Didier Lapeyronnie Mouvements sociaux et action politique. Existe-t-il une théorie de la mobilisation des ressources ? ln: Revue française de sociologie. 1988, 29-4. pp. 593-619. Citer ce document / Cite this document : Lapeyronnie Didier. Mouvements sociaux et action politique. Existe-t-il une théorie de la mobillsatlon des ressources ln: Revue française de sociologie. 1988, 29-4. pp. 593-619. http://www. persee. fr/web/revues/home/prescript/article/rfsoc 0035-2969 1988 nu Abstract there a resources m orss Sni* to View olitical action.
Is The approach in terms of resources mobilization theory must be onsidered as a full attempt at theory building. Conceived in the more general framework of participative democracy, it tries to analyze political action and social movements as a set of integrated values, without refering to the social system. Social movements are defined as strategic activities the Object of which is to enter the political system and as instrumental activities aiming at mobilizing social groups or individuals.
Yet the too exclusive link established between participation rates and soclal movements has not led to the construction of a unified theoretical perspective, Since it could not make the ationalist and the instrumental assumptions der partizipatorischen Demokratie ist diese Perspektive ein Versuch, das politische Handeln und die sozialen Bewegungen zu analysieren Ohne
Die sozialen Bewegungen werden als strategische Aktivitéten definiert, mit dem Ziel, Eingang in das politische System zu finden, und andererseits als instrumentale Aktivitâten zur Mobilisierung sozialer Gruppen Oder Individuen. Die zu ausschliesstiche Verbindung, die zwischen den Beteiligungsebenen und den sozialen Bewegungen hergestellt wurde, konnte jedoch nicht zur Erarbeitung einer inheitlichen theoretischen perspektive fiihren, da diese die rational istische und instrumentale Voraussetzung nicht mit der Analyse der Mobilisierungs- und Verpflichtungsprozesse vereinbaren konnte.
Resumen Didier Lapeyronnie : Movimientos sociales y action politica. Existe una teoria de la movilizaciôn de recursos ? El enfoque por la movilizacién de los recursos debe ser considerado como una tentativa de elaboracién te6rica de pleno derecho. Con arreglo a una concepciôn general de la democracia particionera, la movilizaciôn de los recursos intenta un anélisis de la acciôn politica y de los movimientos sociales sin eferirse al sistema social como un conjunto integrado de valores.
Los movimientos sociales son definidos como actividades estratégicas, teniendo por objetivo el ingreso al sistema politico y como actividades instrumentales, movilizando grupos sociales o individuos. Sin embargo, la relaci6n muy exclusiva, instituida entre los niveles de participacién y los movimientos sociales, no ha permitido la construcciôn de un enfoque teôrico unificado, aquello no pudiendo hacer la presup lista e 5 hacer la presuposici6n racionalista e instrumental compatible con los anélisis de los procesos de movilizaciôn y de compromisos.
Résumé La perspective de la mobilisation des ressources doit être considérée comme une tentative d’élaboration théorique à part entière. Dans le cadre d’une conception générale de la démocratie participative, elle est un essai d’analyser l’action politique et les mouvements sociaux sans référence au système social en tant qu’ensemble intégré de valeurs.
Les mouvements sociaux sont définis comme des activités stratéglques ayant pour objet l’entrée dans le système politique et comme des activités instrumentales de mobilisation d’ensembles sociaux ou d’individus. Cependant, la liaison trop exclusive ?tablie entre les niveaux de participation et les mouvements sociaux n’a pas permis la construction d’une perspective théorique unifiée, celle-ci ne pouvant rendre compatible le présupposé rationaliste et instrumental avec les analyses des processus de mobilisation et d’engagements.
R. franc, sociol, XXIX. 1988,593-619 Didier LAPEYRONNIE Mouvements sociaux et action politique Existe-t-il une théorie de la mobilisation des ressources ? * considérée comme une tentative d’élaboration théorique à part entière. Dans le cadre d’une conception générale de la démocratie elle est un essai PAGF nstrumentales de mobilisation d’ensembles sociaux ou d’individus.
Cependant, la liaison trop exclusive établie entre les niveaux de participatlon et les mouvements sociaux n’a pas permis la construction d’une perspective théorique unifiée, celle-ci ne pouvant rendre compatible le présupposé rationaliste et instrumental avec les analyses des processus de mobilisation et d’engagements. Depuis quelques années, la perspective de la mobilisation des ressources s’est imposée dans le domaine des mouvements soclaux et de l’action politique, au point d’être devenue largement dominante et d’avoir quelque eu éclipsé les approches précédentes.
Elle a donné lieu à de multiples études empiriques mais aussi à des tentatives de synthèses théoriques (1 En dehors de l’essoufflement des perspectives structurelles et psychosocial elle semble s’être développée pour deux raisons. La première est d’ordre général. La perspective de la mobilisation des ressources se développe à partir d’une conjoncture donnée, celle années soixante et de la multiplication des mouvements sociaux.
Aux Etats-Unis, les mouvements étudiants, les protestations contre la guerre au Vietnam, les émeutes raciales mais surtout le Mouvement des roits civiques constituent le terrain de réflexion privilégié sur lequel s’est PAGF OF Noirs dans la société américaine, alors en pleine expansion, et de la fin de la ségrégation légale, le Mouvement des droits Civiques, sanctlonné par le vote des Civil rights acts et Voting rights acts, eut surtout pour principale conséquence l’entrée des Noirs sur la scène politique américaine, leur situation économique ne s’étant que faiblement améliorée (Pinkney, 1984).
Ce dernier mouvement a fourni la référence, le modèle, voire 1’« idéal type » du mouvement social tel que l’envisage et le onstruit la perspective de la mobilisation des ressources. La seconde raison est d’ordre théorique. Il s’agit du succès rencontré par la théorie de Oison et son fameux paradoxe de l’action collective. Cette théorie permet d’analyser et d’expliquer la formation ou plutôt la nonformation de groupes de conflit et, surtout, met à jour les obstacles que peut rencontrer toute action collective (Oison, 1978).
L’analyse du rapport coûts/bénéfices de l’engagement dans l’action collective remplace posit ivement les hypothèses sur la frustration ou le décalage et offre un modèle ‘explication simple et rationnel ancré dans la tradition utilitariste. perspective de la mobilisation des ressources s’est construite autour des hypothèses de Oison, les adoptant parfois, les rejetant ou les modifiant, mais les discutant toujours.
Les modèles classiques se centraient essentiellement sur les causes ou PAGF S OF SS s’inspirant des analyses de Robert Michels et des acquis de la sociologie des organisations, elle analyse les mouvements sociaux en accordant une place centrale à leurs structures organisationnelles, aux interactions stratégiques entre les organisations et aux relations entre les rganisations ou les mouvements sociaux et leur environnement (Zald et Denton, 1963; zaid et Ashr 1966).
La mobilisation des ressources sert de point de référence à une multiplicité de travaux, parfols de manière très évasive, comme s’agissait d’une simple élaboration formelle qu’il serait possible d’utiliser dans l’analyse de n’importe quel objet, dans n’importe quelle orientation. Pourtant, elle se présente aussi comme une tentative de construction théorique originale. Elle doit donc être considérée comme telle et peut en conséquence être appréciée en fonction de ses propositions de base et de a capacité à rendre compte des objets qu’elle se propose d’étudier.
Cet article ne prétend pas en faire un bilan exhaustif ni s’interroger sur ses domaines d’application ou l’ensemble des concepts qu’elle utilise Oenkins, 1983). Nous voudrions, plus modestement, nous Interroger sur la manière dont est construit et analysé le problème des rapports entre mouvements sociaux et action politique à travers ce courant de la sociologie politique. PAGF 6 OF SS dans les années soixante.
Ces derniers ont fait éclater les modèles classiques, incapables de rendre compte de l’émergence d’une contestation u cœur même du système social, contestation qui n’était pas liée a une crise économique mais plutôt à une élévation générale du niveau de vie et d’éducation. Globalement, la perspective de la mobilisation des ressour ces s’attache d’abord à répondre aux questions posées par l’apparition de ces nouveaux mouvements sociaux aux Etats-Unis et en Europe occident au début des années soixante.
Selon elle, ces mouvements sont liés aux problèmes de l’intégration et de la participation et sont, au fond, faibl ement conflictuels. 1 . — Les mouvements sociaux survenus dans les années solxante nt amené, en effet, à remettre en cause les conceptions traditionnelles de la participation politique. Celle-ci était considérée comme « le cœur formule démocratique aux Etats-Unis elle était identifiée à la rationa lisation et à l’intégration du système social.
La participation révélerait donc un processus de modernisation qui se développe et qui trouve sa traduction dans les institutions démocratiques, permettant d’évacuer du meme coup les luttes idéoloeiques et I ts collectifs (2). PAGF 7 OF SS ne pouvait y être réduit, et devenait « aveugle » aux formes de arginalité ou d’exclusion existantes ainsi qu’à une possibilité de contesta tion interne. Il s’identifiait au fond à une sorte de conservatisme. Les mouvements des annees soixante ont amené à remettre en cause ce modèle en révélant l’écart entre les valeurs démocratiques proclamées et la réalité institutionnelle.
Si la démocratie est l’idéal de la participation la plus large des individus et des groupes sociaux, l’existence d’une élite du pouvoir est plus un obstacle qu’une garantie de l’exercice d’une citoyen neté libre et autonome. Ainsi, les mouvements sociaux des années soixante e sont développés à partir des valeurs mêmes de la démocratie américaine (2) « It is at the heart of democratic theory and at the heart of the democratic formula in the United States… Through participation one learns responsability. ln this sense, participation has more than instrumental value — it is an end in itself » (Verba et Nie, 1972, pp. et 5). Voir aussi Lipset (1962 et 1963) et Dahl (1971). 595 Revue française de sociologie et de l’opposition entre les autorités établies et la montée dune demande de participation (3). La perspective de la mobil PAGF 8 5 sources se place dans le dysfonctionne ents du système social, puisqu’ici ce sont les institutions et les autorités qui font obstacle à la modernisation et à la démocratisation. La critique du pluralisme et de l’image intégrée de la société américaine rejoint ici l’idéologie de la « nouvelle gauche » et des mouvements des annees soixante.
Les mouvements sociaux contestent en effet les autorités au nom de la démocratie. Leur objectif est une démocratie participative pleine et entiere : « Comment aboutir à une démocratie de participation constituée par des communautés indépendantes de personnes autonomes à l’abri de l’élite du pouvoir ? ? (Granjon, 1985, p. 214). L’action collective et politique n’est donc pas liée à une remise en cause des valeurs démocratiques de participation, mals peut se définir comme une contestation de l’autorité ou des formes d’autorité qui font obstacle à la réalisation de ces valeurs.
Lorsque les minorités entrent dans système politique, participant ainsi aux décisions les concernant, leur action s’institutionnalise et les mouvements sociaux disparaissent. Le déclin puis l’extinction de la contestation des années soixante n’ont pas d’autre explication : ils relèvent de l’incorporation progressive des inor ités dans le système politi , ce qui peut être PAGF 5 a). 2. ?? Le Mouvement des droits civiques et les mouvements qui ont suivi n’ont pas seulement Introduit l’idée de conflit à l’intérieur même du modèle de la démocratie participative, entre les élites et les groupes partisans d’une participation limitée d’un côté et, d’un autre, les citoyens et les minorités luttant pour l’accès de tous à la participation, c’est-à-dire l’égalité (4), mais ils ont aussi cassé l’image traditionnelle liant le dévelop pement de la participation aux formes conventionnelles d’action
La contestation n’est pas venue des marges du système, elle s’est située en (3) Pour une telle interprétation, voir Huntington, (1975), nglehart (1977), Barnes et Kaase (1979). (4) Pour une analyse de cette opposition 596 entre démocratie légale et « nouvelle droite » d’une part, et démocratie participative et « nouvelle gauche » d’autre part, voir Held (1 987, pp. 221 sq. ). Didier Lapeyronnle son centre. Ce sont en effet les citoyens dont le niveau de participation à la politique conventionnelle était le plus élevé qui ont été ? l’origine des mouvements sociaux. Bien lus le Mouvement des droits civiques a SS