Corpus : Mérimée, Barbey d’Aurevilly, Zola, Gourmon

Corpus : Mérimée, Barbey d’Aurevilly, Zola, Gourmon

Énoncé Texte 1 Le narrateur rencontre Carmen pour la première fois et en fait le portrait à une de ses connaissances. « J’étais donc le nez sur ma chaîne, quand j’entends des bourgeois qui disaient : « Voilà la gitanilla ! » Je levai les yeux, et je la vis. Cétait un vendredi, et je ne l’oublierai jamais. Je vis cette Carmen que vous connaissez, chez qui je vous ai rencontré il y a quelques mois.

Elle avait un jupon rouge fort court qui laissait voir des bas de soie blancs avec plus d’un trou, et des souliers mignons Swp to page de maroquin(l) roug Elle écartait sa mantil afi bouquet de cassie(2) so une fleur de cassie d se balançant sur ses se he ns couleur de feu. paules et un gros e. Elle avait encore et elle s’avançait en uliche du haras(3) de Cordoue. Dans mon pays, une femme en ce costume aurait obligé le monde à se signer(4). ? Séville, chacun lui adressalt quelque compliment gaillard sur sa tournure ; elle répondait à chacun, faisant les yeux en coulisse, le poing sur la hanche, effrontée comme une vraie bohémienne qu’elle était. D’abord elle ne me plut pas, et

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je repris mon ouvrage ; mais elle, suivant l’usage des femmes et des chats qui ne viennent pas quand on les appelle et ui viennent quand on ne les appelle pas, s’arrêta devant moi et m’adressa la parole : – Compère, me dit-elle à la façon andalouse, veux-tu me donner ta chaîne po pour tenir les clefs de mon coffre-fort ? Cest pour attacher mon épinglette(5), lui répondis-je. – Ton épinglette ! s’écria-t- elle en riant. Ah ! Monsieur fait de la dentelle, puisqu’il a besoin d’épingles. Tout le monde qui était là se mit à rire, et moi je me sentais rougir, et je ne pouvais trouver rien à lui répondre. – Allons, mon cœur, reprit-elle, fais-moi sept aunes(6) de dentelle oire pour une mantille, épinglier(7) de mon âme ! Et prenant la fleur de cassie qu’elle avait à la bouche, elle me la lança, d’un mouvement de pouce, juste entre les deux yeux. Monsieur, cela me fit l’effet d’une balle qui m’arrivait…

Je ne savais où me fourrer, je demeurais immobile comme une planche. Quand elle fut entrée dans la manufacture, je vis la fleur de cassie qui était tombée à terre entre mes pieds ; je ne sais ce qul me prit, mais je la ramassai sans que mes camarades s’en aperçussent et je la mis précieusement dans ma veste. Première sottise ! » Prosper Mérimée, Carmen, 1845 Texte 2 Au début de la nouvelle, le narrateur met en scène Robert de Tressignies, un aristocrate libertin et quelque peu blasé. Intrigué et fasciné par la beauté et le comportement provocant d’une prostituée, il se met à la suivre dans les rues de Paris. ? Tressignies se disait confusément tout cela en mettant son pas dans le pas de cette femme, qui marchait le long du boulevard, sinueusement, le coupait comme une faux, plus fière que la reine de Saba(8) du Tintoret(9) lui-même, dans sa robe de satin safran, aux tons d’or, – cette couleur aimée des jeun OF Tintoret(9) lui-même, dans sa robe de satin safran, aux tons d’or, – cette couleur aimée des jeunes Romaines, – et dont elle faisait, en marchant, miroiter et crier les plis glacés et luisants, comme un appel aux armes !

Exagérément cambrée, comme il est rare de l’être en France, elle s’étreignait dans un magnifique châle turc à larges raies blanches, écarlate et or ; et la plume rouge de son chapeau blanc — splendide de mauvais goût – lui vibrait jusque sur l’épaule. On se souvient qu’à cette époque les femmes portaient des plumes penchées sur leurs chapeaux, qu’elles ppelaient des plumes en saule pleureur. Mais rien ne pleurait en cette femme ; et la sienne exprimait bien autre chose que la mélancolie.

Tressignies, qui croyait qu’elle allait prendre la rue de la Chaussée-d’Antin, étincelante de ses mllle becs(10) de lumiere, vit avec surprise tout ce luxe piaffant de courtisane, toute cette fierté impudente de fille enivrée d’elle-même et des soies qu’elle traînait, s’enfoncer dans la rue Basse-du-Rempart, la honte du boulevard de ce temps ! Et l’élégant, aux bottes vernies, moins brave que la femme, hésita avant d’entrer là-dedans… Mais ce e fut guère qu’une seconde…

La robe d’or, perdue un instant dans les ténèbres de ce trou noir, après avoir dépassé l’unique réverbère qui les tatouait d’un point lumineux, reluisit au loin, et il s’élança pour la rejoindre. Il n’eut pas grand-peine : elle l’attendait, sûre qu’il viendrait ; et ce fut, alors, qu’au moment où il la rejoignit elle lui projeta bien en face, pour qu’il pût en juge alors, qu’au moment où il la rejoignit elle lui projeta bien en face, pour qu’il pût en Juger, son visage, et lui campa ses yeux dans les yeux, avec toute l’effronterie de son métier.

Il fut littéralement aveuglé de la magnificence de ce visage empâté de vermillon(11) mais d’un brun doré comme les ailes de certains insectes, et que la clarté blême, tombant en maigre filet du réverbère, ne pouvait pas pâlir. » Jules-Amédée Barbey d’Aurevilly, La Vengeance d’une femme, Les Diaboliques, 1874 Texte 3 Bordenave, le directeur du théâtre des Variétés, lance une débutante à grand renfort de publicité dans son nouveau spectacle, La Blonde Vénus. Au début de la représentation, le public s’impatiente. « À ce moment, les nuées, au fond, s’écartèrent, et Vénus parut.

Nana, très grande, très forte pour ses dix-huit ans, dans sa tunique blanche de déesse, ses longs cheveux blonds simplement dénoués sur les épaules, descendit vers la rampe(12) avec un aplomb tranquille, en riant au public. Et elle entama son grand air : Lorsque Vénus rôde le soir… Dès le second vers, on se regardait dans la salle. Était-ce une plaisanterie, quelque gageure(13) de Bordenave ? Jamais on n’avait entendu une voix aussi fausse, menée avec moins de méthode. Son directeur la jugeait bien, elle chantait comme une seringue(14).

Et elle ne savait même pas se tenir en scène, lle jetait les mains en avant, dans un balancement de tout son corps, qu’on trouva peu convenable et disgracieux. Des oh ! oh ! s’élevaient déjà du parterre et des petites places, on sifflotait, convenable et disgracieux. Des oh ! oh ! s’élevaient déjà du parterre et des petites places, on sifflotait, lorsqu’une VOIX de jeune coq en train de muer, aux fauteuils d’orchestre, lança avec conviction : – Très chic ! Toute la salle regarda. Cétait le chérubin(1 5), l’échappé de collège, ses beaux yeux écarquillés, sa face blonde enflammée par la vue de Nana.

Quand il vit le monde e tourner vers lui, il devint très rouge d’avoir ainsi parlé haut, sans le vouloir. Daguenet, son voisin, l’examinait avec un sourire, le public riait, comme désarmé et ne songeant plus à siffler ; tandis que les jeunes messieurs en gants blancs, empoignés eux aussi par le galbe de Nana, se pâmaient, applaudissaient. – Cest ça, très bien ! Bravo ! Nana, cependant, en voyant rire la salle, s’était mise à rire. La gaieté redoubla. Elle était drôle tout de même, cette belle fille. Son rire lui creusait un amour de petit trou dans le menton.

Elle attendait, pas gênée, familière, entrant tout e suite de plain-pied avec le public, ayant l’air de dire elle-même d’un clignement d’yeux qu’elle n’avait pas de talent pour deux liards(1 6), mais que ça ne faisait rien, qu’elle avait autre chose. Et, après avoir adressé au chef d’orchestre un geste qui signifiait : « Allons-y, mon bonhomme! », elle commença le second couplet : À minuit, c’est Vénus qui passe… C’était toujours la même voix vinaigrée, mais à présent elle g attait si bien le public au bon endroit, qu’elle lui tirait par moments un léger frisson.

Nana avait gardé son rire, qui éclairait sa petite PAGF s OF par moments un léger frisson. Nana avait gardé son rire, qui éclairait sa petite bouche rouge et luisait dans ses grands yeux, d’un bleu très clair. À certains vers un peu vifs, une friandise retroussait son nez dont les ailes roses battaient, pendant qu’une flamme passait sur ses joues. Elle continuait à se balancer, ne sachant faire que ça. Et on ne trouvait plus ça vilain du tout, au contraire ; les hommes braquaient leurs jumelles. Comme elle terminait le couplet, la voix lui manqua complètement, elle comprit qu’elle n’irait jamais au bout.

Alors, sans s’inquiéter, lle donna un coup de hanche qui dessina une rondeur sous la mince tunique, tandis que, la taille pliée, la gorge renversée, elle tendait les bras. Des applaudissements éclatèrent. Tout de suite, elle s’était tournée, remontant, faisant vor sa nuque où des cheveux roux mettaient comme une toison de bête ; et les applaudissements devinrent furieux. » Émile zo•a, Nana, 1880 Texte 4 Le narrateur s’est arrêté dans une auberge. Ily fait la rencontre d’une servante dont les yeux à la couleur étrange le fascinent.

Quand il lui demande de s’approcher afin qu’il puisse mieux les voir, elle lui déclare : ? Ils font peur et ils ont toujours fait peur, mes yeux d’eau. C’est de l’eau, deux gouttes d’eau qu’on croirait prises dans la rivière, n’est-ce pas ? Ma mère avait les mêmes yeux d’eau, et quand elle mourut, dès que le cœur cessa de battre, ses yeux se fondirent comme deux morceaux de glace, et lui coulerent le long des joues. J’ai vu ça, j’étais toute petite et j’y pe 6 OF deux morceaux de glace, et lui coulèrent le long des joues.

J’ai vu ça, j’étais toute petite et j’y pense tous les jours, tous les matins, quand je me coiffe. Mes yeux s’en iront comme ceux de ma mère, t parfois j’ai peur qu’ils ne s’en aillent, moi vlvante, et ne s’en retournent à la rivière couler sous les joncs(17) et sur les pierres. je n’ai jamais pleuré. Sils pleuraient, ils s’en iraient, mes pauvres yeux. Pleurer, j’en eus envie, une fois ; il y a si longtemps ! Une seule fois, mais depuis je me suis durci le cœur à tel point que rien ne peut plus l’émouvoir – car je tiens à mes yeux.

C’est mon épouvantail, c’est mon arme contre le désir des hommes. Toute laide et vieille que je suis, je leur plairais encore, pour un quart d’heure quand ils sont ivres et qu’ils ont vu mes mains. Souvent je viens au moment des querelles et, baissant les yeux, je prends doucement la main qui se lève. On m’obéit, on garde mes doigts, on les baise, on cherche à me fouetter le sang par une grossièreté passionnée – mais, redressant la tête, je fixe le mâle de mes yeux froids, de mes yeux d’eau, et il lâche ma main.

Je le regarde jusqu’à ce que son désir glacé lui glace le cœur. » Rémy de Gourmont, Les Yeux d’eau, Histoires magiques et autres récits, 1884 Question Quelles représentations de la séduction féminine les textes du corpus proposent-ils ? Travaux d’écriture Vous traiterez au choix l’un des trois sujets suivants. Sujet 1 : commentaire de texte Vous ferez le commentaire du texte de Barbey d’Aurevilly (texte 2). Sujet 2 : dissert 7 OF texte Sujet 2 : dissertation Un personnage de roman doit-il être séduisant pour susciter l’intérêt du lecteur ?

Vous répondrez à cette question dans un développement ordonné qui s’appuiera sur les textes du corpus, sur ceux que vous avez étudiés en classe et sur vos lectures personnelles. Sujet 3 : écriture d’invention Nana vient de regagner sa loge du théâtre des Variétés. Elle se remémore son passage sur scène. Vous détaillerez ses impressions et ses pensées Corrigé Ces quatre extraits de récits du xixe siècle ont tous un point commun : l’évocation du pouvoir de séduction des femmes.

Les quatre femmes mises en scène par leur auteur ont en commun d’être a priori d’un abord facile de par leur origine populaire ou leur profession : la bohémienne Carmen, « la gitanilla », héroïne de la nouvelle de Mérimée ; la chanteuse d’origine populaire Nana, qui se prodult au théâtre des Variétés, héroine éponyme du roman de Zola ; la prostituée de La Vengeance d’une femme, ernière nouvelle des Diaboliques de Barbey d’Aurevilly ; la servante d’auberge de la nouvelle de Rémy de Gourmont Les Yeux d’eau.

Toutes appartiennent à une marginalité attirante. Mais la diversité des points de vue adoptés et des descriptions de femmes, dont certains traits physiques ou mentaux sont mis en évidence, donne lieu à des représentations différentes de la séduction féminine. our les femmes des trois premiers textes perçues à travers le regard désirant d’un homme (le narrateur d femmes des trois premiers textes perçues à travers le regard désirant d’un homme (le narrateur don José pour Carmen ; Robert de Tressignies pour la prostituée) ou de plusieurs, comme c’est le cas pour Nana, qui se produit sur scène face à un public essentiellement masculin, c’est surtout le pouvoir érotique de leur corps qui est souligné, voire exacerbé.

Toutes ont une tenue vestimentaire provocante aux couleurs voyantes : la Carmen de Mérimée porte un « jupon rouge fort court qui laissait voir des bas de soie blancs avec plus d’un trou la prostituée de Barbey d’Aurevilly est vêtue d’une robe « de satin safran, aux tons d’or » et la « plume rouge de son chapeau blanc lui vibrait usque sur l’épaule », quant à Nana déguisée en « Vénus », déesse de l’amour, une « mince tunique qu’on suppose donc assez transparente, dessine la « rondeur » de sa hanche.

D’ailleurs, la couleur « rouge n, avec ses nuances « écarlate » ou « vermillon est largement présente dans la toilette ou le maquillage car elle connote le feu de la passion, la sensualité, ainsi que le suggèrent « les rubans couleur de feu » de Carmen ou la petite bouche rouge » de Nana et la « flamme [qui] passait sur ses joues D.

Chez la prostituée parisienne, la couleur « or » s’associe au « rouge ?, car elle connote la splendeur qui fascine, comme l’indique la référence à « la reine de Saba On peut aussi noter la dimension animale de certains traits physiques qui semble susciter le désir des hommes : Carmen est comparée à « une pouliche du haras de Cordoue Robert d PAGF OF le désir des hommes : Carmen est comparée à « une pouliche du haras de Cordoue », Robert de Tressignies est sensible au « luxe piaffant de courtisane » de la prostituée, la métaphore animale présente dans le verbe « piaffer évoquant aussi un cheval, tandis que les « cheveux roux » sur la nuque de Nana sont « omme une toison de bête Cest aussi l’attitude provocante, la démarche aguicheuse de ces héroïnes qui sont mises en avant : le mouvement des mains de Carmen, qui « écartait sa mantille afin de montrer ses épaules ou celui encore plus suggestif de ses hanches « se balançant comme une pouliche La prostituée marche « exagérément cambrée » devant Tressignies, qui remarque sa « fierté impudente de fille enivrée d’elle-même elle campe ses yeux dans les siens « avec toute l’effronterie de son métier Nana, enhardie par la réaction du public, « donnait un coup de hanche qui dessina une rondeur tandis que, la taille liée, la gorge renversée, elle tendait les bras ». Ces femmes se montrent aussi entreprenantes car elles prennent l’initiative de la séduction. Carmen adresse la première la parole au narrateur et le taquine sur son « épinglette », lui lance « la fleur de cassie qu’elle avait à la bouche juste entre les deux yeux La prostituée attend Tressignies, « sûre qu’il viendrait », l’incitant à « s’enfoncer dans la rue Basse-du-Rempart Même la vieille servante « aux yeux d’eau » va vers les hommes de l’auberge et leur « prend doucement la main Mais ce dernier personnage de femme se démarque sensiblement des