Causalite: Cass. , 1ere civ. , 8 novembre 2007. Si l’indemnisation de la victime d’un dommage semble etre devenu l’interet primordial des juges, il n’en demeure pas moins des exceptions ou le juge n’utilise plus la theorie de l’equivalence des conditions tres favorables aux victimes mais fait une application restrictive de la theorie de la causalite adequate, privant ainsi la victime de toute indemnisation. C’est le cas dans cet arret de la premiere Chambre civile de la Cour de cassation du 8 novembre 2007, dans lequel il semble que des arguments de politique juridique ont motive la solution.
L’epouse et mere des consorts apprend qu’elle est atteinte d’un cancer bronchitique inoperable et decede l’annee suivante de cette maladie, malgre avoir suivi un traitement associant une chimiotherapie et une radiotherapie. Les consorts de la defunte imputent sa maladie et son deces a sa consommation de cigarettes depuis son plus jeune age et assignent donc le fabricant des cigarettes que la defunte consommait, en reparation du dommage subi qui est la perte d’un etre proche. Les consorts assignent la societe productrice des cigarettes consommees par la defunte en responsabilite et indemnisation de leur prejudice.
Ayant ete deboute, ils interjettent appel. La Cour d’appel ayant rendu
La Cour constate que lorsque la defunte avait commence a consommer ces cigarettes, elle le faisant en modeste quantite et a presume que le non-respect par la societe productrice de cigarettes des exigences legales en matiere d’avertissement sanitaire n’avait eu aucune incidence sur la consommation de tabac de celle-ci qui avait ete necessairement informee par ses parents dans son adolescence, puis par le corps medical lors de ses grossesses des mefaits du tabac.
La Cour a considere que les cigarettes vendues par la societe ne pouvaient etre regardee comme defectueuses faute de presenter un vice ou un defaut de fabrication et en s’abstenant ainsi de rechercher si la societe. Le juges peut donc se demander si la responsabilite du producteur de tabac est engagee pour les dommages causees a la sante des fumeurs ? La Cour de cassation confirme la solution d’appel. La fumeuse etait adolescente au moment ou elle a commence a fumer, cette periode se situe peu avant l’entree en vigueur de la loi de 1976, epoque durant laquelle l etait largement fait etat par les medias, des risques de maladie cardio-vasculaires et de cancers engendres par la consommation de tabac. Le defaut d’information de la societe productrice de cigarettes ne constitue pas une faute puisque la fumeuse avait necessairement du etre informee par ses parents et, de meme, lors du suivi medical de ses grossesses, des risques resultants, tant pour elle meme que pour l’enfant a naitre, d’une consommation excessive de cigarettes.
La Cour de cassation confirme la decision de la Cour d’appel qui a pu deduire de ces constations l’absence de relation de causalite entre la faute imputee a la societe et le deces de la mere de famille, laquelle ne pouvait legitimement s’attendre c a securite d’un tel produit. Il n’existe donc pas de lien de causalite entre la faute imputee a la societe et le deces de la personne ayant fume.
Par cette decision, le juge de cassation ne sanctionne pas le manquement a l’obligation d’information (I) de la societe productrice de tabac a l’egard de ses consommateurs. C’est la consecration de la theorie restrictive de la causalite adequate (II). I Un manquement a l’obligation d’information non sanctionne. Le manquement a l’obligation d’information (I) n’est sanctionne ni par la Cour d’appel ni par la Cour de cassation qui confirme la decision d’appel. Il resulte de la responsabilite xclusive de la fumeuse dans la survenance de son dommage (II), le cancer puis la mort. A. Le manquement a l’obligation d’information. En l’espece, la societe productrice de cigarettes n’a pas respecte l’obligation d’information pour la periode anterieure a la loi Veil du 9 juillet 1976 alors que tout fabriquant d’un produit susceptible d’avoir des effets nocifs sur la sante, fut-il soumis a une tutelle etatique, est tenu d’informer les consommateurs de ce danger.
La Cour d’appel ne sanctionne pas ce comportement illegal et retient que le conseil d’administration de la societe productrice de cigarettes n’avait pas de pouvoir en matiere de gestion du monopole etatique de la commercialisation t de la vente des tabacs et que ses autorites de tutelle etatique divergeaient sur la necessite d’informer la population des mefaits du tabac. Bien que l’avertissement sanitaire impose par les lois du 9 juillet 1976 et 19 juillet 1991 avait pour objet d’informer les fumeurs des mefaits du tabac et de dissuader de fumer, le fabricant de cigarettes ne peut se decharger sur autrui de cette obligation d’information.
La Cour de cassation souleve l’illegalite du moyen selon lequel la fumeuse etait jeune et fumait de modestes quantites lorsqu’elle a commence a fumer et que le non-respect par la societe des exigences legales en matiere d’avertissement sanitaire n’avait eu aucune incidence sur la consommation de tabac de celle-ci. Mais, la Cour de derniere instance confirme tout de meme la solution de la Cour d’appel et ne sanctionne pas le defaut d’information de la societe.
Ainsi, selon la Cour, la victime, lorsqu’elle a commence a fumer, avait ete necessairement informee puisqu’il etait deja largement fait etat par les medias, des risques de maladie cardio-vasculaires et de cancers engendres par la consommation de tabac et qu’a defaut d’avoir ete informee par ses moyens, elle l’avait ete necessairement par ses parents et lors du suivi medical de ses grossesses, des risques resultants, tant pour elle meme que pour l’enfant a naitre, d’une consommation excessive de cigarettes.
La Cour de cassation reconnait donc la faute de la societe qui est le defaut d’information sur la dangerosite et les effets nocifs que peuvent provoquer les cigarettes qu’elle produit mais ne reconnait pas le lien de causalite entre la faute et le dommage, c’est a dire entre le defaut d’information et la maladie contractee par la consommatrice des produits de la societe. La Cour souleve donc la responsabilite exclusive de la victime responsabilite, qui aurait du se tenir informee (B) du fait que sa consommation de cigarettes pourrait lui causer un dommage. B.
La responsabilite exclusive du fumeur dans la survenance de son dommage. En l’espece, la Cour considere que la fumeuse ne pouvait legitimement s’attendre a la securite d’un tel produit, que lorsqu’elle a commence a fumer, il etait largement fait etat par les medias, des risques de maladies cardio-vasculaires et de cancers engendres par la consommation de tabac et qu’a defaut d’avoir ete informee par ces moyens, elle avait du l’etre necessairement par ses parents et lors du suivi medical de ses grossesses, des risques resultants, tant pour elle meme que pour l’enfant a naitre, d’une consommation excessive de cigarettes.
La victime est donc responsable des mefaits de sa consommation de cigarettes puisqu’elle est reputee avoir ete informee des risques encourus. Cette decision ou la responsabilite exclusive de la fumeuse est engagee dans la survenance de son dommage marque une confusion entre les conditions d’engagement et les conditions d’exoneration de la responsabilite civile puisque dans le droit commun de la responsabilite civile, seule la force majeure pourrait exonerer totalement la societe productrice de tabac.
La societe productrice de tabac pouvait prevoir le dommage puisque la contraction du cancer suite a une consommation de cigarettes n’est pas imprevisible, bien au contraire. Pour la Cour de cassation, la fumeuse, meme si elle est une adolescente de douze ans, accepte necessairement les risques lies a la consommation de tabac. La
Cour refuse de reconnaitre la responsabilite du producteur de tabac pour les dommages causes a la sante des fumeurs et considere que ces dommages sont exclusivement imputables au comportement de la victime qui, aurait pu cesser ce comportement grace aux campagnes d’information ou par la sensibilisation aux mefaits de la cigarette dont elle aurait ete sujette lors de ses grossesses. On assiste a une consecration de la theorie restrictive de la causalite adequate (II).
II La consecration de la theorie restrictive de la causalite adequate. La theorie de la causalite adequate est la theorie selon laquelle sera exclut tout ce qui n’est pas la cause directe du dommage. Le lien de causalite est donc plus difficile a determiner puisque la faute doit etre la cause direct du dommage. En l’espece, le lien de causalite est repute non-existant entre la faute imputee a la societe et le deces de la personne(A).
Cette jurisprudence qui encense la theorie restrictive de la causalite adequate, entre en contradiction avec la jurisprudence precedente (B). A. Un lien de causalite repute non-existant entre la faute imputee a la societe et le deces de la personne. Selon la theorie de la causalite adequate, seuls les faits dont on peut penser qu’ils ont contribue a la realisation du dommage seront retenus. En effet, sera exclu tout ce qui n’est pas la cause directe du dommage.
En l’espece, le juge applique la theorie de la causalite adequate de maniere restrictive, le defaut d’information de la societe productrice de tabac qu’elle aurait du mettre en oeuvre n’est pas la cause directe du dommage de la victime. La societe est responsable du defaut d’information mais cette faute n’est pas la cause directe du dommage subi par la victime. Le lien de causalite est donc repute non-existant entre la faute imputee a la societe, le defaut d’information; et le dommage subi par la victime, la maladie puis la mort.
Ainsi, la Cour de cassation confirme que la victime avait ete necessairement informee par les medias, des risques de maladies cardio-vasculaires et de cancers engendres par la consommation de tabac; par ses parents, titulaires de l’autorite parentale et charges de veiller a sa securite ainsi qu’a sa sante; lors du suivi medical de ses grossesses, des risques resultant, tant pour elle meme que pour l’enfant a naitre, d’une consommation excessive de cigarettes; que de ces constatations souveraines la Cour d’appel a pu deduire l’absence de relation de causalite entre la faute imputee a la societe et le deces de la victime, laquelle ne pouvait legitimement s’attendre a la securite d’un tel produit.
Dans ces conditions, peu importe que le producteur de tabac ait ou non rempli son obligation d’information sur le danger des cigarettes. Cette decision de la Cour de cassation peu etre surprenante au regard de la jurisprudence precedente (B) qui fait etat d’une application moins restrictive de la theorie de la causalite adequate. B. Une decision surprenante au regard de la jurisprudence. Cette application tres restrictive de la theorie de la causalite adequate peut paraitre deroutante compte tenu des precedentes decisions du juge de cassation. En effet, la Cour de cassation, dans de precedentes jurisprudence avait fait une application, plus extensive, de l’equivalence des conditions.
Selon la theorie de l’equivalence des conditions, tous les evenements ou conditions en l’absence desquels le dommage ne se serait certainement pas produit sont retenus. Des lors que plusieurs causes ont participe successivement a un meme dommage et qu’elles ont ete les conditions necessaires, toutes en sont les causes. Ainsi, la deuxieme Chambre civile de la Cour de cassation, dans son arret du 27 mars 2003, retient que »cette pluralite des causes n’est pas de nature a faire obstacle a l’indemnisation de l’entier dommage par l’auteur initial, par application du principe de l’equivalence des causes dans la production du meme dommage en matiere de responsabilite delictuelle ». De meme, une decision de la deuxieme Chambre civile de la Cour de cassation en date du 24 mai 2006 avait fait application e la theorie de l’equivalence des conditions. La Cour de cassation a, en effet affirme, dans cet arret, que la contamination par le VIH ou le virus de l’hepatite C a l’occasion d’interventions chirurgicale rendues necessaires par un accident de la circulation etait en partie imputable a l’auteur de l’accident. Cette application restrictive de la theorie de la causalite adequate semble etre d’origine politique. En effet, les juges ont surement pense que s’ils admettaient la responsabilite de la societe productrice de tabac, il s’ensuivrait un contentieux de masse et donc un encombrement des tribunaux francais. Causes exoneratoires de responsabilite: Cass. Ass. Plen. , 14 avril 2006. Lors du depart d’une rame de metro, un accident est survenu et a provoque la mort d’une personne. L’accident est passe inapercu et aucun temoins des faits ne s’est fait connaitre. L’epoux de la victime, en tant que representant legal de ses deux enfants mineurs a demande que la societe de transport soit condamnee a reparer le prejudice cause par cet accident. L’epoux de la victime assigne la societe de transport en reparation du prejudice cause par l’accident duquel est victime son epouse. Ayant ete deboute, il interjette appel. La Cour d’appel ayant rendu un arret confirmatif, l’epoux forme un pourvoi en cassation.
La Cour d’appel a constate que la chute de la victime ne peut s’expliquer que par l’action volontaire de celle-ci et que la realite de la volonte de provoquer l’accident est confortee par l’etat de detresse apparent de la victime. Question de droit: Le representant de la victime qui cause volontairement son dommage, peut il obtenir reparation du prejudice subi ? La Cour de cassation rappelle que la faute de la victime n’exonere totalement le gardien qu’a la condition de presenter les caracteres d’un evenement de force majeure, cette exigence est satisfaite lorsque cette faute presente, lors d’un accident, un caractere imprevisible et irresistible.
En l’espece, la chute de la victime sur la voie ne pouvait s’expliquer que par l’action volontaire de la victime et que le comportement de celle ci n’etait pas previsible dans la mesure ou aucun preposes de la societe de transport ne pouvait deviner sa volonte de se precipiter contre la rame, qu’il n’avait ete constate aucun manquement aux regles de securite imposees a l’exploitant du reseau et que celui-ci ne saurait se voir reprocher toutes les mesures rendant impossible le passage a l’acte de personnes ayant la volonte de produire le dommage auquel elles s’exposent volontairement. La Cour de cassation confirme l’arret de la Cour d’appel qui a decide que la faute commise par la victime exonerait la societe de transport de toute responsabilite.