Dieu sans id e de mal

Dieu sans id e de mal

Dieu sans idée de mal Jean-Miguel Garrigues, Dieu sans idée du mal, La liberté de l’homme au cœur de Dieu, ch. XI « Dieu sans idée de mal 1997, Desclée, pp. 168-184 Il peut sembler bien audacieux de proclamer dans le monde d’aujourdhui que Dieu n’a pas l’idée du mal, et, plus radicalement encore, que Dieu n’a pas idée du mal. Est-ce une provocation ? Est-ce le rêve d’un Dieu « angélique » ?

Ce titre pourtant, je l’ai donné à ce livre parce qu’un jour il m’a frappé et comme ébloui . La phrase elle-même vient de saint Thomas d’Aquin, un grand Docteur de l’Eglise qui n’a pas ‘habitude de se laisser emporter par les mots et qui parle toujours d’une maniè comme bien d’autres u or2S Théologique ; mais je er : toute sa portée. IJn h Cet homme, ou plutô -s lue, de fait, dans la Somme saisi le sens dans e l’a fait découvrir. un homme et d’une femme mariés, je veux les nommer : Jacques et RaiSsa Maritain, ces deux grands témoins de l’innocence de Dieu à travers une vie où les souffrances n’ont pas manqué, dans un monde bouleversé par les pires manifestations de la haine

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idéologique, du racisme, du totalitarisme, fléaux de l’enfer que notre siècle a vu se déchaîner. Voilà que cet homme et cette femme, par toute leur vie de recherche théologique mais surtout à travers l’expérience spir Swipe to View next page spirituelle qui la sous-tend, ces convertis, ont été éblouis par l’innocence de Dieu et ont su la faire découvrir autour d’eux.

Jadis, on parlait du « Bon Dieu Je voudrais dire de manière absolue que Dieu est bon ; le dire en reprenant humblement, ? la suite de ces deux grands témoins de notre siècle, l’écho de la parole de saint Thomas d’Aquin : « Dieu n’a pas idée du mal Face au scandale du mal, deux solutions se présentent à notre esprit. La première, c’est de nier Dieu à cause du mal. on s’est entendu dire et on s’est surpris à se dire à soi-même, à certains moments : « Si Dieu existait, le mande ne pourrait pas aller comme il va ! ? Mais nier Dieu à cause du scandale du mal n’est peut-être pas en fin de compte la plus mauvaise des solutions. Je voudrais laisser la parole à Jacques et à Ra•lssa Maritain. Cette dernière écrivait dans son Journal : « Nier Dieu parce que toute la nature gémit, c’est seulement décharger Dieu de la responsabilité d’une création telle que la souffrance y est inévitable. C’est la reuve que nous avons un tel amour naturel de Dieu (inscrit dans la nature même) gue, même lorsqu’il se réfugie dans les profondeurs de l’inconscience, il nous reste le désir d’innocenter Dieu de tout le mal dont souffrent les hommes » [1].

Nier Dieu ? cause du mal, c’est comprendre au moins que Dieu ne peut pas avor partie liée avec lui lui. N’est-ce pas, en un sens très obscur, parler malgré tout à la manière de Job ? Dans ce domaine il vaut mieux parler comme J OF obscur, parler malgré tout à la manière de Job ? Dans ce domaine il vaut mieux parler comme Job, il vaut’mieux aller même usqu’à l’outrance dela négation de Dieu, que de rester dans le blasphème des amis de Job et de leur théodicée prétendant expliquer comment, dans ses desseins, Dieu inclut le mal.

L’autre solution, qui représente la voie royale de la foi chrétienne, c’est de découvrir positivement que le Dieu Innocent existe et que c’est le Dieu vivant, le seul vrai Dieu. Paradoxalement, je citerai, comme témoin de l’innocence de Dieu, Lautréamont, un poète du XIXème siècle dont an a dit qu’il portait,’dans sa révolte côntre les abominations de ce monde,la « bonne nouvelle de la « Si l’on se rappelle la vérité d’où découlent toutes amnation » les autres, la bonté absolue de Dieu et son ignorance absolue du mal, les sophismes s’effondreront d’eux-mêmes » [2].

Cette phrase est volontairement scandaleuse. Lautréamont, dans son outrance, ne parle plus seulement d’un Dieu qui n’a pas idée du mal, mais d’un Dieu qui ignore absolument le mal. Ici sans doute il va trop loin. L’évangile de saint Jean On 2, 25) ne dit-il pas ? propos de Jésus : « Il les connaissait tous. Il n’avait pas besoin d’un témoignage sur l’homme , car lui-même connaissait ce qu’il y a dans l’homme » ? Dieu sonde les reins et les cœurs Or 11, 20), la Blble nous le dit. Dieu ne conçoit pas le mal parce que quelque chose échapperait à sa connaissance.

Mais ce que Lautréamont pressentait c’est que Dieu n’est, en chose échapperait à sa connaissance. Mais ce que Lautréamont pressentait c’est que Dieu n’est, en aucune manière, Finventeur du mal, pas même comme l’auteur d’un scénario. Jacques Maritaln a lutté pour déraciner des consciences chrétiennes cette idée d’un Dieu auteur d’un scénario écrit à l’avance où le mal serait déjà programmé, où Dieu aurait déjà pris son parti du mal et l’aurait intégré comme un élément certe négatif mais somme toute utile. Souvent nous ne pensons pas à Dieu, écrit-il…

Comme à un Père de la volonté duquel ses enfants, dans cette incoercible liberté qui est leur privilège inouï, font à chaque instant mépris – d’où les surcompensations divines mais comme à un Empereur de ce monde, un Potentat-Dramaturge qui serait lui-même, par des permis de faillir qui précéderaient nos défaillances et où d’avance il abandonnerait la créature à elle- même, le premier auteur des péchés du monde et de toute sa misère, et qui se plairait au spectacle ainsi fixé par lui du déroulement d’une histoire humaine où le mal abonde bominablement.

C’est cette idée absurde et intolérable du Potentat-Dramaturge insensible dans son ciel au mal des personnages auxquels il fait jouer sa pièce de théâtre, qui est cachée au fond de la révolte contre Dieu d’une grande masse de non-chrétiens Cette révolte, comme celle de Job, parle en creux du vrai Dieu , elle montre que notre conscience ne se résigne pas à un tel blasphème. Pourtant l’idée d’un Dieu auteur du scénario qui inclut le mal r pas à un tel blasphème. Pourtant Vidée d’un Dieu auteur du scénario qui inclut le mal ronge notre Inconscient chrétien…

Si Dieu n’a pas idée du mal, c’est qu’il n’a pas en lui de matrice intelligible du mal. Dieu ne peut concevoir le mal ; car tout ce que Dieu conçoit, il le crée : c’est l’être, le bien, la vie. es « idées » de Dieu sont la manière dont ses créatures participent à ses perfections. Le mal, lui, n’est pas, et Dieu ne peut pas le connaître par idée. Riên en lui ne correspond au mal. Le mal n’est pas, disons-nous. Mais cette affirmation ne suffit pas ; et certains, à juste titre, se révoltent en entendant dire que le mal n’est pas, alors que nous pouvons tous constater les ravages qu’il fait dans la vie des hommes.

On ne peut pas en rester là. Le mal n’est pas « quelque chose » ; mais il n’est pas non plus la simple négation de « quelque chose Il n’est pas seulement une absence, il est une privation. Sa carence réside dans le fait qu’il est un désordre, un rapport désordonné entre deux biens. Le dualisme manichéen, qui, dans ce domaine, nous guette toujours, voudrait nous faire imaginer le mal comme une puissance mauvaise en quelque sorte existant par elle-même. Il n’en est rien. Quelques exemples permettent de le comprendre.

Nous disons qu’un tremblement de terre est un « mal » ; mais n tremblement de terre est une force de la nature, pulssante et belle comme peut l’être ‘éruption d’un volcan. Un tremblement de terre est un mal, quand le rapport qu’il entretient PAGF s OF l’être l’éruption d’un volcan. Un tremblement de terre est un mal, quand le rapport qu’il entretient avec une réalité plus grande et plus haute que les forces cosmiques, à savoir la personne humaine appelée par grâce à l’immortalité, blesse celle-ci dans son intégrité.

Quand le tremblement de terre, comme le microbe, porte atteinte à un bien supérieur, nous nous revoltons contre ce désordre. Il faut bien distinguer du mal proprement dit la part de désordre que comporte la création et qui n’est qu’un « mal » par imperfection. Le monde, dit la Genèse (Gn 1, 2) a été créé en état de « tohu » et « bohu » . Le véritable mal atteint l’être en tant que personne. Même la douleur des animaux ne blesse pas un être à vocation d’immortalité et ne peut donc pas être idtntifiée purement et simplement avec la souffrance et la mort des humains.

Le mal est scandaleux quand il affecte une personne. Cela indique que sa source est à chercher dans la personne elle- même. Si par sa propre initlative de néant, Pâr son propre péché, il n’était pas tombé au-dessous de l’état de royauté cosmique auquel fait allusion la Bible (Gn 1, 26), l’homme n’aurait pas subi le cycle cosmique de la génération et de la corrirption mais l’aurait dominé. Il l’aurait réîéré à un ordre nouveau et définitif, porteur du fruit de l’immortalité : l’ordre de la justice et de la charité.

Mais alors pourquoi Dieu a-t-il fait l’homme faillible ? Écoutons de nouveau Jacques Maritain : La pécabilité de la créature est [… ] la rançon faillible ? Écoutons de nouveau Jacques Maritain : La pécabillté de la créature est la rançon de l’effusion de la Bonté créatrice, qui pour se donner personnellement au point de transformer en elle un autre qu’elle, doit être librement aimée d’amitié, et qui pour être librement aimée d’amitié doit faire des créatures libres, et qui pour les faire libres doit les faire failliblement libres.

Sans libertéfallible, pas de liberté créée ; sans liberté créée, pas d’amour d’amitié entre Dieu et la créature ; sans amour d’amitié entre Dieu et la créature, pas de transformation surnaturelle de la créature en Dieu, pas d’entrée e la créature dans lajoie de son seigneur » En définitive, on ne peut reprocher au Créateur que de nous avoir trop aimés. Il faut ici oser reprendre la magnifique expression des Pères orientaux : amour fou de Dieu pour les hommes .

Parce qu’Il nous appelait au choix préférentiel qu’exigent l’amour et l’amitié, parce qu’Il voulait que nous Le choisissions poul lui-même, Dieu nous a mis sur le Chemin d’une creation tumultueuse. Mais il est venu marcher avec nous, comme un mendlant, pour nous demander de l’aimer par-dessus tout. Nous cheminons à travers un cosmos dont l’ordre est inachevé , t notre Bien ultime, le Bien-aimé, se donne à nous, comme l’imaglnait le Moyen-Age, sous les tralts du Christ-pèlerln.

Nous devons le découvrir sous les espèces des biens particuliers qu’Il nous apprend à ordonner en fixant sur Lui le désir de notre cœur. De seuil e 7 OF qu’Il nous apprend à ordonner en fixant sur Lui le désir de notre cœur. De seuil en seuil, de commencement en commencement, nous apprenons à préférer l’Amour: celui-ci se révélera ultimement comme le secret même de sa vie trinitaire où Il veut nous introduire.

En créant des personnes dans le monde, Dieu a introduit en lui es aspirations qui le dépassent. C’est seulement quand la créature intelligente et libre aime- Dieu en vertu de sa liberté… d’un amour de libre option, qu’elle l’aime par-dessus tout comme objet d’un amour qui porte sur Lui indépendamment de tout objet créé, ou va uniquement ? Dieu en tant même qu’il est séparé de tous dans son absolue slngularlté (amour de Dieu « dlrect comme acte à part, et sans intermédiaire, de personne à personne).

Il en est ainsi parce que pacte du libre arbitre comme tel n’est pas de ce monde ; dans l’ordre naturel lui-même, il n’appartient pas au monde de a création, au monde de ce qui a été fait, – c’est pourquoi les anges, auxquels est due pourtant la connaissance de tout ce qui appartient au monde de la création, ne savent pas les secrets des cœurs… a personne, passant au-delà de ce monde, franchit sans intermédiaire Pabîme entre le créé et l’Incréé pour se donner ? l’Incréé Si Dieu ne nous avait pas fait personnes « à son image et à sa ressemblance » (Gn 1, 27), le monde nous suffirait. L’impasse des hypothèses philosophiques sur le « meilleur des mondes » réside là. Nous serions heureux dans ce monde si nous avions eté c 8 OF