Commentaire compose acte 5 scene 5 et 6, Dom Juan Moliere est un des representants du classicisme du XVII eme siecle. Il commence a connaitre un grand succes avec Les Precieuses ridicules en 1659 et L’Ecole des Femmes, en 1662 ; mais des ce moment il se heurte au clan devot, mene par de grands personnages de la cour tel la Reine-mere, Marie de Medicis, qui l’accusent d’irrespect a l’egard du mariage, donc de la religion.
Se croyant fort de la protection du Roi Louis XIV, Moliere contre-attaque par une comedie feroce contre l’hypocrisie, en 1664 Le Tartuffe ; les devots l’accusent alors d’atheisme, une accusation tres grave pouvant mettre sa vie en danger, et fait interdire Le Tartuffe. Moliere ecrit alors, a partir d’aout 1664, Dom Juan, destine a remplacer Le Tartuffe a l’affiche. Cet auteur a voulu creer un grand seigneur libertin athee, Don Juan qui defie le Ciel et prend le masque de l’hypocrisie des votes.
Dom Juan a un grand succes mais apres quinze illustrations, les representations s’arretent subitement suite a des pressions. Le theme est donc la religion comme il en est question dans le passage etudie, qui est la fin de la piece : l’acte V scene 5 et
Avant tout, un spectre fait son apparition au debut de la scene 5 de l’acte V. Un spectre est un etre humain mort dont on a l’image du corps. Il arrive et se presente a Don Juan en disant ces paroles « Don Juan n’a plus q’un moment a pouvoir profiter de la misericorde du Ciel ; et s’il ne se repent pas ici, sa perte est resolue. » Cette personne est mandatee par le Ciel car il y a une presence du champ lexical de la religion « misericorde » « repent » « perte » et cette pression a le but d’une repentance immediate avec la presence du complement d’objet direct « n’a plus q’un moment ».
Cependant Don Juan croit reconnaitre la voix, il a deja rencontre cette voix au paravent don c’est un signe que represente le passe. C’est le rappel d’une femme bafouee, deshonoree « Qui ose tenir ces paroles ? Je crois connaitre cette voix ». Cette derniere s’adresse a Don Juan a la troisieme personne d’ou l’effet d’un aspect solennel, l’etrangete surnaturelle. Meme si le spectre fait une remontrance a Don Juan, ce dernier peut encore se repentir en vertu de la « misericorde du Ciel », generosite entrainant le pardon, l’indulgence pour le coupable qui est Don Juan.
En fin de compte, ce premier avertissement de Dieu est charge de toucher la conscience de l’aristocrate pour son mode de vie libertin. Cependant ave l’entetement de Don Juan « Spectre, fantome, ou diable, je veux voir ce que c’est. », l’ectoplasme change subitement de figure et represente le Temps avec sa faux a la main. Cette image est de plus en plus precise sur le futur de Don juan s‘il ne change pas sa vision de la vie. Le spectre revele une allegorie du temps qui passe et qui conduit a la mort avec la representation du Temps avec sa faux a la main.
Plus Don Juan attend pour se repentir, plus la mort avec la faux se rapproche ineluctablement. Cette allegorie peint une notion morale par une image ou les elements reproduits correspondent trait pour trait aux elements de l’idee representee. De plus, ce fantome reste tres peu de temps « Le spectre s’envole dans le temps avant que Don Juan le veut frapper » et s’envole dans le temps. Cette apparition fugitive represente des notions abstraites avec aucun mot prononce lors de sa transformation du Temps avec sa faux a la main.
Don Juan reste sans relache fidele a sa vison car le spectre est impalpable et changeante, il ne veut toujours pas se repentir « Non, non, rien n’est capable de m’imprimer de la terreur, et je veux eprouver avec mon epee si c’est un corps ou un esprit ». Enfin, dans la scene 6, le dernier avertissement de Dieu fait son entree avec la statue du Commandeur. Il est semblable au spectre, il est charge d’arreter Don Juan dans ses mauvaises decisions. Les deux personnages sont de volontes contraires, la statue donne des ordres au seducteur avec l’emploi de l’imperatif « Donnez-moi la main. qui soulignent l’affrontement entre le Ciel et ce bourreau des c? urs. Contrairement a l’ectoplasme, le Commandeur n’a rien d’immateriel, sa consistance de pierre contraste avec la vulnerabilite de l’etre de chair. La statue caracterise l’insensibilite de Don Juan par ces paroles « Don Juan, l’endurcissement au peche traine une mort funeste, et les graces du Ciel que l’on renvoie ouvrent un chemin a sa foudre. ». La « grace » evoque par la statue rappelle la « misericorde » cite par le spectre que Don Juan a jusqu’ au bout rejete.
Cependant le Commandeur ne delivre pas un ultime avertissement mais prononce directement le jugement de Dieu avec ses peches qui va lui entrainer la mort. Le chatiment est execute par le geste de Don Juan qui lui offre sa main, c’est le contrat que Don Juan a repousse pendant toute la piece et qui, litteralement, va l’entrainer. La derniere replique de la statue citee au-dessus, est l’ordre ceremonieux avec le present de verite general. Malgre toutes les recommandations du Ciel, Don Juan reste obstine. Don Juan en contrariant le Ciel, le defie.
Il reste fidele a lui-meme depuis le debut de la piece. Par rapport aux avertissements du spectre, il met en avant son rationalisme avec tout d’abord son obstination pour voir le spectre et non l’entendre « je veux voir ce que c‘est ». Cette phrase rappelle la croyance de Don Juan qui croit que ce qu’il voit comme a l’acte III, scene 1 « Je crois que deux et deux sont quatre ». En effet, lors de l’apparition du Temps, il essaye d’engager un combat physique avec le spectre pour caracterise une foi de plus son atheisme.
Il cherche des preuves concretes mais est trompe par le surnaturel avec sa defaite contre le Temps qu’il ne veut pas admettre « Non, non il ne sera pas dit, quoi qu’il arrive, que je sois capable de me repentir. » De plus, il est determine a ne pas ceder car il ne reagit pas sur le contenu des paroles du spectre mais surtout sur le fait que quelqu’un ose lui adresser la parole « Qui ose tenir ces paroles ? » Le debut de cette phrase demontre l’orgueil de Don Juan qui est dans l’affrontement et le defi, il se refuse de se soumettre a la moindre autorite.
Il emploie le champ lexical de la volonte inflexible, sourd a tout appel a repentance « vouloir » « non » « capable », les negations appuyees « non, non » et des imperatifs. Malgre l’apparition du spectre puis du Temps, Don Juan refuse de se rendre a l’evidence et continu de repousser les avertissements du Ciel car il ne supporterait pas de donner une image negative de lui d’ou une fierte, un orgueil irreductible. Il y a d’importante negation « Non, non il ne sera pas dit », Don Juan a conscience du mal mais cette phrase prononcee approfondit son endurcissement.
Donc, il commence deja a envisager et accepter les consequences de ces actes avec la phrase « Non, non, il ne sera pas dit, quoi qu’il arrive, que je sois capable de me repentir. », il refuse de se repentir pour braver l’au-dela. De plus, Don Juan ne se soumet toujours pas a la religion avec l’arrivee de la statue du Commandeur. Plus rien ne semble pouvoir arreter Don Juan, bien decide a aller jusqu’au bout « Oui. Ou faut-il aller ? ». Il n’a point peur car il fait un geste d’engagement en donnant sa main a la state sans hesitation « La voila ».
Cette force lui maintient sa grandeur, sa fierte ; Don Juan reste fidele a ses convictions meme quitte a se perdre. Devant le jugement du Commandeur, il garde sa vision atheiste et libertine. Avec l’apparition de ces differents avertissements places sur le chemin de Don Juan et surtout par le refus de ce dernier de se repentir, cette derniere scene pourrait s’averer tragique mais Moliere en a decide autrement et melange donc habilement deux registres opposes. Moliere par le biais de Sganarelle, insere le registre comique, contrepoint a la grandeur de Don Juan.
La noblesse de ce dernier est ressortie par le comique de Sganarelle avec un nombre considerable d’antitheses avec d’un cote le valet poltron et de l’autre l’aristocrate « grand seigneur ». Ce dernier est de nature courageux, il est pret a affronter son destin alors que le domestique est peureux. En effet, il est superstitieux, materiel et d’une bassesse a toute epreuve. Don Juan reste libre penseur, son rationalisme est d’autant plus important que Sganarelle avec sa peur veut lui inculquer sa vision de la religion. Il est spirituel, il cherche le defi avec Dieu.
A travers la crainte de Sganarelle, la hauteur et l’audace de Don Juan est mise en evidence. Lors de l’arrivee de la statue du Commandeur, le registre bascule vers le registre tragique meme si la noirceur de la fin de la piece est temperee. Il y a egalement le registre fantastique avec la presence du surnaturel tres inquietant, quand Don Juan disparait dans le centre de la Terre. Cependant, il reste des traces de farces car Sganarelle est fidele a lui-meme avec sa peur, ses superstitions envers les avertissements du Ciel « Entendez-vous, Monsieur ? . Neanmoins, le valet est constamment en second plan, il n’est pas integre au c? ur de la scene. Apres une breve apparition du tragique, le registre comique revient a la fin de la scene qui se termine par une tirade de Sganarelle. Moliere ne termine pas son ? uvre sur la mort de Don Juan telle quelle, il attenue le tragique. Le verdict de Sganarelle est comme celui du Commandeur, sentencieux. Il le redouble neanmoins par l’enumeration des fautes de Don Juan et peut apparaitre comme une victime exclusive.
Il se donne sottement de l’importance avec la farce du refrain materialiste comique « Mes gages, mes gages ». Meme si le comique est present jusqu’au bout de la scene, il y a une irruption brutale du tragique constate par des elements propre a ce registre. La donnee la plus visible est la mort du heros par le chatiment du Ciel a travers la statue « Don Juan, l’endurcissement au peche traine une mort funeste, et les graces du Ciel que l’on renvoie ouvrent un chemin a sa foudre ». Pour cela, Moliere emploie les techniques theatrales du « deus ex machina ». Cette locution latine signifie dieu sort de la machine », c’est-a-dire l’auteur designe au sens propre la simple representation sur scene d’une divinite. L’evenement inattendu et improbable qui vient regler les problemes du protagoniste a la derniere minute par la statue du Commandeur. De plus, il y a le compte a rebours donne par Dieu jusqu’au moment fatidique avec de breves repliques qui creees des tensions dramatiques. L’homme est face au divin avec des forces superieures au naturel « O Ciel ! que sens-je ? un feu invisible me brule, je n’en puis plus, et tout mon corps devient un braisier ardent. Ah ! ».
Dom Juan est une tragedie car elle s’acheve mal pour le heros et le lecteur n’a nulle pitie envers le heros tragique, sans compter que la fin peut s’entendre comme des eclats de rie grincant avec la tirade de Sganarelle. La fin de la scene est donc tragique meme si le comique est present par l’intermediaire de Sganarelle. Cette ? uvre est ainsi finie par un deroulement chronologique, aucune etape n’est negligee. Moliere a envisage la derniere scene avec le deroulement des enchainements par sequence avec tout d’abord les avertissements places sur la route de Don Juan par le Ciel.
Cependant le libertin reste fidele a lui-meme, il defie encore Dieu avec un rationalisme et une determination a toute epreuve. Enfin, la sentence du Ciel tombe avec l’apparition du tragique a cause de la mort de Don Juan mais une partie du comique reste present au travers du valet Sganarelle. Don Juan finit comme il a toujours vecu, dans l’eclat d’un moment. Les derniers moments donnent une dimension mythique avec la rencontre ou le heros est en face de la mort, de l’au-dela, l’histoire acquiert une porte plus profonde, symbolique.
Cette piece met la question du heros en jeu, elle depasse la dimension philosophique. Cette scene est une comedie de m? urs avec l’inconstance et le libertinage qui consiste a mettre en scene un travers de la societe ; ici l’atheisme comme dans Le Tartuffe. Cette derniere entraine les foudres de la censure. En effet dans Le Tartuffe, Moliere s’attaque aux devots et a l’hypocrisie de certains religieux: le parti des devots fait interdire la piece. Dom Juan est donc cree dans un contexte particulier.
La fin de Dom Juan peut donc apparaitre comme l’elimination du marginal, sa mort representant des lors le retablissement de l’ordre divin et monarchique tel qu’il y a dans l’arrestation de Le Tartuffe. La transformation du personnage en vrai libertin qui defend des theses impies n’est pas sans faire penser a celui de Le Tartuffe, notamment par l’ambiguite du personnage de Sganarelle, bouffon defendant la religion mais se lamentant sur la perte de ses gages. Donc, Est-ce que Dom Juan est le reflet, l’image de Le Tartuffe ?