internet independamment du contexte de la vie reelle. A l’inverse, de nombreux interviewes valorisent la diversite. Ils expriment le plaisir qu’il y a a rencontrer en ligne des gens differents d’eux par leur origine sociale ou geographique, mais aussi des gens qui pensent differemment.

Ces internautes rencontrent ainsi un public devant lequel ils peuvent s’exprimer. Parfois, ces opinions differentes peuvent les inquieter ou les heurter, mais c’est plutot percu comme une occasion de clarifier ses idees, d’affuter ses arguments. De telles occasions existent rarement dans la vie reelle. En effet, les travaux de Wyatt et Katz sur les conversations politiques [33] montrent que celles-ci se deroulent le plus souvent a la maison et au travail et ont lieu pour l’essentiel (80 a 85%) avec des gens avec lesquels on n’a pas de desaccords frequents.

Si on generalise les conclusions de l’etude monographique de Stromer-Galley, on peut considerer qu’internet favorise le debat public. Mais il s’agit d’un debat intentionnel, ces internautes ont decide de venir specifiquement sur ces sites. Alors que la participation au debat public en ligne est souvent moins intentionnelle qu’on ne le croit. Une etude menee aux Etats-Unis sur le site Slashdot, concu pour les passionnes d’informatique, montre que les debats olitiques qui se sont tenus sur ce site pendant les elections presidentielles de 2004 ont eu un succes important. Ces discussions politiques qui representent moins de 5% de l’ensemble ont ete les plus actives. Les commentaires sont plus frequents. En moyenne, il y en a 35% en plus [34]. On a egalement remarque en France, que lors de la derniere election presidentielle, les debats politiques furent egalement importants sur des sites leader non politiques comme doctissimo (site sur la sante) ou hardware (site sur l’informatique).

On trouve la l’equivalent de ces rencontres aleatoires d’orateurs dans les parcs que Sunstein met a l’origine de la democratie deliberative americaine. Mais on peut aussi envisager d’utiliser internet de facon plus volontariste. Au sein de l’Electronic Dialogue Project lance lors des elections presidentielles de 2000, on proposa a un echantillon d’Americains de participer a 60 groupes de discussion politique qui se reunissaient regulierement en direct. Ces debats en ligne ont manifestement accru la participation au vote et l’engagement dans la vie locale [35].

Cela reste malgre tout une experience restreinte qui peut neanmoins servir de modele pour l’organisation de debat public, cette democratie dialogique etudiee par Michel Callon, Pierre Lascoumes et Yannick Barthe [36]. Internet dans ce cas peut permettre de mettre au point des procedures qui peuvent enrichir le debat public et favoriser la participation des citoyens [37]. Internet et l’engagement politique Pour terminer ce panorama de la place d’internet dans le fonctionnement democratique, il convient d’examiner le role que joue le reseau informatique dans l’activite militante.

Dans un contexte ou l’engagement militant est souvent en crise (diminution du nombre de militants, hesitation a s’« encarter »…), internet a ouvert un outil adapte aux nouvelles formes de militantisme aussi bien dans les partis traditionnels que dans les nouvelles organisations militantes. L’experience de Temps reels, la section virtuelle du Parti socialiste est interessante a observer. L’idee de depart etait de tenter de reunir des militants en faisant fi de l’habituel ancrage geographique.

Mais cette section particuliere, et c’est la son aspect le plus novateur, est egalement devenu un lieu de discussion essentielle du PS sur les technologies d’information et de communication, le debat etant organise non seulement entre les adherents de la section (60), mais avec d’autres membres du Parti (70) et avec des « correspondants » (100) [38] qui participent au debat sans adherer. Ainsi dans son domaine particulier de competences, Temps reels a organise une nouvelle forme de debat qui depasse les limites de l’organisation.

Le debat est actif, puisque 60% des membres interviennent. Cette nouvelle forme de participation electronique a ete au c? ur du site de Segolene Royal Desirs d’avenir. Il s’agissait la aussi de faire appel a des expertises ou des temoignages specifiques venant de la base, au-dela du parti. Le resultat est mitige [39]. D’un cote, le lectorat fut faible (125 000 « visiteurs uniques » par mois, soit 10% du lectorat du site de Liberation), de l’autre la production militante fut considerable (en octobre 2006, 45 000 messages avaient ete ecrits).

Mais l’element le plus novateur vient du deplacement de l’activite militante qui abandonne le discours oral, la reunion reelle, pour la redaction de fiches normalisees. La participation militante necessite d’autres competences, elle est cadree par des procedures strictes. Evidemment, ce modele n’est pas la consequence de l’utilisation du media internet. Il suffit pour s’en convaincre de comparer Desirs d’avenir au site de campagne de Francois Bayrou. Dans ce cas, la participation des militants est toute differente. Il ne s’agit plus d’argumenter, de deliberer mais d’exprimer ses sentiments, ses emotions de campagne.

Les internautes qui interagissent sont plutot des neo-militants qui ont besoin de se conforter et souhaitent partager l’experience commune [40]. Si les grandes organisations politiques commencent donc a se saisir d’internet, l’outil a ete utilise en premier lieu par les nouvelles formes de militantisme qui sont faiblement dotees en ressources organisationnelles. Dans ce cas, internet n’accompagne pas la vie militante, mais il en devient un des instruments cles. Attac est un bel exemple de cette situation. A l’origine, internet avait ete concu comme un moyen de mutualiser de l’information entre les militants.

Mais tres vite, il devient un outil qui permet de lancer des debats transversaux dans l’organisation independamment des instances dirigeantes. Ces debats qui, comme le plus generalement sur internet, n’ont comme membres actifs qu’une petite minorite, acquierent soudain une forte visibilite, puisqu’a defaut d’avoir beaucoup de membres actifs il y a beaucoup de messages. Cette « puissance du nombre » evoquee par Gabriel Tarde dans L’opinion et la foule permet de creer de nouveaux rapports de force dans l’association [41]. Les animateurs de certaines de ces discussions obtiennent ainsi un nouveau pouvoir d’interpellation.

Ils peuvent faire inscrire a l’agenda de l’association certains points qui leur tiennent a c? ur. Internet est donc incontestablement un outil qui a permis a la base des militants d’Attac de s’exprimer. Il permet de reduire la distance entre les dirigeants et la base. Il y a neanmoins un risque, c’est que les personnes les plus actives sur le reseau se proclament representants de la base, alors qu’ils n’ont pas ete elus et qu’une partie de leur legitimite vient de leur capacite a etre actifs voire omnipresents dans ce nouvel espace.

Dans une organisation qui a eu a gerer de nombreux conflits internes, on voit bien que les rapports entre internet et la democratie sont tres ambivalents. Mais plus on s’eloigne d’une action militante solidement organisee a travers des organisations perennes, plus il y a une proximite entre la forme reticulaire d’internet et celle de certaines nouvelles formes d’action politique. Fabien Granjon parle ainsi d’« affinite structurelle » entre internet et le « mouvement anti-mondialisation » [42].

Ce mouvement qui s’organise a travers les temps forts reguliers des forums sociaux mondiaux est un reseau transnational de militants. Il convient de faire circuler l’information, de la synthetiser, parfois de la traduire, de la capitaliser a travers un reseau qui n’a pas de centre. On est donc assez eloigne du modele de Desirs d’avenir ou internet est un moyen de recentralisation, de celui d’Attac (en depit de la proximite ideologique) ou il y a constamment tension entre l’elaboration des positions par les votes et l’appareil, d’une part, et par internet, d’autre part.

Il y a dans le neo-militantisme altermondialiste des forums sociaux un projet politique qui converge avec le modele d’internet, il s’invente la une tentative nouvelle de democratie reticulaire qui est bien en phase avec le militantisme de la societe civile. Pierre Rosanvallon note de son cote qu’une des principales caracteristiques des nouveaux mouvements sociaux est d’assurer ces activites de vigilance, de denonciation et de notation qui sont a la base de la « contre-democratie ».

Il remarque egalement quelques pages plus loin qu’internet est particulierement adapte a ce type d’actions [43]. Ainsi le lien qui apparait entre les nouveaux mouvements sociaux et internet n’est pas seulement qu’ils fonctionnent tous les deux en reseau, mais qu’ils occupent des fonctions voisines. La democratie reticulaire est en somme une contre-democratie. Malgre sa nouveaute reelle, internet reproduit certaines caracteristiques des medias precedents. L’audience est fortement concentree sur quelques sites de reference.

Ceux-ci constituent donc ce terreau d’informations communes necessaires a notre fonctionnement social. Internet est un reseau, une toile ou les differentes informations sont reliees les unes aux autres. Cette geographie des liens hypertextes est moins ouverte qu’on ne pouvait le penser. Il y a donc un risque que le web ressemble plus a un archipel qu’a une toile unique. Mais cet eclatement des sources d’information se retrouve egalement dans d’autres medias. En definitive, internet n’a pas en lui-meme d’effet negatif sur la deliberation democratique.

Il s’est en partie moule sur les caracteristiques de notre societe, mais il offre aussi de reelles opportunites pour de nouvelles formes democratiques, multiples et reticulaires, ou le citoyen ne se contente pas d’elire ses representants, mais ou il peut debattre, surveiller et evaluer leurs actions. 1) Les deux ecoles de pensee En fait, il semble exister deux ecoles de pensee en ce qui concerne la democratie electronique. Ce concept de democratie electronique s’appuie sur la conviction que l’Etat comme structure souveraine et representative peut etre regeneree par la technologie. Les deux ecoles sont : l’ecole plebiscitariste qui prefere etendre la democratie et faciliter la prise de decision par le reseau : en effet, s’il est suffisamment etendu, la somme des opinions individuelles s’exprimant a travers lui permet l’expression rapide de la volonte commune. – les modeles deliberatifs (Benjamin Barber, Strong Democracy: Participatory Politics for a New Age. Berkeley: University of California Press, 1984. ), qui concoivent les NTIC comme le moyen de renforcer la democratie et la participation des citoyens. Ils soulignent la deliberation plutot que le vote direct, et ancrent la participation aux debats nationaux par des assemblees locales.

L’experience americaine semble suivre cette direction : de nombreuses associations construisent des reseaux de citoyens qui reintegrent les individus au sein de la vie politique nationale. Reseau informatique mondial constitue d’un ensemble de reseaux nationaux, regionaux et prives qui sont relies par le protocole de communication TCP/IP et qui cooperent dans le but d’offrir une interface unique a leurs utilisateurs. L’ambition d’Internet s’exprime en une phrase : relier entre eux tous les ordinateurs du monde.

A l’image du telephone qui permet de converser avec toute personne dont on connait le numero, Internet est un systeme mondial d’echange de documents electroniques : textes, fichiers, images, sons et sequences audiovisuelles. C’est l’alliance de l’informatique et des telecommunications : la telematique au veritable sens du terme. Les utilisateurs d’Internet sont designes par le terme d’internautes, synonyme de cybernaute, de surfer ou de net surfer. Quant aux informations du reseau, elles sont accessibles a partir de « lieux » que l’on appelle les sites Internet.