AFFAIRE CLEARSTREAM Clearstream (signifie en anglais « courant limpide ») est une chambre de compensation internationale situee au Luxembourg, specialisee dans l’echange de titres et doublee d’une banque Clearstream Banking S. A. , basee en Allemagne et au Luxembourg. Il s’agit maintenant de divisions de Deutsche Borse. Depuis 2001, elle est au centre d’une affaire financiere, industrielle et internationale, l’affaire Clearstream 1, et en 2006, au c? r d’une affaire politico-financiere, l’affaire Clearstream 2. Description : Clearstream est un ICSD, International Central Securities Depository, ou Depositaire Central International. Son metier est le reglement livraison sur le marche des eurobonds (plus de 80 % de ses activites) ainsi que le reglement livraison des titres et parts de fonds d’investissement. Depuis 2002, c’est une filiale a 100 % du groupe Deutsche Boerse AG. Historique : Clearstream a ete cree en 1971 sous le nom de CEDEL.
Cedel International est specialise dans le reglement livraison des euros obligations (eurobonds) et a ete cree par un consortium de banques afin de ne pas laisser le monopole de ces activites a Euroclear, alors propriete de la banque americaine JPMorgan. C’est une chambre de compensation (clearing house). Euroclear est l’autre centrale de reglement livraison pour les eurobonds. Les clients de Clearstream qui sont des
En juillet 2002, Deutsche Borse achete les 50 % restant de Clearstream International pour 1,6 milliard d’euros. En 2004, Clearstream a contribue pour 114 millions d’euros au resultat de Deutsche Borse. La meme annee, elle a effectue 50 millions de transactions. Deroulement de l’affaire : [pic] Les faits : le scenario du « corbeau » Depuis juin 2001, les juges Renaud Van Ruymbeke et Dominique de Talance enquetent sur l’affaire des fregates de Taiwan.
Parallelement, en 2001 et 2002, le journaliste Denis Robert publie deux livres (Revelation$ en 2001 et La Boite noire en 2002) sur Clearstream, accusant cette societe luxembourgeoise de dissimuler des operations financieres illegales, et lancant ainsi l’affaire Clearstream 1. Le 3 mai 2004, Renaud Van Ruymbeke recoit une premiere lettre anonyme, suivie, le 14 juin 2004 par plusieurs autres et un CD-ROM, contenant 16 121 comptes bancaires ouverts chez Clearstream, datant du premier trimestre 2000. Le delateur, surnomme « le corbeau » peu apres, livre un scenario de cinema tres inspire par le conspirationnisme ambiant.
La lettre commence par ces mots : « Je vous ecris pour vous informer de l’existence d’un groupe mafieux comprenant au moins deux personnes auxquelles vous vous interessez et qui commencent a etendre en France des methodes de corruption et de predation qui ont fait tant de mal a la Russie dans les annees 1990. » Selon le corbeau, un « comite » international compose de Francais, d’oligarques russes et de narcotrafiquants serait a l’? uvre pour controler de grandes entreprises et blanchir des quantites considerables d’argent sale par le biais des comptes occultes de Clearstream.
Le corbeau cite pele-mele l’oligarque russe Mikhail Khodorkovski, patron du geant petrolier Ioukos et de la banque Menatep (aujourd’hui emprisonne en Siberie) et le milliardaire Marc Rich. Il affirme qu’il existe des liens financiers entre des familles colombiennes, des parrains russes, est-allemands et ouzbeks, tout cela au sein d’une vaste confrerie internationale du crime et du blanchiment d’argent. Ce comite serait responsable de la mort de Jean-Luc Lagardere, l’ancien patron de Matra, aujourd’hui fusionne dans EADS.
Le corbeau pretend denoncer des comptes occultes etablis chez Clearstream pour plusieurs personnalites du monde des affaires ou de la politique, dont Philippe Delmas, vice-president du geant europeen de l’aeronautique EADS, et Nicolas Sarkozy, alors ministre de l’Economie ; mais aussi Alain Gomez, ancien president de Thomson-CSF (devenu Thales), Pierre Martinez, ancien responsable de la securite de Thomson-CSF, Andrew Wang, l’intermediaire sino-americain implique dans le scandale des fregates de Taiwan, ainsi que Jean-Pierre Chevenement, Dominique Strauss-Kahn, Laurent Fabius, etc.
C’est ainsi que le corbeau a fait croire qu’Alain Gomez possedait le compte 83656 a la Cititrust (Bogota), alors que le veritable titulaire se denommait en realite Hugo Caceres Gomez. De meme, le compte E 3521, ouvert a la Reserved Mailbox Account, cense appartenir a Pierre Martinez, a comme titulaire une societe madrilene denommee Martinez Gil y Asociados. Les lettres s’inspirent beaucoup des accusations portees sur la chambre de compensation luxembourgeoise Clearstream, et temoignent d’une connaissance certaine du dossier Clearstream et de l’affaire des fregates de Taiwan. Certains numeros de comptes comme ceux de la BNP sont authentiques » ecrit Liberation. Des lors, des commissions rogatoires internationales sont adressees en Suisse, au Luxembourg et en Italie. Fin 2004, le juge Van Ruymbeke comprend qu’il s’agit d’une manipulation : « Les noms de personnalites ont ete rajoutes aux listes de Clearstream. Parfois grossierement. L’enquete preliminaire ouverte sur les autres comptes est classee sans suite en mai 2005. »[2] Une enquete sur la realisation de ces faux est alors confiee aux juges Jean-Marie d’Huy et Henri Pons. L’enquete de D’Huy et Pons
Le parquet de Paris demande une enquete preliminaire sur la chambre de compensation Clearstream et envoie un substitut a Luxembourg. Le ministre de l’Interieur, Dominique de Villepin, demande une enquete au directeur de la DST, Pierre de Bousquet de Florian, dont un des adjoints, Jean-Jacques Martini, est cite dans la liste du corbeau. En janvier, l’enquete concernant le compte de Nicolas Sarkozy, accuse de detenir un compte a la Banca popolare di Sondrio, un bourg italien situe au centre des Alpes, sous le nom de « Stephane Bocsa » et « Paul de Nagy », est fermee.
La Banca popolare di Sondrio a en effet repondu a la commission rogatoire du juge Van Ruymbeke reclamant l’identite du titulaire du compte. L’etablissement italien a indique que le numero correspondait a un compte de banque ouvert par la societe Clearstream, et etait utilise par de tres nombreux clients. La Banca popolare reclamait au magistrat francais une nouvelle demande designant la personne visee, mais puisque l’enquete prouvait par ailleurs que les listes avaient ete trafiques, le juge Van Ruymbeke a ferme le dossier, innocentant ainsi Sarkozy[3].
L’attention des magistrats se porte sur un informaticien d’EADS, Imad Lahoud. Il aurait ete recrute chez EADS par Jean-Louis Gergorin, sur recommandation du general Philippe Rondot, veteran des services de renseignements francais. Debut 2003, Imad Lahoud a collabore avec la DGSE pour identifier les reseaux financiers d’al Qaida. A cette occasion, il s’est informe sur le fonctionnement des comptes de Clearstream et a rencontre Denis Robert. Les juges Pons et ’Huy cherchent a etendre leurs investigations a l’affaire des fregates de Taiwan. En mai 2006, les magistrats ont obtenu communication de l’integralite de la procedure judiciaire sur les fregates de Taiwan, instruite depuis 2001 par les juges Renaud Van Ruymbeke et Dominique de Talance et representant 35 tomes du dossier. Le Figaro conclut donc que « les quelques 35 tomes du dossier, portant sur d’eventuelles retrocommissions sur le marche des fregates de Taiwan, sont donc officiellement rattaches a l’affaire Clearstream. Plusieurs sources judiciaires confient au Figaro « ne pas comprendre cette demarche », tandis que le quotidien constate que « les deux juges ont desormais une matiere aussi considerable qu’inattendue pour nourrir leurs investigations. »[4] Protagonistes EADS • En avril 2006, l’ensemble de l’equipe dirigeante du groupe EADS s’est retrouve brutalement au centre de l’affaire Clearstream 2 (ou affaire du corbeau des fregates de Taiwan). Deux membres d’EADS semblent etre au c? ur de cette affaire : Jean-Louis Gergorin et Imad Lahoud.
Les bureaux de Noel Forgeard, co-president d’EADS (co-CEO), Gustav Humbert, president d’Airbus et Jean-Louis Gergorin, vice-president d’EADS, ont ete perquisitionnes. • Le 8 mai 2006, l’ancien ministre Jean-Pierre Chevenement, president d’honneur du Mouvement republicain et citoyen, a affirme que l’origine de l’affaire Clearstream 2 pourrait etre a rechercher au sein des instances dirigeantes du groupe EADS. Le 16 mai 2006, Noel Forgeard s’exprime en ces termes au salon aeronautique de Berlin (ILA) : « Ce n’est absolument pas quelque chose qui concerne la societe [… ] c’est quelque chose qui concerne deux personnes. « Cela n’a absolument rien a voir avec EADS, meme si certains le disent. » ajoute-t-il. • Jean-Louis Gergorin, directeur d’une branche d’EADS charge de la strategie, indique dans la presse des 28 et 29 avril 2006 etre l’auteur des deux premieres lettres anonymes envoyees au juge Renaud Van Ruymbeke en mai et juin 2004. Convaincu que le groupe Lagardere est menace par un reseau international affairiste, il beneficie des informations d’une source sur des comptes occultes de Clearstream. Il tente de declencher une enquete des services speciaux francais en contactant Philippe Rondot en novembre 2003, puis Dominique de Villepin en janvier 2004.
En avril 2004, constatant l’inefficacite des investigations, il rencontre en secret Renaud Van Ruymbeke. Refusant de deposer officiellement, il envoie les informations issues de sa source sous forme de plis anonymes au juge Van Ruymbeke. • Imad Lahoud est directeur scientifique au centre de recherche d’EADS. Son frere est Marwan Lahoud, nouveau directeur general d’EADS Defense et securite (DS), charge du marketing, de l’international et de la strategie, nomme en juin 2007, et ancien president de MBDA, leader europeen des missiles.
Bien que designe par le general Philippe Rondot et Jean-Louis Gergorin comme la source des informations sur Clearstream, il nie toute implication dans cette affaire. [pic] • Le tribunal correctionnel de Paris rend son jugement ce jeudi matin. [pic]«Je suis ici par l’acharnement d’un homme…» C’etait le 21 septembre 2009, au tribunal de Paris. Face a une foret de cameras, Dominique de Villepin, le plus voyant, le plus bruyant des cinq prevenus, imprimait au proces Clearstream, qui s’est acheve le 23 octobre suivant, une tonalite resolument politique et offensive.
La tension etait montee progressivement avant l’audience. On se souvient des propos jadis pretes a Nicolas Sarkozy, la plus visible des parties civiles, relatifs au «croc de boucher» qu’il promettait a ceux qui avaient cherche a le salir en introduisant son nom sur des listings bancaires trafiques. Pendant les debats, la XIe chambre correctionnelle se transforme peu a peu en Cocotte-Minute. Le bras de fer entre l’ancien premier ministre et l’actuel chef de l’Etat y fait regner une atmosphere de cour d’assises, totalement incongrue en correctionnelle pour une affaire de denonciation calomnieuse. »
Le requisitoire L’heure du jugement est venue. A la folie des echanges du pretoire, a succede celle des pronostics. Condamnation ? Relaxe ? Disjonction du cas Villepin, adresse a la Cour de justice de la Republique par un tribunal se declarant incompetent en ce qui le concerne ? Habilete phenomenale Le proces laisse une impression de confusion generalisee. Qui a fait quoi ? Difficile de se forger une conviction, tant les reponses des prevenus – tous d’une intelligence superieure a la moyenne – aux questions les plus simples ont maintenu le tribunal dans les tenebres, quand on attendait qu’elles l’eclairent.
Mais de lumiere a Clearstream, point. Jean-Louis Gergorin et Imad Lahoud forment un duo sensationnel d’un point de vue romanesque, mais consternant sur le plan judiciaire. Le premier jure qu’il a cru dur comme fer aux «revelations» que le second lui a fournies ; le second jure en retour que c’est le premier qui a tout invente, et qu’il n’a ete que sa «chose» dans la confection de l’intoxication. M. Gergorin est enarque et polytechnicien, M. Lahoud a ete recu dernierement a l’agregation de mathematiques : on se pince en entendant cette defense digne des premiers voleurs de cyclomoteurs venus.
L’un des deux ment : cette evidence pourrait rassurer les esprits rationnels, s’il n’etait impossible d’ecarter l’hypothese qu’aucun des deux ne dit la verite… Quant a Dominique de Villepin, il fait preuve d’une habilete tactique phenomenale. Alternativement, il attaque l’Elysee sans vergogne puis, comme touche par d’irrepressibles acces de misericorde, brandit un drapeau blanc. Sa confrontation avec le general Rondot, temoin cle de ce dossier, restera dans les annales. Lus a froid, les fameux carnets de cette figure du renseignement francais accablent l’ex-chef du gouvernement.
Ils permettent, en effet, de poser des jalons dates, et consignes par une main a priori neutre, qui valident les propos tenus sur proces-verbal par les autres protagonistes. Que vaudraient les affirmations de MM. Gergorin et Lahoud sans ces registres officieux, qui n’avaient pas vocation a etre publies- ce qui en renforce la credibilite ? Pourtant, a la barre, le general semble gene de pouvoir placer en difficulte un homme pour qui son estime reste manifestement entiere. M. de Villepin le sent et, avec un culot d’airain, impose, le 7 octobre, une lecture tres tendancieuse des «notes Rondot», lecture qui, bien sur, lui est favorable.
Il prend un risque considerable, car si le militaire se rebiffe, il peut en deux mots couler la barque du prevenu. Mais il ne se rebiffe pas, au contraire. Et meme si l’impression est tenace que M. de Villepin n’a pas dit toute la verite, il est mal aise de determiner l’etendue de ses mensonges. Le tribunal, preside par un Dominique Pauthe indechiffrable – a l’exception d’un emportement tres commente contre Me Thierry Herzog, conseil de Nicolas Sarkozy, au motif que sa plaidoirie etait trop longue au gout du magistrat -, s’est donne trois mois pour deliberer.
Il avait a choisir entre deux analyses divergentes. Celle des juges d’instruction, d’abord, qui voient en Dominique de Villepin le cerveau du forfait : a l’issue du proces, cette lecture parait insuffisamment etayee. Celle du parquet, ensuite, qui fait de l’ancien premier ministre le coupable d’une «complicite par abstention active», pour n’avoir pas stoppe une machination dont il connaissait le caractere frauduleux. Cette position seduit, intellectuellement, mais de nombreux juristes estiment que si la qualification defendue par le procureur de Paris est audacieuse, elle ne «tient» pas pour motiver ne condamnation. Le tribunal n’est tenu par aucun de ces raisonnements, il peut en inventer un autre, afin de nourrir la reflexion de la cour d’appel. Car dans cette affaire placee sous le digne de la deraison, il est peu probable que les choses en restent la. 18 mois de prison avec sursis requis contre l’ex-premier ministre Le requisitoire avait dure tout l’apres-midi du 20 octobre. Le vice-procureur, Romain Victor, avait ouvert le feu en presentant son analyse concernant Jean-Louis Gergorin, Imad Lahoud, Florian Bourges et Denis Robert.
Il avait cede la parole au chef du parquet de Paris, Jean-Claude Marin, qui s’etait reserve le cas de Dominique de Villepin. C’est-a-dire le plus sensible sur un plan politique, et le plus delicat d’un point de vue juridique. A l’issue de ce discours a deux voix, les peines suivantes avaient ete requises : Dominique de Villepin : 18 mois de prison avec sursis et 45. 000 euros d’amende pour avoir «permis a la manipulation de perdurer» (M. Marin n’a pas requis expressement de mesure complementaire d’ineligibilite, NDLR).
Jean-Louis Gergorin : 3 ans de prison, dont 18 mois ferme, et 45. 000 euros d’amende en tant qu’«artisan de l’ensemble de la manipulation». Imad Lahoud : 2 ans de prison, dont 18 mois ferme et 6 mois avec mise a l’epreuve, 45 000 euros d’amende, pour ce «second couteau» qui a «prete un concours determinant» a M. Gergorin. Florian Bourges : 4 mois de prison avec sursis pour l’ex-auditeur stagiaire qui a fait preuve d’«immaturite». Denis Robert : relaxe.