Commentaire page de presentation de lambeaux de charles juliet

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Commentaire sur le prologue de Lambeaux, Charles Juliet La description du decor et du monde exterieur permet au narrateur de mettre en mots ou plutot en images la douleur que souffre cette femme. « Dehors, la neige et la brume. » (l. 6), cette phrase nominale donne le sentiment d’un monde exterieur froid, qui n’est pas accueillant, ce qui est accentue dans la phrase suivante : « Le cauchemar des hivers. » (l. 6-7). De plus, dans un paysage, la neige recouvre tout et deforme, et la brume empeche de distinguer clairement les choses. Il y a donc l’impression de decalage entre la femme et son entourage.

On distingue aussi une notion d’eternite : « nuit interminable » (l. 7), « secondes indefiniment distendues » (l. 10-11), qui renforce l’aspect monotone de cet environnement glace. Cette folie ou depression oppresse cette femme, jusqu’a representer un danger mortel pour elle : « cette plainte, ce cri rauque (… ) a fini par t’etouffer » (l. 22-25). Elle est comme attachee, mise en prison et cherche a se defaire de cette emprise : « laisser tomber les chaines » (l. 20-21). On sent cette volonte de se liberer notamment dans la repetition du mot

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« partir » (l. 20) et a la ligne 8 : « tu songes un depart ». C’est donc l’histoire d’une femme en souffrance, qui lutte en vain contre sa depression, ce qui la poussera a la suite a la tentative de suicide. Cette femme que nous presente le narrateur est la mere biologique de l’auteur. Dans ce prologue Charles Juliet, qui est a la fois l’auteur et le narrateur, nous introduit a son recit autobiographique Lambeaux. Ce premier texte temoigne en effet d’une implication marquee de l’auteur. Tout d’abord par l’utilisation constante du « tu » qui laisse supposer une certaine connaissance de la personne decrite.

Mais le « je » de l’auteur se manifeste aussi plus directement, par exemple lorsqu’il dit : « je voudrais revivre avec toi ces instants » (l. 28-29), qui montre explicitement son attachement a cette mere qu’il n’a pourtant pas connue. De la meme facon parler de « ton malheur et le mien » permet a l’auteur de tisser un lien etroit et indechirable entre sa mere et lui. A travers ces differents regards on distingue differents enjeux de ce recit autobiographique. Tout d’abord il y a l’objectif de faire revivre une mere que l’auteur n’a pas connue : « Te ressusciter. Te recreer. Te dire. » (l. 40). L’utilisation du present peut tre interprete comme un moyen de la faire revenir de l’au-dela. Dans ce recit il s’agit aussi de rehabiliter cette femme depressive et de la rendre sensible et « attentive » (l. 18) a ce qui l’entoure, un bon exemple est la phrase : « (…), il est certain que l’immense et l’amour ont deferle sur tes terres. » (l. 34-35). La mere que Juliet veut « recreer » est donc une femme courageuse, qui se bat sans relache contre sa maladie : « tu lachais les amarres, te livrais eperdument a la flamme, ou tu laissais s’epanouir ce qui te poussais a t’aventurer toujours plus loin, te maintenait les yeux ouverts face a l’inconnu » (l. 9-33). Elle ne reprime plus sa souffrance, mais au contraire l’epouse « les yeux ouverts » afin de mieux l’affronter et en faire quelque chose de positif. Le manque de soins adaptes et d’attention a condamne la mere de Charles Juliet. Denoncer cette l’injustice et l’incomprehension dont elle a ete victime est donc une facon de temoigner d’un sort tragique malheureusement pas unique en ces temps de guerre et d’occupation. Un dernier aspect est l’enjeu litteraire de ce texte, qui est resolument poetique. En effet, la reference a l’hiver, la nuit et le printemps peut etre interprete u premier degre ou au contraire etre envisage comme une approche plus symbolique des phases plus ou moins noires de l’etat de la mere. Les differents elements de son histoire sont abordes par des images, par exemple lorsqu’il compare le mal-etre a des chaines (l. 21), ce qui donne au lecteur un apercu moins cru du desarroi emotionnel de cette femme. Les differents elements tels que l’implication de l’auteur dans le recit, notamment dans le regard qu’il porte sur les elements qu’il conte, mais aussi l’idee de recreer une epoque, une personne et une histoire sont caracteristiques du genre de l’autobiographie.

On pourrait se poser la question en quoi se reapproprier l’histoire tragique de sa mere biologique appartient a l’autobiographie et non pas a la biographie. Mais la deuxieme partie du livre Lambeaux, qui est veritablement l’autobiographie de l’auteur, met en evidence tout ce que l’auteur a, plus ou moins inconsciemment, herite de cette mere depressive qu’il n’a pas reellement connue. On comprend alors l’importance et le sens qu’il y a a retracer la vie de cette femme. Le prologue revele le lien etroit entre l’histoire de la mere et les enjeux que va defendre son fils dans ce recit.