Commentaire compose candide, eldorado

Commentaire compose candide, eldorado

PROPOSITION DE CORRIGE du COMMENTAIRE COMPOSE Extrait n°5. Chapitre 18 : « Ce qu’ils virent dans le pays d’Eldorado » (l. 81 a 114) Voltaire n’a jamais reconnu la paternite litteraire de Candide ou l’optimisme, publie en 1759. C’est pourtant, notamment, par ce conte philosophique atypique et rocambolesque que les idees de cette grande figure des Lumieres nous sont les mieux parvenues. L’extrait propose nous decrit la visite de Candide et de son valet Cacambo du pays d’Eldorado.

L’auteur y presente sa version d’un des mythes les plus celebres du Nouveau Monde et marque une etape importante du voyage initiatique du heros eponyme du roman, ainsi qu’une pause dans le recit de ses trepidantes aventures. Apres le bannissement du « paradis » qu’etait pour lui le chateau du Baron, l’experience de la guerre dans l’armee bulgare (chap. 1 et 2), les tremblements de terre et l’auto-da-fe de Lisbonne (chap. 5 et 6), Candide retrouve enfin Cunegonde et tue pour elle (chap. 8 et 9).

Ils embarquent alors tous deux, accompagnes de « la vieille » qui les a reccueillis pour l’Amerique et arrivent en Argentine. Une fois de plus Candide doit se separer de l’elue de son c? ur pour fuir l’Inquisition qui le recherche (chap. 13 a 15). Accompagne de

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son valet Cacambo, il passe par le Paraguay, ou il retrouve et tue le frere de Cunegonde, avant d’arriver au pays mythique d’Eldorado. Un sage leur en apprend l’origine Inca et le total isolement, secret de sa felicite. Ils sont ensuite recus par le Roi et effectuent une visite de la ville, objet de l’extrait propose.

Au travers d’une description fantaisiste de la cite perdue, Voltaire relativise le mythe de l’Utopie et nous trace les grands traits de l’ideal socio-politique des Lumieres en approfondissant sa critique de la monarchie absolue. Le passage est marque par de nombreux procedes d’exageration. Hyperboles (« deux files de chacune mille musiciens » (l. 85, 86), « les edifices publics eleves jusqu’aux nues, les marches ornes de mille colonnes » (l. 95, 96)), redondances (« les grands officiers et les grandes officieres » l. 3, 84, le nombre « mille » revient a trois reprises, l. 85, 96, 105) et formules superlatives (« jamais on ne fit meilleure chere, jamais on n’eut plus d’esprit » l. 109, 110) nous peignent un tableau aussi flatteur que fantaisiste. De meme la rencontre avec le Roi se fait sur un mode plaisant et peu credible : « Candide et Cacambo sauterent au cou de Sa Majeste » (l. 92, 93). Cette amplification a pour but d’inscrire Eldorado dans le mythe de l’Utopie tout en devalorisant celui-ci par son caractere exagere, marque par la surenchere jusqu’au cliche.

Voltaire fait la une reference directe a L’Utopie de Thomas More, publie en 1516, dont il semble se demarquer, ne croyant pas a la possibilite d’un monde parfait et rejetant par la-meme toute forme d’idealisme. Le ton general de ce passage est donc volontairement exageratif et comique, Voltaire jouant sur la naivete de Candide et son empressement enfantin pour rendre le lecteur complice de son humour. Il empeche ainsi ce dernier d’adherer a cette feerie de conte oriental en la privant de sens par la surenchere qu’il pratique.

Cette description, faussement idyllique, contient une critique vis-a-vis de la societe du XVIIIeme siecle ainsi que certains elements de l’ideal politique des Lumieres. Voltaire procede en effet a une mise en evidence des imperfections de la societe d’ancien regime via sa description de la monarchie liberale et eclairee d’Eldorado. Par la bouche de Cacambo qui demande comment saluer le Roi (« si on se jetait a genoux ou ventre a terre (…) si on lechait la poussiere de la salle » (l. 88-90)), il stigmatise les protocoles de la monarchie absolue et la tyrannie qui en decoule.

Il en denonce par ailleurs certaines insuffisances ; en nous decrivant les attraits d’Eldorado, il critique indirectement les m? urs de son temps. Ainsi, l’egalite entre les sexes (« grands officiers et grandes officieres » (l. 83, 84)), ou le climat de fraicheur et de proprete (« les fontaines d’eau pure » (l. 96, 97)) se font par opposition au sexisme et a l’anarchisme de l’urbanisme parisien de l’epoque. Il en va de meme concernant le pouvoir judiciaire d’Eldorado ou palais de justice et prisons n’existent pas (l. 101 a 103).

On peut supposer que Voltaire denonce ainsi l’arbitraire de la justice royale dont il fut, lui-meme, victime. Enfin, l’interet que porte Eldorado aux sciences (« une galerie de deux mille pas, toute pleine d’instruments de mathematique et de physique » (l. 105, 106)) a pour but de reaffirmer l’attachement de l’auteur, comme de tous les encyclopedistes, au developpement de la culture et de l’esprit scientifique. Tous ces elements contrastent avec l’etat de la monarchie francaise d’alors et revelent au lecteur de l’epoque les nouvelles valeurs que vehiculait l’ideal des Lumieres.

Voltaire, en s’attardant sur cette etape du voyage de son heros, revele son importance ; situee au milieu du recit, elle offre a Candide un nouveau point de vue sur le monde. Deuxieme lieu emblematique du roman, Eldorado est une sorte « d’anti-Thunder-ten-tronckh », le propulsant dans une seconde phase de son education qui correspondra a son retour en Europe. Satire constructive de la societe de l’epoque, Eldorado ne propose pas d’ideal absolu mais jette plutot les bases d’un modele politique et social axe sur la culture et le progres, valeurs centrales du combat des Lumieres.