09 Les Lites

09 Les Lites

Les élites La notion d’élite, utilisée par les sociologues, n’est intervenue que récemment comme élément de la réflexion historique. Pendant longtemps, celle-ci a eu recours à des notions rigoureuses, souvent juridiques. La noblesse, la bourgeoisie figuraient des ordres ou des classes bien distinctes, clairement définies, entre lesquelles n’existaient ni interférences ni communauté de dessein ou d’action, et qui étaient, la plupart du temps, antagonistes. Lhistoire se définissait alors comme une dialectique procédant par éliminations successives : une classe privilégiée, en position

Sni* to View to page dominante, dépositai à une classe montan l’éliminait et prenait ple,_ en 1789, la noblesse, par la bourgeoisie, « or 11 u passé, se heurtait s nouvelles, qui nsi la Révolution : ombattue et flouée stituait à elle et dominait à son tour l’appareil d’Etat. L’introduction dans la réflexion historique de la notion beaucoup plus complexe d’élite a remis en cause ces interprétations trop sommaires. L’élite se laisse moins aisément cerner que des catégories définies par des critères juridiques, comme l’ordre de la noblesse, ou économiques, comme la classe bourgeoise.

Si la recherche historique sur les élites s’est bornée aux sociétés d’Ancien Régime et censitaires, elle est heureusement relayée, pour la période contemporaine, par la réflexion sociologique. Mais

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on attend encore la synthèse qui décrira l’évolution du phénomène et l’expliquera dans la longue duré durée. I – Des grands hommes à l’élite Certes, les élites ont toujours constitué un objet de recherche prlvilégié de l’histoire sous la forme à la fois plttoresque et mondaine des grands destins individuels : chefs d’État, héros, grands capitaines…

Les groupes dirigeants eux-mêmes n’étaient pas appréhendés en tant que corps mais seulement sous les espèces de leurs leaders. L’étude des élites, non plus limitée aux « grands hommes mais étendue à l’ensemble des groupes sociaux qui dominent la société par leur influence, leur prestige, leur richesse, leur pouvoir (politique, économique, moral ou intellectuel), est née des interrogations posées depuis une clnquantaine d’années par une histoire qui renouvelait ses méthodes et élargissait son champ d’investigation en explorant les territoires voisins des autres sciences humaines.

Tandis que la sociologie, à partir des sociétés contemporaines, posait de nouvelles questions sur la structure, la formation, la circulation et le rôle des élites, l’histoire se tournait vers la vie des humbles, des classes rurales et des classes moyennes, et découvrait l’existence des élites dans les relations de dominants à dominés.

Ainsi, plus l’histoire s’engageait dans la voie d’une histoire « totale plus il devenait nécessaire et urgent de mener une réflexion sur les élites, pour mieux connaître les conditions réelles de la dépendance populaire, pour découvrir les instruments e la domination des élites, pour expliquer les phénomènes révolutionnaires et les mutations qui permirent de passer des sociétés d’ordres de l’Ancien Régime aux sociétés de notables du xixe siècle, et enfin à la démocratie.

Les filières PAG » 1 l’Ancien Régime aux sociétés de notables du xixe siècle, et enfin à la démocratie. Les filières de la mobilité sociale, les possibles passages d’une catégorie à l’autre, leur rythme et leur volume ont constitué un objet d’étude largement exploré. Les élites sont devenues de la sorte un des chapitres les plus dynamiques de l’histoire.

L’élite, telle qu’elle est définie aujourd’hui, s’est formée en trois étapes, en trois temps, qui correspondent à autant d’élargissements : à la noblesse fondée sur l’hérédité, valeur suprême des sociétés aristocratiques, s’est substituée l’élite des « propriétaires » qui dominent les sociétés bourgeoises, puis la démocratie a étendu son recrutement à la culture et aux compétences.

Schéma nécessairement sommaire – la noblesse n’exclut pas le mérite, la démocratie n’accorde pas la même estime à toutes les formes de savoir — mais qui correspond ? l’évolution globale. Il L’hérédité Jusqu’à une date variable selon les pays – plus tôt dans les pays qui ont connu un essor économique précoce, comme les Provinces-unies et l’Angleterre, plus tard dans les pays où la bourgeoisie peu nombreuse et peu active ne parvint que lentement à maturité, en Europe centrale et orientale-, a noblesse a constitué l’élite à la fois officielle et réelle.

Officielle, parce que son statut juridique la place dans une position de supériorité éminente ; réelle, car l’éducation dont elle bénéficie lui assure compétence et savoir, et longtemps cette supériorité n’est ni contestée ni mise en doute. Elle trouve la justification de sa position dominante dans l’hérédité Il y a dans les semences je ne sais quelle force et je ne sais quel pri PAGF30F11 dans l’hérédité (« Il y a dans les semences je ne sais quelle force et je ne sais quel principe qui transmet, et qui continue les inclinations des pères à leurs descendants », G. A. e La Roque, Traité de la noblesse, 1 678) et dans la pédagogie (« L’éducation que l’on prend soin de donner aux personnes dont la naissance est plus illustre et la condition plus avantageuse contribue beaucoup à ces sentiments généreux qui élèvent leur esprit au- essus de ceux du commun le père Ménestrier, Les Diverses Espèces de noblesse et les manières d’en dresser les preuves, 1685). D’une telle supériorité découlent tout naturellement des avantages honorifiques et utiles tels que privilèges juridiques ou fiscaux et monopole des grandes charges (ecclésiastiques, militaires ou civiles).

Anti-élite, puisqu’elle refuse en principe toutes les valeurs acquises par le travail, le talent et l’argent, la noblesse échappe en fait à cette définition étroite puisqu’elle admet fréquemment, par l’anoblissement, le mérite et la fortune. Ill – L’élite des propriétaires Dans un pays comme l’Angleterre, où le commerce puis l’industrie se sont développés très tôt, la formation d’une élite plus large, fondée sur la compétence et l’argent, était d’autant plus facile que la noblesse n’y était pas aussi strictement définie que dans les pays germaniques ou latins.

En France, c’est au cours du xviiie siècle que s’effectue le passage d’une noblesse héréditaire à une élite fondée sur la fortune, que consacre 1789 et qui s’épanouit dans les régimes censitaires de la première moitié du xixe siècle. Le xviiie siècle, où triomphe en France la monarchie dministrative, est marqué par trois PAGFd0F11 siècle.

Le xviiie siècle, où triomphe en France la monarchie administrative, est marqué par trois phénomènes qui concourent à la définition d’une classe supérieure recrutée sur des critères différents de l’hérédité : le triomphe de l’absolutisme et la volonté de l’État d’anéantir les privilèges attachés à la qualité nobiliaire qui limitent son autorité en plaçant leurs bénéficiaires hors du droit commun ; l’essor des forces productives qui enrichit une partie du peuple et lui permet d’accéder à la culture ; le développement es Lumières et de la philosophie qui remet en cause, dans l’esprit même de maints nobles, les valeurs traditionnelles, et provoque la promotion de nouvelles références – productivité, savoir, compétence. Autant de facteurs qui contribuent à déplacer le sens et les connotations du terme attaché à la désignation des classes dirigeantes. La Révolution française est très largement le résultat de la compétition entre ces deux notions également vivaces au xviiie siècle : naissance et mérite.

Dès la fin de l’Ancien Régime, la concurrence entre nobles et non-nobles est déjà, ans les consciences les plus éclairées, dépassée par le souci de définir les critères de reconnaissance de la nouvelle élite en formation. Assez curieusement, mais dans la logique d’une société marquée par ses origines et où l’activité économique et l’activité intellectuelle sont sinon suspectes, du moins marginales – n’oublions pas que la France, comme le reste de l’Europe ? l’exception de l’Angleterre et des Provinces-unies, est un pays essentiellement rural – et isolent plus qu’elles n’intègrent, c’est la propriété, précisément la propriété de la terre, qui s 1