Anouilh la cigale commentaire

Anouilh la cigale commentaire

I. ETUDE DES PERSONNAGES 1. La cigale La cigale est le personnage principal et eponyme : son role est donc preponderant, de plus, la fable etant une parodie de La Cigale et la Fourmi de LF, on peut s’attendre a retrouver les memes traits : Anouilh, en effet, pendant la premiere partie (v1 a 31) la presente « l’? il noyee sous le fard / tout enfantine et minaudiere » (v. 11) : bref, naive.

Mais on s’attend cependant a une alteration de la fable originelle puisque le prolepse ( figure de rhetorique qui refute d’avance ce qu’elle annonce ) « Crut qu’il tenait la bonne affaire » la suppose. De plus, durant toute la premiere partie, la cigale reste muette alors que LF la faisait engager la conversation dans sa fable. Effectivement des le v. 32, elle reponds du tac au tac au Renard « je crois que l’on s’amuse », laissant tomber les voiles : « un regard d’acier briller sous le rimmel » (v. 34) : elle se revele etre hypocrite, glaciale « ? l froid » (v. 33), cynique (v. 52,53,54). Elle domine toute la 2nde partie, imposant ses volontes par des phrases directives courtes : le vers

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45 et 46 « drapee avec elegance dans une cape de renard » exprime synthetiquement cette domination : l’ambiguite est volontaire : ainsi la cape de renard peut symboliser l’hypocrisie et la ruse (certains des traits caracteristiques du renard), mais aussi le fait de s’envelopper dans la depouille de l’animal : sorte d’humiliation apres le triomphe. 2. Le renard

On pourrait s’attendre, au lieu d’un renard, a voir apparaitre la Fourmi : mais Anouilh decide d’emprunter a Le Corbeau et le Renard de LF son personnage ruse, et on s’attend donc a retrouver les memes caracteres : en effet, il est presente pendant la premiere partie comme ruse et manipulateur, utilisant la persuasion et la flatterie pour arriver a ses fins. Mais la deuxieme partie l’annonce comme perdant : il y reste coi, piege : la moralite de la fable lui est dediee : « Maitre Renard qui se croyait cynique s’inclina, mais depuis, il apprend la musique ».

Anouilh avait d’ailleurs anticipe sa chute, lui donnant un aspect futile « souriant avec bonhomie » : delestant sa place jusque dans le titre. II. COMPARAISONS AVEC LA FONTAINE 1. Differences La profusion de neologismes est l’aspect le plus notable des differences : Anouilh, en parodiant, decide d’introduire un contexte contemporain, ainsi les personnages evoluent dans un monde peuples de « casinos », de « boites » (v. 3) , ou la vie moderne est omnipresente, puisque la fable s’axe sur un « contrat » (v. 3) chez un specialiste en « prets hypothecaires » (v. 10). Hors chez LF, si le temps est une donnee importante (« saison », « ete », « nuit et jour »), aucune donnee ne nous renseigne ni sur l’epoque, ni sur le lieu : ainsi, l’aspect apologique chez LF a une valeur universelle, quand celui de Anouilh semble ne caracteriser qu’une situation particuliere. Les personnages des 2 fables s’opposent : quand la Cigale de LF se veut naive et enfantine, celle d’Anouilh est cynique et agressive.

La cigale n’est pas un animal aussi connu que le Renard, Anouilh peut donc se permettre de lui attribuer des caracteristiques aleatoires Hors, la Fourmi de la fable originelle est devenue le « Maitre Renard » de Le Corbeau et le Renard : chacun peut concevoir la ruse du renard (d’apres les Fables de Renard ou simplement l’expression « ruse comme un renard » ), c’est pourquoi Anouilh decide d’utiliser ce personnage : mais la chute differe de ce qui est attendu : le personnage de Renard gagne toujours, hors chez Anouilh, le cynisme triomphe de la ruse.

Les situations sont aussi differentes : la cigale d’Anouilh vivant dans un monde plus moderne que celle de LF, le fait de « chanter » rapporte, on a donc un personnage riche chez Anouilh qui s’oppose a celui demuni de LF. Mais au v. 31, la situation s’inverse, ce qui marque definitivement une rupture avec LF : la situation finale est totalement opposee a celle de La Cigale et la Fourmi : la cigale triomphe. 2. Ressemblances Les 2 fables commencent de la meme facon : « La cigale ayant chante » (heptasyllabe) « Tout l’ete » (3 syllabes)

Le rythme est casse, et cela permet de pressentir un malaise des la situation initiale, de plus, cet enjambement met en valeur « Tout l’ete », encore renforce par l’espace typologique qui lui est consacre. De meme, l’element perturbateur (la bise) est le meme dans les 2 fables : « Quand la bise fut venue » (heptasyllabe) La aussi, le vers impair souligne cet element en cassant la regularite du vers. On remarque aussi que la structure du recit demeure la meme : Situation initiale -> element perturbateur -> rencontre des 2 personnages -> Situation finale. III. L’ASPECT THEATRALE 1. Tirade du renard

Tout d’abord le renard s’adresse a la Cigale en la vouvoyant et l’apostrophant « Madame » (ironique, quand 2 vers plus tot on nous informe qu’il la voit « enfantine et minaudiere ») . Pour lui parler, il emploi les registres emphatique, didactique, voire admiratif. Les procedes argumentatif sont nombreux : tout comme dans Le Corbeau et le Renard , ce dernier utilise la flatterie « j’ai le plus grand respect pour votre art et pour les artistes » (v. 14/15), puis tente de convaincre la cigale « l’argent, helas, n’est qu’un aspect Bien trivial, je dirais bien triste, Si nous n’en avions tous besoin de la condition humaine » (v. 6 a 19), et de la persuader « Vous qui planez, laissez, laissez le role ingrat de gerer vos economies », et termine par une touche admirative, voir jalouse : « je voudrais moi, tout comme vous, ne sacrifier qu’aux muses ». Le Renard est un grand orateur, on le ressent grace aux alexandrins utilises, ex « Madame, lui dit-il, j’ai le plus grand respect ». Les vers utilises lors de sa longue tirade sont pairs (octosyllabes, decasyllabes et alexandrins), et les phrases sont longues : cette facon de s’exprimer a pour double but de feindre l’exaltation, et d’empecher la cigale de protester (en ne laissant aucune place a une reponse).

NB : cette « ampleur oratoire » est un style propre au classicisme, on peut donc faire une comparaison avec Berenice de Racine. Les reiterations « laissez, laissez », sont parlantes : le recit est tres ‘proche’ : on peut parler d’hypotypose, ce qui permet de comparer cette fable a une piece de theatre ! De meme, cette emphase se retrouve quand le Renard conclue par l’imperatif : « Croyez, Madame [ … ] je voudrais, moi, pouvoir, tout comme vous, ne sacrifier qu’aux muses » (v. 31).

Contrairement a la cigale, les sonorites de cette tirade sont plutot fricatives (beaucoup de [r] et de [f] ) : la encore, le travail est destine a persuader, hypnotiser la cigale. 2. Tirade de la cigale Comme le Renard, la Cigale vouvoie son interlocuteur, mais ne l’apostrophe pas : elle ne fait que repondre. Les registres majeurs sont didactique et accusatif : la cigale repond du tac au tac « je crois que l’on s’amuse » , reprenant le verbe croire du Renard, et laisse tomber les masques, en accusant le renard de prendre des « taux exorbitants » (v. 6). La cigale, au contraire du renard, ne cherche pas a persuader ni convaincre : elle ordonne, d’ou les phrases courtes : les alexandrins se font rares, mais les vers restent pairs (profusion d’octosyllabes). La non plus, il est impossible au Renard de protester : les phrases sont satures, s’enchainent sans laisser lieu a une reponse. Les sonorites sont majoritairement dentales ( en [d] et [t] ), symbolisant des ‘attaques’ : cela a aussi pour effet d’accelerer le rythme. IV. L’ASPECT APOLOGIQUE

La morale va souvent de pair avec son apologue : chez LF, celle-ci est implicite, mais on peut comprendre qu’il cherche a denoncer ce qu’il considere comme le « moindre defaut » (surement par ironie) de la bourgeoisie : le manque de solidarite. Cette morale est universelle (on peut meme trouver des exemples a notre epoque), et LF se veut cynique. Anouilh en parodiant la fable, introduit un univers contemporain, et la morale (implicite aussi) qu’il cherche a degager est « on trouve toujours plus cynique que soi » : n’est-ce pas une mise en abyme du cynisme de LF ?

Si on compare ce binome de fable avec celui de Le Chene et du Roseau (Chez LF et Anouilh) : la morale, implicite dans l’? uvre de LF, est reniee dans l’? uvre eponyme d’Anouilh : « la morale en est detestable » , puis denoncee ouvertement : « plier, plier toujours, n’est-ce pas deja trop / le pli de l’humaine nature ? ». Son auteur s’implique directement, au contraire de La cigale, pour defendre ses croyance : donner raison aux « grands » : ceux qui savent s’engager, subir, et rester digne au dela de la honte et de la mort : « je suis encore chene ». V. LE SYMBOLISME

Certains termes ont une force symbolique dans la fable de La Fontaine : tout d’abord, on peut voir une interpretation de la sincerite dans le regard (en particulier dans celui de la Cigale) : en effet, au debut de la fable, son regard est « noye sous le fard » (v. 11) : l’hypocrisie s’installe donc tres rapidement, cependant, dans la deuxieme partie, les masques tombent, et on decouvre une cigale au « regard d’acier » et a l’« ? il froid » : la veracite de la nature de la Cigale reprend le dessus ici. De plus, le jeu des regards est un element clef au theatre : imaginez quels regards chacun lancerait dans une telle piece ?

Un autre symbole omnipresent est la parole, qui symbolise ici la domination : des le premier paragraphe, le Renard tente de s’imposer : sa longue tirade n’a pour but que de faire signer le contrat a la cigale : il n’attend aucune reponse de sa part, cependant la cigale s’impose en prenant la parole jusqu’a la fin de l’apologue : elle detient le dernier mot et par cela, la victoire. En outre, on peut faire la aussi un rapport avec le theatre, ou la parole occupe certainement la place la plus importante dans le jeu de l’acteur : imaginez quels tons chacun emploierait.