Monsieur Hervé Defalvard Critique de l’individualisme méthodologique revu par l’économie des conventions ln: Revue économique. Volume 43, no 1, 1992. pp. 127-143. Abstract Methodological individualism revised by the economics of conventions : an critical analysis This paper investigates the methodological point of View of the Economies of Conventions. The latter is original because it attempts to apply the Popper-Agassi principle to the plan of the Economics of Conve of the market. n ord o c of Conventions prop s Snipe to between the methodological he collective nature e Economics lict of methods thodological holism. But, the positive contribution o the Economics of Conventions is fraught With obscured by ambi-guities and approximations. So as to to clarify those, this paper carries out a distinction between the functional holism and the morphogenetical individualism. ln this frame, the Economics of Conventions needs a new methodological holism sketched in our conclusion.
Résumé Cet article se propose d’analyser la position méthodologique défendue par l’économie des conventions. Celle-ci, en accordant principe de Popper-Agassi à son projet d’explicitation de la imension collective du lien marchand, occupe une position originale que nous proposons entre un individualisme morphogénétique et un holisme fonctionnel. Placé dans ce cadre, le projet de l’économie des
Citer ce document / Cite this document : Defalvard Hervé. Critique de l’individualisme méthodologique revu par l’économie des conventions. In: Revue économique. Volume 43, Ml, 1992. pp. 127-143. http://vww. persee. fr/web/revues/home/prescript/article/reco 0035-2764 1992 num 43 1 409341 Critique de l’individualisme méthodologique revu par l’économie des conventions * Hervé Defatvard défendue par l’économie des conventions.
Celle-ci, en accordant le principe de Popper-Agassi à son projet d’explicitation de la dimension collective du lien marchand, occupe une position originale par rapport aux tentatives précédentes de dépassement de la querelle des méthodes. Son apport toutefois s’accompagne d’ambiguités, d’impré cisions qui obligent à un effort de clarification qui passe par une distinction que nous proposons entre un individualisme morphogénétique et un olisme fonc tionnel.
Placé dans ce cadre, le projet de l’économie des conventions commande PAGF 0 que l’hypothèse d’une dimension collective ou commune entre les agents — comme condition première de leur coordination — ne doit pas condulre à abandonner l’individualisme méthodol ogique_ Au contraire, cette hypothèse est conciliable avec le principe de Popper-Agassi, selon lequel « on ne doit pas prêter aux objets collectifs ni désirs, ni intérêts »2.
Dans le second paragraphe, ils précisent que leur hypo* Ce papier a son origine, d’une part, dans les débats suscités par la Table onde organisée par le CAESAR en mai 1 989 sur 1 économie des convent ions» et, d’autre part, dans un échange avec J. -P. Dupuy lors des Journées d’études sur « le marché chez Adam Smith » à Nanterre en juin 1989. sa verson définitive tient compte des remarques constructives formulées par les deux rapporteurs de la Revue économique auxquels vont mes remerciements. . Il s’agit de J. -P. Dupuy, F. Eymard Duvernay, O. Favereau, A. Orléan, R. Salais, L. Thévenot, dans la Revue économique, 2, mars 1989. 2. Ibid. , p. 143. Revue économique — NO l, janvier 1992, p. 127-144. 127 Revue économique hèse centrale, qui accorde au lien marchand une dimension collective, implique en fait de dépasser le vieux débat entre l’individualisme méthodologique et le holisme méthodologique otés IM et HM. ce PAGF 30 Schématiquement, nous avons . ??holisme eindividus convention > individualisme morphogénétique • Tenir ensemble ces deux niveaux oblige alors à dépasser les positions anciennes où le HM et IIIM s’excluaient mutuellement, pour s’acheminer vers une position médiane qui, dans l’introduction, demeure floue, imprecise. D’autant plus imprécise que le dernier paragraphe de l’introduction collective et rogrammatique revient sur cette question pour affirmer qu’une contrainte méthodologique, due à la complexité des objets collectifs considérés, fait res sortir comme handicap, et non plus comme atout, la stratégie de réduction de l’IM2.
Doit-on en conclure que l’économie des conventions ne retient que le holisme fonctionnel et délaisse l’individualisme morphogénétique ? En tous les cas, une hésitation ici se marque. Elle traduit en partie une hétérogénéité des positions des contributeurs sur la méthodologie en sciences sociales, que le choix d’un emblème commun — l’économie des conventions — e parvient pas à masquer3. Elle est, plus profondément, le signe d’une difficulté.
La nature de celle-ci nécessite, pour être mise à ‘Our, un travail important de précision des 0 entre PIM et le HM. 1. Ibid. , p. 145. 2. Ibid. 3. Cet éclatement des points de vue méthodologique est notamment apparu au cours des discussions de la Table ronde sur l’économie des ions organisée par le CAESAR. En effet, lors de celles-ci, O. Favereau a défendu une position proche de l’individualisme d’Agassi (voir ci-dessous) alors que, dans le même temps, A. Orléan soutenait une vue plus holiste, plus durkheimienne . 8 Hervé Defalvard LA QUERELLE DES METHODES ET SES RENOUVELLEMENTS L hésitation devant la stratégie réductionniste qui caractérise l’IM1 gne,en réalité, de la difficulté à dépasser le conflit des méthodes, dans la mesure où le HM résiste à l’incorporation d’une once d’individualisme sous la forme du principe de Popper- Agassi. Avant d’analyser la nature de cette diffi culté, il convient au préalable de revenir sur le vieux débat afin de mieux préciser chacun des pôles de ce dernier.
Dans un deuxième temps, nous revien drons sur les tentatives antérieures de dépassement de ce dualisme métho ologique afin de montrer par rappo PAGF s 0 res l’apport et les limites la surface du social l’œuvre souterraine des « forces du capital Pour caractériser chacune de ces posltions qui n’ont plus cours aujourd’hui, nous suivrons la description qu’Agassi en proposez Ce dernier relève trois niveaux où peuvent se nourrir les antagonismes de méthode entre lilM et le HM, et qu’il présente sous la forme d’un tableau (a) Holisme (b) Individualisme 1 .
La société forme un tout qui est plus que ses parties. Seuls les individus ont des buts et des intérêts. 2. La société affecte les choix individuels. 3. La structure sociale influence les comportements individuels. L’individu agit selon ses intérêts dans un contexte fixé. La structure sociale est modifiable par les individus. 1 . Ainsi, pour J.
Elster « l’individualisme méthodologique est une forme de réductionnisme qui affirme que tout phénomène social — que ce soit un processus, une structure, une institution, un habitus — se laisse expliquer par les actions et les propriétés d ui en font partie » [1 986], intérêts propres et des buts distincts (de ceux des individus) » Si cette proposition est acceptée, alors l’IM et le HM deviennent deux points de ue qui, mutuellement, s’excluent. Le HM s’assimile au point de vue selon lequel l’intérêt individuel est limité par l’intérêt social, qui suppose que le « tout » possède des intérêts.
L’IM, à l’inverse, correspond au point de vue pour lequel seuls les intérêts individuels existent sans devoir pour cela s’appuyer sur des objets collectifs. J. Agassi nomme cette forme d’individualisme, un « individualisme psychologique hl. Comme l’a justement remarqué M. Blaug2, le point où s’affrontent l’IM et le HM peut se résumer à la question de la réduction ou non des agrégats sociaux à une dimension ndividuelle. Plus généralement, le débat entre l’IM et le HM engage la question du passage de la micro-économie à la macro-économie, dont l’importance théorique n’échappe ? personne.
En suivant sur ce point difficile R. Weintraub3, nous rappellerons utilement que ce passage s’opère selon deux voies rivales en économie aujourd’hui. Celle, d’une part, des nouveaux classiques qui étendent et adaptent leur modèle d’Équilibre général, fondé sur des comportements indivlduels à la rationalité parfaite, au cadre de la macro-économie héritée de Keynes. Celle, d’autre part, es post keynésiens qui recherchent au niveau des groupes (syndicats ou monop PAGF 7 0 une question de méthode.
Elle doit, afin d’être traitée avec succès, être couplée avec des considérations ontologiques5. En effet, 1. op. cit. , p. 187. 2. M. Blaug [1982], p. 45. Ce dernier adopte sur la question de la réduction individualiste des objets sociaux une position pragmatique — proche de celle de Brodbeck 973], p. 293) — , selon laquelle il ne convient pas d’attendre que la macro -économie ait trouvée ses fondements micro- économiques pour la développer. 3. R. weintraub [1980], p. 6-15. 4.
Ainsi, les post-keynésiens expliquent ils la relation macro- économique, qui formule que la variation du niveau général des prix est proportionnelle à la différence entre la variation du taux de salaire et l’évolution de la productivité, par le comportement conjugué des syndicats et des monopoles. plus récemment, J. Stiglitz [1985, 1987] a proposé de nouveaux fondements micro- economlques (basés sur l’existence d’une information asymétrique) à la macro- econamle keynésienne, qui sont à mi-chemin entre les nouveaux classiques et les postkeynésiens. 5.
L. Laudan [1986] est l’un des rares épistémologues et istoriciens des sciences à avoir insisté sur les liens étroits que la méthodologie entretient avec l’ontologie. Selon ce dernier, on ne peut dire que « l’individualisme ontologique et IIIM entretiennent le même ra ort que celui entre le chien constellation PAGF 8 0 couplage de la méthode avec l’ontologie autorise d’échapper ? une certaine caricature des positions selon laquelle l’IM ne connaît que les individus et ignore les totalités, alors que le HM gomme les individus sous les totalités agissantes.
Nous prendons, pour illustrer notre propos, deux exemples de couplage de a méthode avec l’ontologie. Exemple 1 Observateur -b croyant que les (ndividus agissent sur eux« Objets collectlfs Dans une telle société, que nous qualifierons de religieuse, ni l’IM ni I’HM ne s’imposent a priori. L’observateur peut analyser ces croyances soit comme des productions collectives, qui sur les individus agissent, soit comme les expressions des intérêts individuels. Ainsi, l’IM ici serait compatible avec le fait que les individus pensent être agis par des entités collectives.
Exemple 2 et ses enjeux s’éclaireront tout au long de notre étude, notamment lors de notre onclusion critique. 131 Les tentatives de dépassement Le dépassement du dualisme méthodologique que proposent dans leur introduction programmatique les économistes des conventions n’est pas un pro jet neuf, puisqu’il s’inscrit à la suite d’essais du même ordre. Ces derniers ont rencontré, eux aussi, l’oscillation entre l’une ou l’autre des positions premières, jamais véritablement dépassées par leur propre synthèse. Nous présenterons ainsi l’individualisme frileux de R. Boudon, puis l’individualisme institutionnaliste de J.
Agassi, duquel s’inspire largement l’individualisme des écono istes des conventions. L’indlvidualisme frileux de R. Boudon De l’affrontement entre l’IM pour lequel « la société ne fait pas système »x et le HM pour lequel la société agit les individus, une première voie de dépassement se dessine avec les travaux de R. Boudon2. Elle prend le che min d’une importation en sociologie de l’individualisme des économistes3, suivant un conseil de M. Weber4. Cette importation a pour conséquence de concilier l’IM avec le principe sociologique, selon lequel la société forme un systèmes. Le renouvellement qui en IM se traduit par une