Candide

Candide

Sujet : « Ce genre a le malheur de paraitre facile, mais il exige un talent rare, celui de savoir exprimer par une plaisanterie, par un trait d’imagination ou par les evenements meme du roman, les resultats d’une philosophie profonde. » En quoi cette citation s’applique-t-elle au conte philosophique de Candide ? (Introduction) Candide, roman eponyme, ecrit en 1759 par Voltaire, illustre un genre nouveau, celui du conte philosophique. Tout en ressemblant beaucoup au conte traditionnel, il s’en distingue par l’utilisation de la litterature pour exprimer des idees philosophiques.

Il se revele etre un instrument d’argumentation efficace dans la lutte contre les dogmatismes. Ainsi, a travers une fiction courte et plaisante, Voltaire retrace les tribulations d’un jeune heros, Candide, et les etapes de son education intellectuelle et morale. En utilisant toutes les ressources de l’argumentation et du style pour convaincre de l’ineptie d’une theorie philosophique sans fondement, l’optimisme de Leibniz, deja present dans le titre (Candide ou l’Optimisme) et des injustices de l’organisation sociale et religieuse. Developpement) (I. Un conte qui tient du roman) Il est aise de remarquer que Candide tient avant tout du conte traditionnel et du roman. Voltaire, pour attirer son lecteur, lui propose une histoire plaisante se presentant

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comme un divertissement. Ainsi, le conte relate l’histoire de Candide, personnage attachant qui evolue intellectuellement et moralement au fil de ses aventures. Il attire l’attention du lecteur : heros sympathique, ardent, constant en amour (il aime Cunegonde tout au long du roman) et fidele a ses amis.

Son nom annonce son caractere, adolescent paisible et inoffensif « les m urs les plus douces », incapable de faire du mal, beau « sa physionomie annoncait son ame », mais naif. Il vit d’abord au chateau de Thunder-ten-tronckh parmi l’aristocratie dont il est issu mais d’une naissance illegitime, il admire les theories ridicules de Pangloss, mais chasse du chateau, il decouvre l’Europe, l’Amerique du Sud, la realite du monde et ses horreurs et termine son periple en Propontide avec ses amis ou ils trouvent un bonheur simple. Neanmoins, les peripeties du jeune adolescent a travers divers pays ne sont pas anodines.

Elles constituent un voyage initiatique ou Candide, plein de bon sens, evolue, lentement, vers la maturite et la reflexion. Il developpe ainsi son esprit critique, et s’extrait peu a peu de l’influence de son precepteur Pangloss, dont il adoptait au depart les theses optimistes, sans aucun esprit critique : « quoiqu’en dit maitre Pangloss, je me suis souvent apercu que tout allait mal en Westphalie ». Lors de la rencontre avec le negre de Surinam, Candide propose alors une nouvelle definition de l’optimisme, « la rage de soutenir que tout est bien quand on est mal », qui souligne sa prise de conscience de la realite.

A la fin du conte, Candide est devenu un sage patriarche inversant le rapport hierarchique social et intellectuel du debut : d’une naissance obscure, enfant naturel mais d’une batardise relative non reconnue, il n’a qu’un surnom et etait le disciple d’un philosophe imbecile et devient le maitre d’une petite metairie ou chacun travaille et parvient au bonheur. Le conte, grace a des references communes au lecteur, lui permet ainsi, au-dela de la fantaisie meme de l’histoire, d’adherer a l’ uvre.

Voltaire use d’abord de references litteraires : Leibniz dont il critique la logique du raisonnement vide de sens et Thomas Moore notamment, dans le chapitre sur l’Eldorado presente comme un paradis utopique. L’auteur fait aussi appel a des references culturelles et historiques : les salons de Paris ou Candide se fait extorquer quelques diamants, la guerre de sept ans declenchee en 1756, le seisme de Lisbonne, la polemique autour des jesuites, la condition des negres ou encore les debats autour du bon sauvage. Le lecteur, surtout au XVIIIeme, est susceptible d’identifier le heros. (II.

Les procedes d’ecritures, une argumentation au service de la satire) Neanmoins, Candide n’est pas seulement un recit plaisant, c’est aussi une arme de combat au service de la contestation et des theories philosophiques qui revoltent Voltaire. La satire est plus efficace pour lutter contre les abus ; pour cela, Voltaire recourt a divers procedes. En premier lieu, l’incarnation d’idees, la mise en scene d’une demonstration contribuent a vulgariser des theories dont l’expression rebute le grand public. Ainsi, une uvre aussi ambitieuse que Candide traitee sous forme de courts recits, a la fois pedagogiques et agreables seduit le lecteur.

Il ne s’agit pas de l’exposition des theories philosophiques, comme l’optimisme de Leibniz, mais de l’incarnation de ces theories a travers les personnages et les situations, de maniere a ce que l’intrigue fantaisiste amene a une banalisation de ces theories. Le lecteur peut donc comprendre les sujets serieux traites et Voltaire peut alors aisement diffuser l’esprit des Lumieres contre l’obscurantisme religieux, les fanatismes et les inegalites sociales qui prevalaient a l’epoque, ainsi que les injustices et les prejuges.

Mais la satire de Voltaire passe aussi par l’humour noir et le comique. D’abord, l’auteur decrit les atrocites comme si elles etaient tout a fait normales. Le sentiment d’horreur fait naitre l’emotion du lecteur. L’exemple de la guerre a laquelle Candide assiste est frappant et bouleverse le lecteur : « Ici des vieillards cribles de coups regardaient mourir leurs femmes egorgees, qui tenaient leurs enfants a leurs mamelles sanglantes ; la des filles eventrees apres avoir assouvi les besoins naturels de quelques heros ».

Voltaire suscite aussi le rire du lecteur pour qu’il condamne les faits. La « metaphysico-theologo-cosmolonigologie » avec l’adjectif « nigaud » ruine le serieux et la credibilite de Pangloss, qui s’entete dans ses erreurs malgre les evidences. Le baron embrasse Candide lors des retrouvailles puis l’insulte en apprenant qu’il veut epouser sa s ur. Autre procede de la satire : l’ironie qui repose principalement dans Candide sur le recours a l’antiphrase.

Par exemple, Cacambo loue l’organisation instauree par les jesuites au Paraguay : « Los Padres y ont tout, et les peuples rien ; c’est le chef d’ uvre de la raison et de la justice ». L’ironie permet de mettre en defaut la logique de la theorie optimiste tout au long du conte. Voltaire revele, par ce procede, l’ineptie des raisonnements de Pangloss avec le jeu sur les causalites en faisant etablir par ses heros des relations fausses entre les evenements : « car, si Colomb n’avait pas attrape dans une ile de l’Amerique cette maladie […], nous n’aurions ni le chocolat ni la cochenille ».

L’utilisation de periphrases permet aussi cet effet : « des appartements d’une extreme fraicheur » designent la prison. (III. La critique voltairienne de la societe) Candide, en cherchant a convaincre, a seduire par tous les moyens de la raison, de l’emotion et du style, est avant tout une arme de combat au service de la contestation des vices et des injustices, mais aussi des theories philosophiques qui revoltent Voltaire. Ce conte philosophique se presente comme une veritable critique de la societe de son temps et de ses abus.

Le titre, Candide ou l’Optimisme, montre deja en partie que l’auteur prend partie ; il critique une these alors a la mode, l’optimisme. La force de persuasion consiste a rendre les optimistes ridicules et la doctrine absurde en montrant la contradiction entre une realite horrible et les discours theoriques de Pangloss. Voltaire caricature ses adversaires en deformant leur pensee qui devient absurde : persuade que « tout est au mieux », le precepteur justifie par des raisonnements artificiels, vide de sens, les realites les plus douloureuses.

Il fait ainsi l’eloge de verole, veritable fleau, qui « a fait un merveilleux progres », alors qu’il est lui-meme atteint par cette epidemie et ne survit qu’au prix de la perte d’une oreille et d’un il. De meme, l’absurdite de l’optimisme repose aussi sur la recurrence des raisonnements « des causes et des effets ». Mais la critique voltairienne ne s’arrete pas a la theorie optimiste, la satire de Voltaire frappe aussi le clerge et ses vices, ainsi que l’intolerance religieuse.

Des le debut, la religion encourage la guerre, les rois « faisaient chanter des Te Deum », c’est-a-dire des prieres remerciant Dieu pour son aide au combat. En benissant les assassins, la religion approuve l’infamie. A Lisbonne, l’intolerance de l’Inquisition est la cible de Voltaire : les raisons invoquees pour chaque condamnation sont derisoires, l’autodafe concerne deux catholiques et un juif qui se sont abstenus de manger du porc, et Candide et Pangloss qui semblent suspects. Enfin, il denonce le comportement des pretres, « ces fetiches » soumettent les Noirs aux Blancs en prechant l’egalite.

La bonne conscience des nations europeennes est mise en defaut. Finalement, la satire se porte sur la societe du XVIIIeme. Voltaire, fils d’un bourgeois, a toujours ete meprise dans son propre pays par la noblesse, situation differente en Angleterre ou il s’est exile. Il tourne alors les prejuges de la noblesse en derision : le baron est designe par ses possessions, le suppose pere de Candide « n’avait pu prouver que soixante et onze quartiers » et Candide ne peut epouser Cunegonde parce qu’il n’est pas noble.

Plus loin, Voltaire s’attaque aux intellectuels et leur faux prestige : le precepteur Pangloss dit des sottises, les universitaires de Coimbre encouragent les superstitions, les academiciens bordelais posent des questions ineptes (pourquoi les moutons de l’Eldorado sont rouges). A Paris, Voltaire critique les salons ou la societe est passionnee par le jeu, le bavardage, la medisance et la corruption. (Conclusion)

Le style voltairien, ironie, humour, recit rapide et formules frappantes « une boucherie heroique », tel est l’art d’exploiter la langue a des fins polemiques. Mais au-dela des critiques enoncees par Voltaire, Candide se presente aussi comme le temoignage de la quete des heros pour le bonheur ideal. L’experience amene bien des desillusions, mais elle apporte la sagesse necessaire a un bonheur relatif, mais reel. L’Eldorado symbolise l’ideal de bonheur collectif, caracterise par la paix, la tolerance, la prosperite, la fraternite et la liberte.

La fin du conte apporte une reponse quant a la recherche du bonheur, les personnages forment une sorte de microcosme ou chacun trouve place et equilibre. L’epilogue est consacre a cette installation et propose un art de vivre, ou la realite est a la mesure de l’homme. Voltaire y expose en quelque sorte les criteres de la sagesse symbolises par le refus des ambitions ephemeres, des raisonnements et des discours inutiles, ainsi que les bienfaits du travail. C’est un constat resigne.